Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.
Par un jugement n° 1801772 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er juillet 2019, 13 et 24 juin 2020, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 28 février 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa demande est recevable ;
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé en réponse au moyen d'insuffisance de motivation en droit de la décision du 27 juin 2018 ;
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée en droit en l'absence de mention de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle n'est pas suffisamment motivée en fait ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;
- la décision litigieuse porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision du 27 juin 2018 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- à la suite de son déménagement, le préfet du Bas-Rhin lui a délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'un an valable à compter du 5 février 2020.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction de M. F... auquel un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " a été délivré en février 2020.
Par un mémoire, enregistré le 24 juin 2020, M. F... déclare, en réponse à ce courrier, renoncer à ses conclusions à fin d'injonction.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant camerounais né le 25 juillet 1987, est entré en France le 30 octobre 2014. Par une décision du 27 juin 2018, le préfet de la Haute-Marne a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de ses liens privés et familiaux en France. Par un jugement du 28 février 2019, dont M. F... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a reconnu, le 12 janvier 2017, être le père d'une petite fille née le 19 juin 2016 en France. Il a également conclu un pacte civil de solidarité avec Mme A..., mère de l'enfant, le 28 juin 2017. Mme A..., ressortissante de Côte d'Ivoire, a obtenu le statut de réfugiée en France, le 28 janvier 2016. Dans l'attestation qu'elle produit en appel, Mme A... fait état d'une relation depuis le 2 mai 2015, suivie d'une vie commune depuis le 15 mai 2017. A la date de la décision attaquée, la relation de M. F... et Mme A... était suffisamment établie, de même que la naissance d'un premier enfant, un second enfant devant naître à la fin du mois de juin 2019. M. F... est lui-même ressortissant camerounais. Ainsi, il n'est pas établi que la cellule familiale qu'il compose avec Mme A..., ressortissante ivoirienne, puisse se reconstituer au Cameroun. Elle ne peut pas se reconstituer en Côte-d'Ivoire, eu égard au statut de réfugiée statutaire de Mme A.... Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard au statut de réfugiée statutaire de sa compagne, la décision portant refus de titre de séjour porte au droit de M. F... à une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est, en conséquence, méconnu.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision du 27 juin 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a rejeté la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. F... doit être annulée, de même que le jugement du 28 février 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Sur les frais liés au litige :
5. M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de M. F..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 28 février 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La décision du 27 juin 2018 du préfet de la Haute-Marne est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Marne.
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N° 19NC02068