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22/09/2020 | FRANCE | N°18NC02529

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 18NC02529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axus Luxembourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de mettre à la charge de l'Etat, ou à défaut à la charge de la communauté de communes de Cattenom et Environs ou à la charge du département de la Moselle la somme de 10 826 euros en réparation du préjudice subi à la suite de la perte, lors d'une inondation le 4 février 2013, d'une automobile lui appartenant.

Par un jugement n° 1506259 du 24 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le départem

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axus Luxembourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de mettre à la charge de l'Etat, ou à défaut à la charge de la communauté de communes de Cattenom et Environs ou à la charge du département de la Moselle la somme de 10 826 euros en réparation du préjudice subi à la suite de la perte, lors d'une inondation le 4 février 2013, d'une automobile lui appartenant.

Par un jugement n° 1506259 du 24 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le département de la Moselle à verser à la société AXUS Luxembourg la somme de 10 826,09 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée les 20 septembre 2018, le département de la Moselle, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 juillet 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de la société Axus Luxembourg ;

3°) de mettre à la charge de la société Axus Luxembourg la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il omet d'analyser et de répondre au moyen soulevé en défense devant lui tiré du caractère non contradictoire du rapport d'expertise ;

- il n'est pas suffisamment motivé en ce qui concerne le caractère non contradictoire de l'expertise ;

- le défaut d'entretien normal de la voirie n'est pas établi ;

- M. E... a commis une imprudence en s'engageant sur la route départementale n°56 qu'il connaissait bien, cette faute étant de nature à l'exonérer entièrement de sa responsabilité ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en ne retenant pas la faute exonératoire de la victime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2019, la société Axus Luxembourg, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département de la Moselle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune inspection de la route n'a eu lieu et aucune signalisation n'a été mise en place, alors que le risque était connu ;

- M. E... n'a commis aucune faute de nature à exonérer le département de la Moselle de sa responsabilité pour défaut d'entretien normal de la voie publique ;

- les autres moyens soulevés par le département de la Moselle ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée au ministre de la transition écologique et solidaire et à la communauté de communes de Cattenom et Environs qui n'ont pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., présidente assesseur,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour le conseil départemental de la Moselle.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 février 2013, vers 6h40, alors qu'il venait de traverser le pont permettant de se rendre à Cattenom à bord d'un véhicule appartenant à la société Axus Luxembourg, M. E... a été surpris par la montée des eaux de la Moselle qui ont atteint la hauteur du capot du véhicule. Il a alors dû abandonner son véhicule. Celui-ci a été déclaré irréparable après le sinistre. Le 5 août 2015, la société Axus Luxembourg a adressé une demande indemnitaire préalable à l'Etat en réparation du préjudice matériel subi, à hauteur de 10 826,09 euros. Le 24 juin 2016, elle a également adressé une demande indemnitaire au département de la Moselle et à la communauté de communes de Cattenom et environs. Par un courrier du 12 septembre 2016, le département de la Moselle a rejeté sa demande. Le département de la Moselle relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 24 juillet 2018 en tant qu'il l'a condamné à verser à la société Axus Luxembourg la somme de 10 826,09 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En soutenant que c'est par une omission à statuer et une insuffisante motivation que le tribunal a jugé que le rapport d'expertise n'était " nullement contesté ", le département ne conteste pas la régularité du jugement mais son bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité du département :

3. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage qu'il invoque. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

4. Il résulte de l'instruction qu'un bulletin météorologique du 2 février 2013, produit par la société Axus Luxembourg, faisait état de risques d'inondation en raison de l'importante montée des eaux de la Moselle, les 2 et 3 février 2013, dans le sud-est du Luxembourg, région qui se trouve à proximité immédiate de Cattenom. Les routes départementales n° 62 et 8 bis, situées à proximité de la route départementale n°56, ont été fermées à la circulation, dès le dimanche 3 février 2013 à 10h17 pour la première et le 4 février 2013 à 2h50 pour la seconde, afin de prévenir tout risque pour les usagers circulant sur ces routes. Par ailleurs, la Moselle connaît régulièrement des crues en période hivernale et le département ne pouvait ignorer le risque d'inondation de la RD n°56 au regard d'une part de la fermeture de voies situées à proximité et d'autre part du fait qu'elle avait déjà par le passé été inondée. Ainsi, en s'abstenant de mettre en place une signalisation appropriée, le département, alors même que ses services sont arrivés rapidement sur les lieux une fois prévenus de l'inondation, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'entretien normal de l'ouvrage public lui appartenant.

5. Il résulte de ce qui précède que le département de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a retenu sa responsabilité.

En ce qui concerne la faute de la victime :

6. Il résulte de l'instruction que M. E... roulait sans difficultés particulières lorsqu'il a été surpris par la rapide montée des eaux. Il précise avoir croisé, juste avant son accident, un véhicule circulant en sens inverse, sans que ce dernier ne lui fasse d'appel de phare et avoir réalisé " après quelques mètres seulement " que la route était inondée et avoir alors arrêté son véhicule en urgence. Dans ces conditions, en faisant valoir que M. E..., dont il n'est pas établi qu'il roulait à une vitesse excessive et qui connaissait parfaitement la route, aurait dû être prudent au regard des conditions climatiques et aurait été en mesure de faire demi-tour, ce qui n'était pas possible du fait de la présence derrière lui d'un véhicule, le département ne démontre pas que l'accident serait imputable à une faute de la victime de nature à atténuer en tout ou partie sa responsabilité.

En ce qui concerne le montant du préjudice :

7. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement du rapport d'expertise réalisé par la société Bexalux, qui même établi de manière non contradictoire, constitue l'une des pièces du dossier de la procédure et peut, être, à ce titre, pris en compte, que le préjudice de la société Axus Luxembourg s'élève à la somme de 10 826 euros. Le département de la Moselle ne produit aucun élément de nature à remettre en cause cette somme.

8. Il résulte de ce qui précède que le département de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser la somme de 10 826,09 euros à la société Axus Luxembourg.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Axus Luxembourg qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande le département de la Moselle au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Moselle le versement à la société Axus Luxembourg de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du département de la Moselle est rejetée.

Article 2 : Le département de la Moselle versera à la société Axus Luxembourg la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Moselle, à la société Axus Luxembourg, au ministre de la transition écologique et solidaire et à la communauté de communes de Cattenom et environs.

2

N° 18NC02529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02529
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Notion de dommages de travaux publics - Existence.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres - Défaut d'entretien normal - Chaussée.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELAS OLSZAK LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-09-22;18nc02529 ?
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