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24/09/2020 | FRANCE | N°19NC01326

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 24 septembre 2020, 19NC01326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Carbonex a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la décharge, en droits et pénalités, des cotisations foncières des entreprises et de taxe pour frais de chambre des métiers et de l'artisanat établies au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016 dans les rôles de la commune de Gye-sur-Seine.

Par un jugement n° 1800829 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait intégralement droit à cette demande. >
Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 avril 2019 ainsi qu'un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Carbonex a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la décharge, en droits et pénalités, des cotisations foncières des entreprises et de taxe pour frais de chambre des métiers et de l'artisanat établies au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016 dans les rôles de la commune de Gye-sur-Seine.

Par un jugement n° 1800829 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait intégralement droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 avril 2019 ainsi qu'un mémoire enregistré le 3 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 janvier 2019 ;

2°) de rétablir les impositions et pénalités que le tribunal administratif a déchargées.

Il soutient que :

- la garantie de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ne trouve à s'appliquer que dans l'hypothèse où les impositions procèdent de la vérification de comptabilité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et dans le cas où la procédure de rectification contradictoire ou d'office, donnant lieu aux propositions de rectification prévues par les articles L. 55 et L. 76 du livre des procédures fiscales, ont été suivies ce qui n'est pas le cas en l'espèce où ont été établies les cotisations foncières des entreprises.

Par des mémoires enregistrés les 21 janvier et 24 août 2020, la SAS Carbonex, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;

- la garantie prévue à l'article L. 48 du livre des procédures fiscales a été méconnue ;

- les rectifications ne lui ont pas été notifiées sur l'imprimé modèle 3924 en violation de l'instruction BOI-CF-IOR-10-30-20140227 ;

- elle n'est pas redevable de la cotisation pour frais de chambre des métiers n'étant pas inscrite à cet organisme.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Carbonex, qui exerce une activité de production de charbon de bois, a fait l'objet au cours de l'année 2016 d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 2012 au 31 mars 2016. Par lettre du 20 décembre 2016 le service a fait connaître à ladite société qu'il entendait rectifier ses bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises des années 2013 à 2016 en procédant à l'évaluation des biens passibles d'une taxe foncière selon la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts et en incluant dans la base d'imposition deux bâtiments loués à la société Natixis aux termes d'un contrat de crédit-bail. Après avoir tenu compte par une lettre du 1er mars 2017 des observations présentées par la société Carbonex, l'administration a mis en recouvrement les impositions supplémentaires assorties des intérêts de retard le 30 novembre 2017. La réclamation présentée par la société Carbonex le 6 décembre 2017 a été rejetée le 1er mars 2018. Par le jugement attaqué du 17 avril 2018, dont le ministre de l'action et des comptes publics relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déchargé la SAS Carbonex des impositions et majorations contestées.

Sur le moyen de décharge retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Aux termes de l'article R. 13-1 du même livre : " Les vérifications de comptabilité mentionnées à l'article L. 13 comportent notamment : / a) La comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature, notamment ceux dont la tenue est prévue par le code général des impôts et par le code de commerce ; / b) L'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l'aide particulièrement des renseignements recueillis à l'occasion de l'exercice du droit de communication, et de contrôles matériels". Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ". Aux termes de l'article L. 48 du même livre : "A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai ". Aux termes de l'article L. 55 du même livre : "Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts (...) les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A ". Aux terme de l'article L. 56 du même livre : "La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable :/1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers, à l'exclusion de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue à l'article 1586 ter du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 65 du même livre : " Dans les cas limitativement énumérés à la présente section, les revenus ou bénéfices imposables des contribuables et les éléments servant au calcul des taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement et taxes assimilées ainsi que des taxes assises sur les salaires ou les rémunérations sont taxés ou évalués d'office ".

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus que, d'une part, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsque, en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par celle-ci, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude et que, d'autre part, la régularité de la vérification de comptabilité suppose, sauf si la loi en dispose autrement, le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, même lorsque les impositions supplémentaires mises à la charge de ce dernier ne sont pas la conséquence d'une procédure de rectification contradictoire conduite sur le fondement des articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales. S'il en va ainsi, notamment, du droit d'être informé préalablement à la vérification de comptabilité des années soumises à vérification, auquel se réfère l'article L. 47 de ce livre, et du droit de ne pas subir une nouvelle vérification de comptabilité au regard des mêmes impôts ou taxes pour la même période, auquel se réfère l'article L 51 du même livre, il ne saurait en être de même s'agissant de la garantie prévue à l'article L. 48 dudit livre, laquelle ne trouve à s'appliquer, en dépit de ce qu'elle s'attache à une opération de contrôle, que dans les hypothèses où l'administration a recours aux procédures de rectification prévues par les articles L. 55 et L. 65 du livre des procédures fiscales au moyen, selon le cas, des propositions de rectification ou notifications des bases visées aux articles L. 57 et L. 76 dudit livre.

4. Il résulte de l'instruction ainsi que des propres écritures de l'administration que c'est à la suite des constatations effectuées sur place que le vérificateur a pu procéder aux rectifications litigieuses de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises de la SAS Carbonex. Mais, il est constant qu'afin de porter à la connaissance de la société Carbonex ces rectifications le service n'a pas eu recours aux procédures de rectification prévues par les dispositions des articles L. 55 ou L. 65 du livre des procédures fiscales lesquelles sont inapplicables en matière d'impositions directes locales. Par suite, la SAS Carbonex n'est pas fondée à soutenir qu'est entachée d'irrégularité la procédure de vérification de comptabilité dont procède les impositions litigieuses à défaut de l'indication de leurs conséquences financières dans les lettres d'information du 20 décembre 2016 et 1er mars 2017 ci-dessus analysées.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des impositions contestées par la SAS Carbonex en se fondant sur les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande de la SAS Carbonex devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens de la demande :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

7. Les procédures de rectification prévues aux articles L. 55 et L. 65 n'étant pas applicables aux impositions litigieuses et la garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne trouvant pas à s'appliquer en matière de procédure d'imposition, la société Carbonex n'est pas fondée à soutenir que le service aurait méconnu l'instruction BOI-CF-IOR-10-30-20140227 en n'utilisant pas l'imprimé modèle 3924 afin de lui faire connaître les rectifications qu'il comptait apporter aux bases de sa cotisation foncière des entreprises.

8. Si les dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales ne sauraient dispenser du respect des obligations qui découlent du principe général des droits de la défense, la mention de la possibilité pour le contribuable de se faire assister d'un conseil de son choix n'est pas au nombre des obligations découlant du principe général des droits de la défense. Par suite, la société Carbonex n'est pas fondée à soutenir que c'est irrégulièrement qu'elle n'a pas été avisée d'une telle faculté avant l'engagement des opérations de contrôle dont elle a fait l'objet.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

9. L'article 1601 du code général des impôts dispose que la taxe pour frais de chambre des métiers " est acquittée par les chefs d'entreprises individuelles ou les sociétés soumis à l'obligation de s'inscrire au répertoire des métiers ou qui y demeurent immatriculés ".

10. Il résulte de l'instruction, et notamment des écritures de la SAS Carbonex dans son mémoire en réplique présenté devant le tribunal administratif, qu'elle a été inscrite au répertoire des métiers. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'y était plus inscrite au titre des années litigieuses. Par suite, la SAS Carbonex qui s'abstient de produire un certificat de radiation du registre des métiers en dépit de la demande qui lui a été faite en ce sens, n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était plus assujettie à la taxe pour frais de chambre des métiers.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des cotisations foncières des entreprises et des taxe pour frais de chambre des métiers dues par la SAS Carbonex au titre des années 2013 à 2016.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code général des impôts :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance verse à la SAS Carbonex une somme au titre des frais exposés par elle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : Les impositions et majorations dont le jugement du 25 janvier 2019 avait prononcé la décharge sont rétablies à la charge de la SAS Carbonex.

Article 3 : Les conclusions de la SAS Carbonex tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Carbonex et au ministre de l'économie, des finances et de la relance

N° 19NC01326 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01326
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Questions communes - Valeur locative des biens.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : M2C AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-09-24;19nc01326 ?
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