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23/07/2020 | FRANCE | N°19NC02421

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 23 juillet 2020, 19NC02421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1807955 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2019, M. B..., représ

enté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 mai 2019 du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1807955 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 mai 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que le médecin qui a rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui s'est prononcé sur son état de santé ;

- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2020, la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- M. B... n'établit pas qu'il serait soumis à un risque réel et personnel de subir des traitement inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;

- il n'est pas isolé dans son pays d'origine ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 3 décembre 1988, est entré irrégulièrement en France le 4 septembre 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 31 mai 2016. Cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 14 février 2017. M. B... a sollicité un titre de séjour pour motifs de santé. Par un arrêté du 19 octobre 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 3 mai 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, énonce que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

3. Il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical sur l'état de santé de M. B... a été rédigé par le Dr. Ricatte, le 16 mai 2018. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a émis un avis sur l'état de santé de M. B... le 30 juin 2018, était composé des Dr. Sebille, Mesbahy et Mbomeyo. Par suite, le médecin instructeur n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui s'est prononcé sur l'état de santé de M. B.... Le moyen tiré du caractère irrégulier de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit, en conséquence, être écarté.

5. En second lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. D'une part, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, par son avis du 30 juin 2018, que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui, mais qu'il pouvait cependant bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et voyager sans risque vers son pays d'origine.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat médical du 4 mars 2019 du Dr. Cayemitte, psychiatre, que M. B... est atteint d'un syndrome anxio-dépressif post-traumatique et présente une vulnérabilité psychique et physique. Ce certificat médical, le seul produit par le requérant, qui ne se prononce pas sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de M. B..., n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon laquelle M. B... pourra bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. Les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du refus de lui délivrer un titre de séjour doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, ainsi qu'il est dit au point précédent, le refus de délivrer un titre de séjour à M. B... en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas entaché d'illégalité. Le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit, par suite, être écarté.

11. En second lieu, si M. B... soutient que l'obligation de quitter le territoire français a des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour sa vie personnelle et familiale, il ne met pas la cour à même d'apprécier le bienfondé de ce moyen. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. B... ne résidait en France que depuis un peu plus de trois ans à la date de l'arrêté du 19 octobre 2018. Il ne fait état d'aucune insertion particulière en France. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident notamment sa fille mineure, ses parents et ses frères et soeurs, alors qu'il ne fait état d'aucune attache familiale en France. De plus, ainsi qu'il a été dit, M. B... n'établit pas qu'il ne sera pas en mesure de bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doit, en conséquence, être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. Les circonstances invoquées par M. B... pour soutenir qu'il serait personnellement exposé à un risque pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées. M. B... fait d'ailleurs état, à l'appui de ses allégations, des mêmes circonstances que celles présentées à l'appui de sa demande d'asile, qui ont été regardées comme n'étant pas suffisamment établies par l'OFPRA et la CNDA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2018 du préfet de la région Grand-Est, préfet du Bas-Rhin. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin.

2

N° 19NC02421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02421
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GRENIER
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP KLING ET BARBY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc02421 ?
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