Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Bibko Système a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1506115 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 juin 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 mars 2019, la SAS Bibko Système, représentée par Me Fernert, du cabinet G.S.A., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 avril 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement comporte une motivation contradictoire et dénature les faits ;
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la proposition de rectification ne satisfait pas aux exigences de motivation prévues par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration s'abstenant de répondre de manière claire et précise à son argumentation selon laquelle l'intégralité des dividendes a été versée et qu'il n'existe pas d'abandon de créance ;
- une opération d'annulation de distribution de bénéfices consécutive à la renonciation d'un associé de percevoir sa part de dividendes à son profit ne peut être regardée comme générant un produit exceptionnel fondé sur une variation d'actif net au sens de l'article 38-2 du code général des impôts ;
- seuls les abandons de créance constatés comptablement, en lien avec les besoins de l'exploitation de l'entreprise, sont susceptibles de générer un produit exceptionnel ;
- les associés allemands ont renoncé à leur part de dividendes et l'ont transféré à M. D..., qui les a perçus en lieu et place des associés allemands, de sorte que la société a réglé la totalité des dividendes et ne s'est pas enrichie ;
- le rehaussement n'est pas davantage fondé sur les dispositions de l'article 38-1 du code général des impôts, seule une absence totale de règlement des dividendes pouvant justifier un profit exceptionnel ;
- la méconnaissance de l'article 1844-1 du code civil est sans incidence en matière fiscale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Bibko Système, qui fait partie du groupe Bibko, spécialisé dans la production de systèmes de recyclage de béton résiduel, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 12 septembre 2014 notifiée dans le cadre de la procédure contradictoire, a rehaussé son bénéfice net imposable au titre des exercices clos en 2011 et 2012. La SAS Bibko Système relève appel du jugement n° 1506115 du 17 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 ainsi que des intérêts de retard.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les moyens tirés de ce que le jugement attaqué serait entaché de dénaturation des faits de l'espèce et d'une contradiction de motifs concernent le bien-fondé du jugement, et non sa régularité, à l'égard de laquelle ils sont inopérants.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...). Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".
4. Il résulte de l'instruction que, dans sa réponse aux observations de la société Bibko Système, l'administration fiscale a fait référence aux assemblées générales que cette dernière a tenues les 31 mai 2011 et 12 juillet 2012 pour procéder à des distributions de dividendes à ses associés allemands. Dans cette réponse, l'administration précisait qu'en vertu de ces assemblées générales, ces associés allemands disposaient d'une créance certaine, liquide et exigible correspondant aux montants de leurs dividendes. Elle a également précisé que si rien n'interdisait aux actionnaires de renoncer individuellement à leurs dividendes, cela devait se traduire, sur le plan des écritures comptables, par un abandon de créance se traduisant par une augmentation de l'actif. Ce faisant, l'administration fiscale a implicitement mais nécessairement répondu à la société requérante que la réalité de ses écritures comptables, en vertu desquelles étaient affectés les comptes " report à nouveau ", " distribution de dividendes ", et " compte banque ", ne traduisaient pas la réalité de l'opération constatée. Dès lors, le moyen tiré de ce que la réponse de l'administration du 19 décembre 2014 aux observations du contribuable serait insuffisamment motivée doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
5. D'une part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'extinction d'une dette de l'entreprise au cours d'un exercice implique, quelle qu'en soit la cause et à moins qu'elle ait pour contrepartie une diminution des valeurs d'actif, une augmentation de la valeur de l'actif net entre l'ouverture et la clôture de l'exercice.
6. D'autre part, les dividendes n'ont d'existence juridique qu'au jour de la décision de l'assemblée générale ordinaire des associés constatant l'existence de sommes distribuables par l'organe social compétent et déterminant la part attribuée à chaque associé. Ces dividendes figurent juridiquement dans le patrimoine des associés à compter de cette décision, les associés détenant alors une créance sur la société à hauteur de leur droit respectif à dividendes. Rien ne s'oppose à ce qu'un associé renonce, lors de l'assemblée considérée, totalement ou partiellement, à son droit à participer à la répartition des dividendes lorsqu'il s'agit des bénéfices d'un exercice écoulé. Une telle renonciation par l'associé, qui doit être regardée comme l'abandon d'une créance certaine, liquide et exigible, entraîne corrélativement une diminution du passif de la société débitrice et, à due concurrence, l'existence de disponibilités nouvelles. Dès lors, cette augmentation de l'actif net de la société, au cours de l'exercice où intervient l'événement à l'origine de l'extinction de la dette, doit être prise en compte pour le calcul du bénéfice net de cet exercice en application des dispositions précitées de l'article 38-2 du code général des impôts.
7. Il résulte de l'instruction que par délibérations prises en assemblée générale ordinaire des 31 mai 2011 et 13 juillet 2012, la société Bibko Système a décidé de procéder à la distribution de dividendes à ses trois associés, M. A... D... et ses associés allemands, la société Firma Bibko et M. B... C.... Cette décision de distribution des dividendes a ainsi fait naître une créance certaine et exigible détenue par les associés sur la société, à concurrence de leurs droits respectifs dans le capital de la société Bibko Système, conformément à l'article 12 des statuts de la société requérante, soit 50 % pour M. D..., 45 % pour la société Firma Bibko et 5 % pour M. C.... Les dividendes distribués au profit de la société Firma Bibko et de M. C... représentaient ainsi 50 % des dividendes distribuables. Si la société Bibko Système fait valoir que les associés allemands ont finalement renoncé à percevoir leurs parts des dividendes, elle ne produit aucun document émanant de l'assemblée générale procédant à des déterminations de la distribution des dividendes aux associés différentes de celles prévues par l'assemblée générale les 31 mai 2011 et 13 juillet 2012. Dans ces conditions, la société Firma Bibko et M. C..., qui détenaient toujours des créances sur la société, après les décisions de distribution des dividendes aux associés, doivent être regardés comme ayant renoncé à leurs droits de participer à la répartition des dividendes au profit de la société requérante, justifiant que l'administration réintègre ces sommes dans l'actif net de la SAS Bibko Système au titre des années 2011 et 2012.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Bibko Système n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SAS Bibko Système.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Bibko Système est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Bibko Système et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 18NC01691