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30/06/2020 | FRANCE | N°18NC01829

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 30 juin 2020, 18NC01829


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal de Strasbourg, d'une part, l'annulation de la décision du 2 novembre 2015 par laquelle le maire de la commune d'Eckbolsheim a refusé de requalifier ses contrats de travail en contrats à durée indéterminée, d'autre part, d'enjoindre à la commune d'Eckbolsheim de requalifier en contrat à durée indéterminée, à titre principal, son contrat conclu le 4 septembre 2007 et, à titre subsidiaire, son contrat conclu le 1er septembre 2013, enfin, de condamner la commune d'Eckbol

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal de Strasbourg, d'une part, l'annulation de la décision du 2 novembre 2015 par laquelle le maire de la commune d'Eckbolsheim a refusé de requalifier ses contrats de travail en contrats à durée indéterminée, d'autre part, d'enjoindre à la commune d'Eckbolsheim de requalifier en contrat à durée indéterminée, à titre principal, son contrat conclu le 4 septembre 2007 et, à titre subsidiaire, son contrat conclu le 1er septembre 2013, enfin, de condamner la commune d'Eckbolsheim à lui verser une somme de 12 124,80 euros en réparation du préjudice résultant de son licenciement abusif.

Par un jugement n° 1507218 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 juin 2018 et 22 janvier 2019, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision du 2 novembre 2015 par laquelle la commune d'Eckbolsheim a rejeté sa demande indemnitaire ;

3°) de condamner la commune d'Eckbolsheim à lui verser la somme de 12 141,80 euros en réparation des préjudices qu'il a subis ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Eckbolsheim la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement attaqué est irrégulier en l'absence des signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- ses nouvelles demandes indemnitaires en appel, qui se rattachent à la même cause juridique que celles présentées devant le tribunal, sont recevables ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'il existait un cadre d'emploi des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique en vertu d'un décret du 2 septembre 1991 ;

- il ne pouvait être recruté plus de deux ans en contrat de travail à durée déterminée en application de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- eu égard au caractère irrégulier de ses contrats de travail à durée déterminée, la commune aurait dû procéder à son licenciement ;

- la commune ne justifie pas avoir engagé une procédure de recrutement d'un fonctionnaire pour le poste qu'il occupait ;

- à titre subsidiaire, la commune a commis une faute en ne l'informant pas de son intention de ne pas renouveler son contrat de travail à l'échéance du 30 juin 2015 en méconnaissance des dispositions de l'article 38 du décret du 15 février 1988 ;

- il a droit à l'indemnité de licenciement à laquelle il aurait eu droit s'il avait été licencié, conformément aux dispositions du décret du 15 février 1988 ;

- son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 8 174,94 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 novembre 2018 et 22 octobre 2019, la commune d'Eckbolsheim, représentée par Me B..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen, soulevé pour la première fois en appel, tiré de la faute de la commune à ne pas avoir licencié M. E..., qui repose sur une cause juridique distincte des moyens soulevés en première instance, est irrecevable ;

- M. E... demandant l'indemnisation de préjudices non invoqués devant le tribunal et pour une somme plus importante, sa demande indemnitaire présente un caractère incertain ;

- les contrats de travail à durée déterminée qu'elle a conclus avec M. E... ne sont pas entachés d'irrégularité ;

- M. E... a exprimé clairement son intention de ne pas renouveler son contrat de travail à compter du 30 juin 2015 en remettant ses clefs et en récupérant ses affaires ;

- les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique ;

- le décret n° 91-859 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique (musique, danse, arts plastiques) ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., présidente assesseur,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour la commune d'Eckbolsheim.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a été employé, à compter du 4 septembre 2007 en qualité d'agent non-titulaire de la commune d'Eckbolsheim sur un emploi d'assistant d'enseignement artistique et affecté au sein de l'école de musique de la commune. Ses contrats de travail ont été renouvelés à 12 reprises entre le 4 septembre 2007 et le 26 novembre 2014, date à laquelle un contrat de travail valable du 1er décembre 2014 au 30 juin 2015 a été conclu. Ce contrat de travail n'a pas été renouvelé. Le 11 août 2015, M. E... a demandé la requalification de ses contrats de travail en contrats de travail à durée indéterminée. Le 19 août 2015, la commune d'Eckbolsheim a rejeté cette demande. Le 21 octobre 2015, M. E... a demandé à la commune d'Eckbolsheim, d'une part, de régulariser sa situation et, d'autre part, de lui verser la somme de 12 124,80 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un courrier du 2 novembre 2015, la commune d'Eckbolsheim a rejeté sa demande. Par un jugement du 26 avril 2018, dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 2 novembre 2015 par laquelle la commune d'Eckbolsheim a refusé de requalifier ses contrats de travail en contrats de travail à durée indéterminée, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Eckbolsheim de requalifier en contrat à durée indéterminée, à titre principal, son contrat conclu le 4 septembre 2007 et, à titre subsidiaire, son contrat conclu le 1er septembre 2013, enfin, à ce que la commune d'Eckbolsheim soit condamnée à lui verser une somme de 12 124,80 euros en réparation du préjudice résultant de son licenciement abusif. En appel, M. E... reprend ses seules conclusions indemnitaires.

Sur la recevabilité de la demande de M. E... :

2. La personne qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.

3. Si devant le tribunal administratif de Strasbourg, M. E... invoquait le préjudice résultant de l'absence de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée, il faisait également état de son licenciement abusif et demandait l'indemnisation des préjudices résultant du refus de requalification de son contrat de travail et de la perte de son emploi. En appel, M. E... renonce à se prévaloir de l'absence de requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée pour soutenir qu'il aurait dû faire l'objet d'une procédure de licenciement. Il ne peut, cependant, pas être regardé comme soulevant un moyen fondé sur une cause juridique nouvelle alors qu'il invoque, comme en première instance, la responsabilité pour faute de la commune d'Eckbolsheim et que sa demande indemnitaire se rattache au même fait générateur, à savoir l'absence de renouvellement de son contrat de travail. De même, les préjudices dont il fait état en appel, à savoir le versement d'une indemnité de licenciement et l'indemnisation de son préjudice moral, se rattachent au même fait générateur que celui invoqué en première instance. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune d'Eckbolsheim doit être écartée.

4. Cependant, en l'absence d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement attaqué, M. E... n'est pas recevable à demander une indemnité plus importante qu'en première instance. Ses conclusions indemnitaires ne sauraient, par suite, excéder la somme de 12 124,80 euros demandée devant le tribunal.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle de la greffière d'audience. Ainsi la circonstance que l'ampliation du jugement notifiée au requérant ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé, manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date du premier contrat de travail de M. E... du 21 juillet 2007 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de titulaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité ou d'un congé parental, ou de l'accomplissement du service national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. (...) / Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes (...) / Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée (...) ".

8. D'autre part, ces dispositions ont été reprises en substance et précisées par les articles 3-1 et suivants de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Aux termes de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes (...) / Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ". Selon le II de l'article 3-4 de la même loi, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 applicable à la date du refus de renouvellement du contrat de travail de M. E... : " II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au premier alinéa du présent II est comptabilisée au titre de l'ensemble des services accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement dans des emplois occupés sur le fondement des articles 3 à 3-3 (...) ".

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. E... a été employé en qualité d'assistant d'enseignement artistique par la commune d'Eckbolsheim, fonctions qui relèvent d'un cadre d'emploi de catégorie B régi par le décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique (musique, danse, arts plastiques) auquel s'est substitué le décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique. Ainsi, M. E... ne pouvait pas être employé en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur, citées au point 7 et reprises par l'article 3-3 de la même loi cité au point 8 du présent arrêt qui autorisent les collectivités territoriales à employer des agents contractuels pour occuper des emplois permanents lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes. Il est également constant que le poste sur lequel M. E... a été recruté correspond à des fonctions de catégorie B et non de catégorie A. M. E... ne saurait, par suite, utilement se prévaloir des dispositions des articles 3-3 et 3-4 de la loi du 26 janvier 1984 selon lesquelles les contrats conclus en application de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 ne peuvent être reconduits, à l'issue d'une période de six ans, que par un contrat de travail à durée indéterminée.

10. En outre, si le tribunal administratif de Strasbourg a estimé, à tort, qu'il n'existait pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes à celle de M. E... entre le 7 septembre 2007 et le 1er avril 2012, cette circonstance est sans incidence, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, M. E... n'a pas été recruté sur le fondement des dispositions de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 et ne pouvait l'être, faute d'entrer dans le champ d'application de ces dispositions, dont il ne saurait par suite, en tout état de cause, utilement se prévaloir pour soutenir que son contrat de travail aurait dû être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée au bout de six ans.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-2 de de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. / Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. Il ne peut l'être que lorsque la communication requise à l'article 41 a été effectuée. / Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir. ".

12. Le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci, sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux. En conséquence, lorsque le contrat est entaché d'une irrégularité, notamment parce qu'il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d'agents dont relève l'agent contractuel en cause, l'administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuive régulièrement. Si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l'administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l'agent un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser sa situation. Si l'intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régularisation de sa situation, dans les conditions précisées ci-dessus, est impossible, l'administration est tenue de le licencier.

13. En outre, les dispositions citées au point 11 ne font pas obstacle à ce qu'en cas de renouvellement abusif de contrats à durée déterminée, l'agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de sa relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

14. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a été employé, à compter du 4 septembre 2007, sur un poste d'assistant d'enseignement artistique par la commune d'Eckbolsheim dans l'attente du recrutement d'un agent titulaire sur ce poste, dans les conditions prévues par le décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique (musique, danse, arts plastiques) auquel s'est substitué le décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique. M. E... a été employé dans le cadre de treize contrats de travail à durée déterminée pendant près de huit ans. Si la commune d'Eckbolsheim soutient qu'elle n'a pas été en mesure de procéder au recrutement d'un fonctionnaire pour occuper ce poste, elle n'établit pas la réalité des démarches qu'elle aurait réalisées en ce sens et avoir été dans l'impossibilité, en plus de sept ans, de recruter un agent titulaire. Ainsi, il résulte de l'instruction que la commune d'Eckbolsheim a méconnu les dispositions du premier alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 citées au point 7 du présent arrêt, remplacées par celles de l'article 3-2 de la même loi, en renouvelant de manière abusive les contrats de travail à durée déterminée de M. E..., dont le recrutement n'avait pas pour objet, eu égard au nombre de ses contrats de travail et à la durée totale de son emploi par la commune d'Eckbolsheim, d'assurer momentanément le remplacement d'un agent titulaire.

15. Les contrats de travail de M. E..., dont il n'est pas soutenu qu'ils auraient présenté un caractère fictif ou frauduleux, ont créé des droits à son profit. M. E..., est, par suite fondé à soutenir que la commune d'Eckbolsheim a renouvelé abusivement ses contrats de travail à durée déterminée et à demander l'indemnisation du préjudice qu'il a subi en raison de l'interruption de sa relation d'emploi.

16. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2015 par laquelle la commune d'Eckbolsheim a rejeté sa demande indemnitaire et à l'indemnisation du préjudice subi.

17. Il y a lieu, en conséquence d'annuler, dans cette mesure, le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen soulevé à titre subsidiaire par M. E... tiré de la méconnaissance de l'obligation de préavis prévue par l'article 38 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, et de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur la demande indemnitaire de M. E....

Sur l'indemnisation du préjudice subi :

18. M. E... a droit à l'indemnisation du préjudice subi lors de l'interruption de sa relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

19. En premier lieu, la commune d'Eckbolsheim fait valoir que M. E... n'a pas souhaité renouveler la relation de travail avec elle à la fin de son contrat de travail à durée déterminée, le 30 juin 2015, dès lors qu'il a remis ses clefs et a récupéré ses affaires. Cependant, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que M. E... n'aurait pas entendu poursuivre son contrat de travail avec la commune. En particulier, les quelques courriels produits en première instance ne corroborent pas l'intention de M. E... de démissionner de son poste, ce que l'intéressé conteste au demeurant.

20. En deuxième lieu, aux termes de l'article 45 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date du 30 juin 2015 : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. / Le montant de la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement d'un agent employé à temps partiel est égal au montant de la rémunération définie à l'alinéa précédent qu'il aurait perçue s'il avait été employé à temps complet (...) ". Selon l'article 46 du même décret, dans sa rédaction alors applicable : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services (...) / Pour l'application de cet article, toute fraction de service égale ou supérieure à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de service inférieure à six mois n'est pas prise en compte. ".

21. Il résulte de l'instruction que l'emploi occupé par M. E... était, non un emploi à temps partiel, mais un emploi à temps non complet. Son dernier contrat de travail stipule qu'il exerce l'emploi d'assistant d'enseignement artistique à temps non complet pour une durée hebdomadaire de 4,5/20ème. M. E... a ainsi travaillé 22,5 heures pour la commune d'Eckbolsheim en juin 2015. Dans ces conditions, et conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 45 du décret du 15 février 1988 cité au point précédent, la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. En juin 2015, M. E... a perçu une rémunération nette de 323,19 euros, qui constitue la rémunération de base servant au calcul de l'indemnité de licenciement. Eu égard aux huit années au cours desquelles M. E... a été employé pendant six mois au moins, il aurait perçu une indemnité de licenciement de 1 292,76 euros. Par suite, M. E... est fondé à demander le versement de la somme de 1 292,76 euros correspondant aux avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

22. En dernier lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. E... en l'évaluant à la somme de 800 euros.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Eckbolsheim doit être condamnée à verser la somme de 2 092,76 euros à M. E... en réparation des préjudices qu'il a subis du fait du renouvellement abusif de ses contrats de travail à durée déterminée. Le surplus de ses demandes indemnitaires doit être rejeté.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune d'Eckbolsheim demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

25. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me F..., avocat de M. E..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de la commune d'Eckbolsheim le versement à Me F... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de M. E....

Article 2 : La commune d'Eckbolsheim est condamnée à verser la somme de 2 092,76 euros à M. E....

Article 3 : La commune d'Eckbolsheim versera à Me F..., avocat de M. E..., une somme de 1 500 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... et les conclusions présentées par la commune d'Eckbolsheim au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à la commune d'Eckbolsheim et à Me F....

2

N°18NC01829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01829
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Auxiliaires - agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-30;18nc01829 ?
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