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15/10/2020 | FRANCE | N°19NC01514

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 19NC01514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1806641 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2019, M. D... A... C..., représenté par

Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1806641 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2019, M. D... A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté du 14 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- il n'est pas justifié que le médecin auteur du rapport médical n'a pas siégé au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle repose sur une décision portant refus de séjour illégale ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la fixation du pays de destination :

- elle repose sur des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.

M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., né en 1989 et de nationalité algérienne, serait entré en France au cours de l'année 2015 muni d'un passeport revêtu d'un visa délivré par les autorités turques. Le 12 avril 2016, M. A... C... a déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé. Un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an lui a été délivré le 6 décembre 2016. Le 10 novembre 2017, l'intéressé a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 14 septembre 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination. M. A... C... relève appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 septembre 2018.

Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...). La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ".

3. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

4. M. A... C... se prévaut de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle est intervenue la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour en faisant valoir, pour la première fois en appel, qu'il n'est pas établi que le médecin qui a établi le rapport prévu par les dispositions précitées n'a pas siégé au sein de ce collège en violation des articles R. 313 22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin produit en appel le bordereau de transmission de l'avis du 21 juin 2018 émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration où figure le nom du médecin ayant rédigé le rapport prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Eu égard aux noms des trois médecins portés sur l'avis du 21 juin 2018, la préfète justifie ainsi que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui s'est prononcé sur l'état de santé de M. A... C.... Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, comme il a été dit au point 4, dès lors qu'aucune disposition n'impose que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration comporte la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, M. A... C... ne peut utilement soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie faute d'avoir communication, au stade de l'examen de sa demande, de l'identité du médecin ayant rédigé le rapport. Par suite, la procédure susmentionnée n'est pas entachée d'irrégularité.

6. En deuxième lieu, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A... C... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 21 juin 2018. Selon cet avis, l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si l'intéressé fait valoir qu'il a des problèmes de santé, il se borne à produire un certificat médical du 24 septembre 2018, établi par un neuropsychiatre, qui indique sans plus de précision que la prise en charge ne peut être interrompue et risquerait d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, un tel document ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité préfectorale sur les conséquences résultant d'un défaut de prise en charge médicale et sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. A... C... ne justifie pas de son arrivée en France en 2015, sa présence ne pouvant être établie qu'à compter du 12 avril 2016, date à laquelle il a déposé une demande de titre de séjour. Si l'intéressé se prévaut de ses attaches familiales en France, il ressort des pièces du dossier qu'il vit chez son autre frère Ahmed, dont sa situation régulière sur le territoire français n'est pas établie. Quant à son second frère titulaire d'un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, venant à expiration le 24 septembre 2018 concomitamment à la décision attaquée, le requérant ne justifie pas de l'intensité des liens qu'il aurait avec lui. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que ce dernier a sollicité le renouvellement de son titre et qu'il a vocation à demeurer en France. Le préfet précise en défense que M. A... C... n'est pas isolé en Algérie où vivent ses parents, deux de ses frères et ses deux soeurs. Par ailleurs, la seule obtention d'un permis de conduire le 14 juin 2018 et la période de travail du 28 août 2017 au 31 août 2018 ne sauraient suffire à démontrer une insertion particulière en France. Par suite, la décision critiquée n'a ni méconnu le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation du requérant.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. A... C... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, il n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de l'obligations de quitter le territoire prise à son encontre.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 9, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui précède que les décisions de refus de séjour et faisant obligation à M. A... C... de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par le conseil de l'intéressé doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC01514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01514
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SCP KLING ET BARBY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-15;19nc01514 ?
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