Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 juin 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1907093 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2020, M. E... C..., représenté par Me Weiss, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou subsidiairement de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les dépens.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée en fait et ne fait pas ressortir un examen sérieux de sa situation ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
- la possibilité de recourir au regroupement familial ne doit pas intervenir dans l'appréciation par l'administration de l'atteinte à sa vie privée et familiale ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination dès lors que le jugement attaqué n'a statué que sur la légalité du refus de titre de séjour.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité bosniaque, né en 1996, est entré en France, selon ses déclarations, en février 2019, en vue de rejoindre son épouse, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ". Après le rejet, par une décision du préfet du Haut-Rhin du 28 décembre 2018, de la demande de regroupement familial présenté par son épouse, l'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant d'une promesse d'embauche. Par un arrêté du 17 juin 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... fait appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2019 qui a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
2. Le jugement dont il est fait appel n'a statué que sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour prononcée par l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 17 juin 2019 alors que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a statué, par un jugement du 29 octobre 2019, sur les conclusions de la requête de M. C... dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination que comportait ce même arrêté. Il s'ensuit que les conclusions de M. C... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 17 juin 2019 sont irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. La décision contestée, après avoir visé les textes dont elle fait application, notamment les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, l'article L. 313-14 ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle les conditions d'entrée et de séjour de M. C... en France et le rejet de la demande de regroupement familial présentée par son épouse. Elle mentionne ensuite que l'emploi de chauffeur-livreur, pour lequel l'intéressé a reçu une promesse d'embauche, n'est pas sous tension et que les éléments invoqués ne permettent pas de considérer qu'il justifie de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Elle relève encore que l'intéressé ne maîtrise pas le français et ne présente aucun élément permettant de l'admettre au séjour à titre exceptionnel ou humanitaire. Cette décision poursuit en mentionnant que le requérant ne justifie pas de la délivrance de plein droit d'un titre de séjour dès lors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Bosnie où résident sa mère et sa soeur, qu'il a la possibilité de revenir en France par une procédure de regroupement familial, que sa présence en France est récente et qu'il n'est pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Dans ces conditions, la décision en litige, qui fait au demeurant référence à la présence de son fils en France, est suffisamment motivée et révèle que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 3117 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
5. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser un titre de séjour d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure de refus de titre de séjour, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... n'est entré en France que le 14 février 2019 pour rejoindre son épouse et leur fils né le 13 mai 2018. S'il s'est marié en Bosnie avec cette dernière, de même nationalité que lui, le 6 août 2017, la durée de leur mariage et de leur communauté de vie était récente à la date de la décision contestée. Par ailleurs, si l'intéressé soutient qu'ils forment un couple depuis six ans, il ne l'établit pas, notamment par la seule production de leurs passeports respectifs, alors qu'ils ont vécu séparément jusqu'à son arrivée sur le territoire français. En outre, si son épouse bénéficie d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 9 décembre 2016 au 8 décembre 2020, l'intéressé ne fait état d'aucun obstacle l'empêchant de mener sa vie familiale, avec son épouse et leur fils, en Bosnie, où résident sa mère et sa soeur. Dans ces conditions, nonobstant la circonstance que les membres de la famille résident régulièrement en France et alors même que la procédure de regroupement familial ne pourrait aboutir favorablement eu égard aux ressources de son épouse, le préfet du Haut-Rhin n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
7. Il ressort des motifs de la décision contestée que, pour apprécier si le refus de délivrer un titre de séjour à M. C... ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, le préfet a pris en compte l'ensemble de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en s'en tenant à la faculté de solliciter le regroupement familial doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 31 la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. M. C... ne fait valoir aucune circonstance qui s'opposerait à ce que son épouse, de même nationalité que lui, et leur fils, encore en bas-âge, l'accompagnent pour reconstituer la cellule familiale en Bosnie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction et d'astreinte et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
11. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions du requérant tendant à ce que ceux-ci soient mis à la charge de l'Etat doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.
N° 20NC00048 2