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15/10/2020 | FRANCE | N°19NC01421

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 19NC01421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur le revenu laissé à sa charge au titre de l'année 2008 ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée laissés à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1702400 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cou

rs d'instance, a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur le revenu laissé à sa charge au titre de l'année 2008 ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée laissés à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1702400 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2019, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 12 décembre 2019, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 14 mars 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités laissées à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- n'ayant exercé aucune activité d'artisan du bâtiment à titre lucratif, c'est à tort que l'administration, mettant en oeuvre de manière infondée les dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, l'a taxé d'office à la taxe sur la valeur ajoutée et a évalué d'office un bénéfice industriel et commercial au titre des années 2008 et 2009 alors que les travaux qu'il a réalisés sur l'immeuble de Mme A..., dont il envisageait l'acquisition, l'ont été dans le but de rendre service à sa nièce, qui en était la locataire, et qui venait d'être victime d'un sinistre ;

- le bénéfice arrêté par le service est exagéré puisqu'il retient, avant les dégrèvements accordés, un taux de marge de près de 99 % ; qu'il y a lieu pour la cour de fixer ce bénéfice en retenant un taux de marge brute de 25 % conforme à ce qui est constaté pour les entreprises de rénovation ;

- en l'absence d'activité occulte, la pénalité de 80 % ne saurait être appliquée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 3 octobre 2019 et le 8 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Estimant que M. E... avait exercé à compter de l'année 2004 une activité occulte d'entrepreneur en bâtiment, l'administration fiscale a procédé à une vérification de comptabilité au titre de cette activité pour la période du 1er janvier 2004 au 31 juillet 2014, concurremment avec l'examen de la situation fiscale personnelle des époux E... au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par une proposition de rectification du 16 décembre 2014, faisant suite à la vérification de comptabilité, le service a évalué d'office les bénéfices industriels et commerciaux de M. E... au titre des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 et a taxé d'office la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2013. Les rectifications ont été assorties de la pénalité de 80 % en cas d'activité occulte. Les redressements en matière d'impôt sur le revenu n'ont été mis en recouvrement le 31 octobre 2015 que pour l'année 2008 tandis que les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement le 23 mars 2015. Afin de contester ces impositions supplémentaires, M. E... a déposé deux réclamations lesquelles ont toutes deux donné lieu à des décisions d'admission partielle des 18 juillet 2016 et du 11 juillet 2017, l'intéressé ayant pu justifier du caractère non professionnel d'un certain nombre de sommes encaissées par lui. M. E... relève appel du jugement du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Nancy en tant que celui-ci, après avoir constaté un non-lieu dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande se rapportant aux impositions laissées à la charge de l'intéressé et qui sont constituées par des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 et par le supplément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008.

Sur l'exercice d'une activité occulte d'artisan par M. E... :

2. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au présent litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due./Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce./Le droit de reprise mentionné au deuxième alinéa ne s'applique qu'aux seules catégories de revenus que le contribuable n'a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu'il a déposées dans le délai légal. Il ne s'applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

3. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) ". Et aux termes de l'article L. 66 du même livre : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ".

4. Afin d'établir l'exercice par M. E... d'une activité professionnelle occulte, l'administration s'est fondée sur les renseignements recueillis dans le cadre du droit de communication prévu par les articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, exercé auprès de l'autorité judiciaire et de la société Saretec, expert de la société d'assurance Groupama, ainsi que sur l'examen des comptes bancaires de l'intéressé, lesquels ont permis de mettre en lumière la réalisation par ce dernier au cours des années 2008 et 2009, de travaux de rénovation d'un immeuble d'habitation situé à Villey-Saint-Etienne, détruit partiellement à la suite d'un incendie. La réalisation de ces travaux de plomberie, sanitaire, chauffage, fournitures et poses d'une alarme, d'un plafond, d'un escalier et d'une cuisine a fait l'objet de quatre factures émises par M. E..., établies à son nom et à son adresse, faisant mention du numéro Siret d'une autre entreprise, produites auprès de la compagnie d'assurance en charge de l'indemnisation du sinistre. L'examen des comptes bancaires a permis de constater que M. E... a encaissé et conservé l'intégralité des sommes versées par la compagnie d'assurance en contrepartie des travaux réalisés, s'élevant à 95 870 euros, y compris celles qui étaient censées revenir aux entreprises sous-traitantes lesquelles se sont avérées fictives. Il résulte de ces éléments que, contrairement à ce qu'il soutient, M. E... est intervenu sur le chantier litigieux non pas comme un simple intermédiaire bénévole soucieux de rendre service à l'occupante des lieux et désireux de se rendre acquéreur de l'immeuble, mais comme un entrepreneur en bâtiment ayant accompli ses prestations à titre onéreux sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'un seul chantier ait pu être identifié. Si le requérant soutient par ailleurs que les factures établies à son nom seraient des faux, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait déposé plainte à raison de tels faits. Dans ces conditions, l'exercice par M. E... d'une activité d'entrepreneur en bâtiment pour laquelle il ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises et n'a déposé aucune déclaration de chiffre d'affaires et de résultat doit être regardé comme établi.

5. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de dépôt de ses déclarations de chiffre d'affaires et de résultat, M. E... se trouvait en situation de taxation et d'évaluation d'office. Compte tenu de l'exercice occulte de son activité, l'administration fiscale était fondée à exercer son droit de reprise pour les années litigieuses en application des dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'intéressé n'aurait pas poursuivi son activité sur la période de reprise de droit commun. C'est donc régulièrement que le service, afin de procéder aux rectifications litigieuses, a mis en oeuvre les procédures d'imposition d'office prévues aux articles L. 69 et L. 73 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Les droit supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et le supplément d'impôt sur le revenu litigieux ayant été régulièrement établis d'office, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. E... supporte la charge de la preuve du caractère exagéré de ces impositions conformément aux dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales.

7. Afin de déterminer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les travaux immobiliers réalisés ainsi que le montant des produits à prendre en compte pour la détermination du bénéfice industriel et commercial, le service a retenu comme recettes les sommes versées par la compagnie d'assurance ainsi que par l'office notarial en contrepartie des travaux de rénovation, encaissées par M. E... sur ses comptes bancaires. Le service a ensuite admis en déduction du bénéfice et de la taxe sur la valeur ajoutée nette due les sommes figurant sur les factures de fournitures de matériaux qu'il a pu obtenir dans le cadre du droit de communication. M. E..., qui ne dispose pas d'une comptabilité régulière et probante, n'est pas fondé à soutenir qu'une telle méthode est viciée dans son principe ou sommaire.

8. M. E..., qui ne conteste pas le montant retenu au titre du chiffre d'affaires, demande en revanche que le bénéfice industriel et commercial de l'année 2008 soit établi sur la base d'un taux de marge brute de 25 %, selon lui plus conforme aux résultats constatés chez les entreprises similaires, mais une telle méthode, non assortie d'éléments explicatifs concrets, ne saurait être tenue pour plus précise que celle utilisée par l'administration.

9. Enfin, les énonciations de la doctrine administrative alors en vigueur, référence BOI-CF-IOR-50-20-20170308, n° 210 et suivants, ne comportent aucune interprétation différente de la loi fiscale susceptible d'être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de :/ (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ".

11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. E... a exercé de manière occulte une activité d'entrepreneur en bâtiment sans s'être fait connaître d'un centre de formalité des entreprises et sans déposer de déclaration de bénéfice et de chiffre d'affaires. Par suite, c'est à juste titre que les impositions supplémentaires litigieuses ont été assorties de la pénalité de 80 % prévue par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 1728 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 19NC01421

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01421
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-05-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GUENOT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-15;19nc01421 ?
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