Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 204 044 euros en réparation du préjudice subi du fait de son accident de service du 24 juin 2011.
Par un jugement n° 1601476 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser la somme de 42 500 euros à M. B..., a mis les frais des deux expertises réalisées définitivement à la charge de l'Etat ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2018, 16 janvier et 9 juillet 2019, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour d'annuler le jugement du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat les sommes de 6 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et de 30 100 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
Il soutient que :
- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, le tribunal a commis une erreur de droit en n'appliquant pas la règle dite " de Balthazard " ou des " capacités restantes " ;
- seule l'expertise du Dr. Mourtada doit être prise en compte pour évaluer le déficit fonctionnel temporaire ;
- le jugement attaqué ne pouvait accorder à M. B... une indemnité au titre de son déficit fonctionnel permanent, alors qu'il bénéficie d'une allocation temporaire d'invalidité, dont le montant doit être déduit de l'indemnité qui lui a été accordée ;
- l'application de règles différentes en ce qui concerne la pension militaire d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité méconnaît le principe d'égalité ;
- l'Etat ne pouvait se substituer à M. B... pour se constituer partie civile ;
- M. B... n'a pas sollicité un nouveau congé de maladie après avoir repris le travail le 21 juillet 2011 ;
- la responsabilité pour faute de l'Etat n'est pas de nature à être engagée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 octobre 2018, 24 juin et 24 juillet 2019, M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de désigner un expert avant dire droit avec pour mission :
- de l'examiner ;
- de prendre connaissance de l'intégralité de son dossier médical ;
- de dire si son état de santé a évolué et s'est aggravé depuis le dépôt des rapports d'expertise du Dr. Mourtada et du Dr. Princet des 20 et 24 février 2016 ;
- dans l'affirmative, de décrire l'aggravation des blessures, lésions et affections et de dire si celles-ci résultent de l'accident dont il a été victime le 24 juin 2011 ;
- d'évaluer l'étendue de l'aggravation des préjudices qui ont résulté de l'accident en ce qui concerne la durée de l'incapacité temporaire totale ou partielle, le pourcentage de l'incapacité permanente partielle, les troubles dans les conditions d'existence indépendamment ou non de leurs conséquences pécuniaires (préjudice professionnel...), l'importance respective des souffrances physiques endurées, du préjudice d'agrément, du préjudice esthétique et de donner un avis précis sur les conséquences psychologiques du préjudice moral qu'il a pu subir ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête et de confirmer les condamnations prononcées par le jugement du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon ;
3°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 29 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 144 043 euros au titre des préjudices patrimoniaux, en ce qu'il a condamné l'Etat à lui verser la somme de 6 400 euros au lieu de 7 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et la somme de 30 100 au lieu de 44 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la règle dite " de Balthazard " ne s'applique pas en cas de pluralité d'infirmités indépendantes les unes des autres ;
- l'allocation temporaire d'invalidité n'indemnise pas le déficit fonctionnel permanent ;
- en l'absence de suivi judiciaire de son dossier et de protection fonctionnelle, il n'a pas pu se constituer partie civile, ce qui est de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat ;
- en s'abstenant de l'informer sur les possibilités de congé dont il pouvait bénéficier, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- l'Etat aurait dû signaler les faits du 24 juin 2011 au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale et a commis une faute en s'abstenant de le faire ;
- il a droit à être indemnisé au titre du préjudice moral qu'il a subi, qui est un chef de préjudice distinct du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent ;
- l'état de son genou gauche s'est détérioré et il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise complémentaire pour déterminer l'étendue de cette aggravation, son lien avec l'accident de service du 24 juin 2011 et l'étendue des préjudices qu'il a subis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des douanes ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., présidente assesseur,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... était contrôleur principal des douanes et des droits indirects, affecté en dernier lieu à la brigade de surveillance de Besançon. Le 24 juin 2011, lors d'une opération d'interception d'un véhicule volé, il s'est blessé en sautant dans un talus pour éviter le véhicule qui, refusant de s'arrêter, s'est dirigé vers lui. Par des décisions du 27 avril 2012 et du 29 août 2014, la direction générale des douanes et des droits indirects a reconnu l'imputabilité au service de cet accident et de la rechute dont M. B... a été victime à la fin de l'année 2012. M. B... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée, à compter du 1er juillet 2012. A la demande de M. B..., le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a ordonné deux expertises sur les incidences de son accident de service. Les rapports du Dr. Mourtada et du Dr. Princet ont été remis respectivement, les 20 et 24 février 2016. M. B... demande l'indemnisation des préjudices subis à hauteur de 204 044 euros. Par un jugement du 29 mars 2018, dont le ministre de l'économie et des finances relève appel, le tribunal administratif de Besançon a fait partiellement droit à la demande de M. B... et a condamné l'Etat à lui verser la somme 42 500 euros. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande, à titre principal, qu'une expertise soit ordonnée avant dire-droit pour examiner si son état de santé s'est aggravé depuis les rapports d'expertise des 20 et 24 février 2016 ainsi que la réformation du jugement du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il fait seulement partiellement droit à ses demandes indemnitaires et rejette le surplus de ses demandes.
2. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité accordée aux fonctionnaires en cas de maintien en activité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent cette prestation déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent :
En ce qui concerne l'appel principal :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 41 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Dans le cas d'aggravation d'infirmités préexistantes, le taux d'invalidité à retenir pour l'application des dispositions de l'article L. 30 est apprécié par rapport à la validité restante du fonctionnaire. ". Il résulte de l'instruction et en particulier des rapports d'expertise du Dr. Mourtada et du Dr. Princet des 20 et 24 février 2016, qu'à la suite de l'accident de service dont il été victime le 24 juin 2011, M. B... a subi, d'une part, des séquelles au genou gauche et, d'autre part, des séquelles psychologiques. Il résulte également de l'instruction qu'antérieurement à son accident de service, M. B... n'avait pas de problème de santé. Les ministres requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que le taux de validité de l'affection psychologique dont est atteint M. B... en raison de son accident de service doit être apprécié par rapport à la validité lui restant du fait de la première infirmité résultant de ce même accident. Ainsi, c'est sans commettre d'erreur de droit que le tribunal administratif de Besançon n'a pas calculé le taux d'incapacité temporaire résultant des troubles psychologiques de M. B... par rapport à la validité lui restant et a refusé d'appliquer la règle dite " de Balthazard " ou des " capacités restantes " reprise notamment par l'article R. 41 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
4. En second lieu, dans son rapport d'expertise du 24 février 2016, le Dr. Princet relève que M. B... a connu un état dépressif sévère et de stress post-traumatique à la suite de l'accident de service dont il a été victime. Elle précise cependant qu'il ne présente, à la date de cette expertise, qu'un état dépressif léger et une anxiété réactionnelle et qu'il n'y a plus d'éléments en faveur d'un état de stress post-traumatique, hormis une reviviscence anxieuse lors des attentats contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, au cours desquels M. B... aurait alors revécu les évènements du 24 juin 2011. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie et des finances, les conclusions de l'expertise du Dr. Princet, réalisée après un examen psychiatrique de M. B... et l'examen de son dossier médical, sont suffisamment circonstanciées. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Besançon, il y a lieu de prendre en compte cette expertise pour apprécier le déficit fonctionnel temporaire de M. B....
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 6 400 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire. Les conclusions du ministre requérant tendant à ce que cette condamnation soit ramenée à 783,15 euros doivent, en conséquence, être rejetées.
Quant au déficit fonctionnel permanent :
6. En premier lieu, ainsi qu'il est dit au point 2 du présent arrêt, compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité accordée aux fonctionnaires en cas de maintien en activité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. L'allocation temporaire d'invalidité répare ainsi de façon forfaitaire les conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, alors que le déficit fonctionnel permanent prend en compte les préjudices personnels postérieurs à la consolidation.
7. Par suite, en condamnant l'Etat à verser à M. B... une somme totale de 30 100 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent après consolidation, alors même qu'il bénéficie d'une allocation temporaire d'invalidité, sans déduire le montant de cette allocation, le tribunal administratif de Besançon n'a pas commis d'erreur de droit.
8. En second lieu, la pension militaire d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité, alors même que leurs modalités de calcul sont similaires, ont un objet distinct et répondent à des finalités différentes. Par suite, le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que le principe d'égalité entre les militaires qui perçoivent une pension militaire d'invalidité et les fonctionnaires civils qui bénéficient d'une allocation temporaire d'invalidité serait méconnu, dès lors que seul le montant de la pension militaire d'invalidité est imputé sur l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent et non celui de l'allocation temporaire d'invalidité.
9. Il suit de là que le ministre requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 30 100 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du ministre de l'économie et des finances doit être rejetée.
En ce qui concerne l'appel incident de M. B... :
11. En premier lieu, en se bornant à soutenir qu'il y a lieu de porter l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire à 7 000 euros, M. B... ne met pas la cour à même d'apprécier en quoi le jugement attaqué, qui a fixé cette indemnisation à 6 400 euros, serait entaché d'une erreur de droit ou d'appréciation. M. B... n'expliquait, au demeurant, pas davantage les modalités de calcul de la somme de 7 000 euros qu'il demandait au titre de ce chef de préjudice dans ses écritures de première instance.
12. En second lieu, le jugement attaqué a condamné l'Etat à verser la somme de 18 200 euros à M. B... au titre du déficit fonctionnel permanent de 15 % résultant de son affection orthopédique à la suite de la consolidation de son état de santé fixée au 15 mai 2014 et celle de 11 900 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 10 % résultat des séquelles psychologiques de son accident de service, après consolidation fixée au 16 octobre 2015. En se bornant à faire valoir que son déficit fonctionnel permanent aurait dû être indemnisé à hauteur de 44 000 euros, dont 18 500 euros pour sa pathologie orthopédique et 25 500 euros pour ses séquelles psychologiques, M. B... ne met pas la cour à même d'apprécier le bienfondé de sa demande au titre de ce chef de préjudice.
13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. B..., par la voie de l'appel incident, tendant à l'augmentation de l'indemnité qui lui a été allouée par le jugement attaqué au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent doivent être rejetées.
Sur le surplus des conclusions de l'appel incident de M. B... :
En ce qui concerne le préjudice moral :
14. Le Dr. Princet, dans son rapport d'expertise psychiatrique, estime que M. B... a subi un préjudice moral, distinct du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent, résultant de l'altération de l'image qu'il a de lui-même, notamment par rapport à sa famille, dès lors qu'il a fait valoir ses droits à la retraite de manière anticipée et doit limiter ses activités quotidiennes.
15. M. B... ne saurait cependant sérieusement soutenir qu'il subit un préjudice moral en raison de l'altération de l'image qu'il a de lui-même par rapport à sa famille et en particulier de la détérioration de sa position de " chef de famille ". Par suite, la réalité du préjudice moral dont il fait état n'est pas établie. Sa demande au titre de ce chef de préjudice doit, en conséquence, être rejetée.
En ce qui concerne la faute de l'Etat :
16. En premier lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de l'accident de service du 24 juin 2011 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire (...) / La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale (...) ".
17. D'une part, en vertu des dispositions citées au point précédent, une collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires qu'elle emploie à la date des faits en cause contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Le bénéfice de la protection fonctionnelle ne peut cependant être demandé que par la victime elle-même. Or, il n'est pas contesté que M. B... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle le 16 juin 2014 et que celle-ci lui a été accordée dès le 10 juillet 2014. Il résulte également de l'instruction qu'avant-même cette demande, le 17 août 2012, le directeur régional des douanes et des droits indirects a écrit au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vesoul, alors qu'il venait de prendre connaissance du jugement du 29 novembre 2011 du tribunal correctionnel de Vesoul condamnant l'une des personnes en cause dans l'accident du service du 24 juin 2011 pour recel de bien provenant d'un vol commis à l'aide d'une effraction, pour lui demander de l'informer des suites réservées au refus d'obtempérer du 24 juin 2011 qui n'a pas fait l'objet de ce jugement. Une réunion avec le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vesoul a d'ailleurs été organisée, le 11 septembre 2012, à la demande de la direction régionale des douanes et droits indirects sur les suites judiciaires du refus d'obtempérer.
18. D'autre part, aux termes de l'article 85 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à la date de l'accident de service du 24 juin 2011 : " Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42. / Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'action publique ne peut être mise en mouvement que par la victime elle-même ou par le ministère public.
19. Or, alors même que M. B... a déposé plainte dès le 24 juin 2011 auprès des services de la gendarmerie, il ne s'est pas constitué partie civile selon la procédure prévue par les dispositions citées au point précédent. L'Etat, qui n'avait pas la qualité de victime, ne pouvait mettre en mouvement l'action publique. Si M. B... fait valoir qu'il n'a pu récupérer la copie de sa plainte, dès lors que l'officier de police judiciaire lui a indiqué qu'il appartenait à son employeur de le faire, les incidents du 24 juin 2011 s'étant produits dans le cadre du service, il ne résulte cependant pas de l'instruction que M. B... se soit informé, dans les mois suivants son accident, des suites données à sa plainte et des démarches entreprises par son administration à cet égard, alors qu'ayant repris son activité professionnelle le 21 juillet 2011, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été dans l'incapacité de le faire. Il n'a ainsi sollicité la copie de sa plainte qu'au début de l'année 2015.
20. En outre, M. B... fait également valoir que l'absence de démarche de sa part ne saurait lui être reprochée, dès lors que le directeur régional des douanes et droits indirects l'avait assuré verbalement, le 26 juin 2011, que le service contentieux allait gérer les suites de son accident et que tout serait fait pour lui venir en aide sur le plan juridique. Cette circonstance est suffisamment établie par les deux attestations qu'il produit. Cependant, la promesse de " gérer les suites de cette affaire " ne saurait être regardée comme un engagement de mettre en mouvement l'action publique, ce que les responsables hiérarchiques de M. B... ne pouvaient promettre, mais bien de lui venir en aide dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre, ce qui a d'ailleurs été fait ainsi qu'il est dit au point 17 du présent arrêt. M. B... n'est, en conséquence, pas fondé à soutenir que la carence fautive de son administration l'a empêché de se constituer partie civile et qu'ainsi il n'a été ni présent, ni représenté lors de l'audience devant le tribunal correctionnel de Vesoul du 29 novembre 2011.
21. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le bénéfice de la protection fonctionnelle aurait dû lui être accordé d'office et que les services de l'Etat ont fait preuve d'une carence dans le suivi judiciaire de son dossier de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat.
22. En deuxième lieu, aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à la date de l'accident de service du 24 juin 2011 : " Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée (...) / Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. ". Il résulte du second alinéa de cet article que si un fonctionnaire acquiert dans l'exercice de ses fonctions la connaissance d'un crime ou d'un délit, il est tenu d'en aviser sans délai le procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
23. Cependant, M. B... n'établit pas le lien direct qui existerait entre la faute qu'auraient commise les services de l'Etat en s'abstenant de signaler les faits du 24 juin 2011 au procureur de la République et le préjudice dont il demande à être indemnisé dans le cadre de la présente instance.
24. En dernier lieu, M. B... relève qu'eu égard au désintérêt des services de l'Etat quant à sa situation, il a demandé à faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée, le 1er juillet 2012, sans avoir obtenu d'information de son administration quant aux autres congés dont il aurait pu bénéficier et sans être en mesure, en raison de son état psychologique, de pleinement appréhender les incidences, notamment financières, de son départ anticipé à la retraite. Il résulte cependant de l'instruction qu'après avoir été placé en congé de maladie du 25 juin au 17 juillet 2011, M. B... a repris le travail, le 21 juillet 2011, sans solliciter de nouveau congé de maladie avant de demander à faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée. C'est à sa demande qu'il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Or, il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du Dr. Princet que ses troubles psychologiques auraient été tels qu'ils auraient altéré sa capacité de raisonnement. Son taux d'incapacité permanente partielle a d'ailleurs été évalué à 30 % du 21 juillet 2011 à son départ à la retraite. En tout état de cause, en l'absence d'obligation légale ou réglementaire pesant sur l'Etat, M. B... ne saurait soutenir que l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne l'informant pas de ses droits à congés.
25. Il résulte de ce qui est dit aux points 2 et 16 à 24 du présent arrêt que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté, en l'absence de faute de l'Etat, ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de son accident de service et notamment de son départ anticipé à la retraite à compter du 1er juillet 2012. Les conclusions qu'il présente, par la voie de l'appel incident, tendant à ce que la responsabilité pour faute de l'Etat soit engagée doivent être rejetées.
En ce qui concerne la demande d'expertise complémentaire :
26. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation. Si une médiation est engagée, il en informe la juridiction. Sous réserve des exceptions prévues par l'article L. 213-2, l'expert remet son rapport d'expertise sans pouvoir faire état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation. ".
27. M. B... établit, par les pièces médicales qu'il produit, que l'état de son genou s'est aggravé à partir du mois de novembre 2017, un ostéophyte patellaire, soit une excroissance osseuse sous la rotule ayant été décelée, qu'il a dû subir une intervention chirurgicale, le 20 février 2019, au cours de laquelle un descellement prothétique rotulien a été décelé ainsi qu'un conflit externe lié à la présence d'un volumineux ostéophyte. Il a été procédé à une ablation partielle de sa rotule gauche et à la mise en place d'un médaillon rotulien en polyéthylène. M. B... fait valoir qu'il ne peut plus faire de rotation du genou, ni se mettre à genou. L'expertise du Dr. Mourtada du 20 février 2016 évoquait d'ailleurs une aggravation possible de son affection orthopédique due à l'usure de sa prothèse à une échéance de " quelques années ".
28. Cependant, l'état du dossier ne permet pas à la Cour d'apprécier si l'aggravation de son état de santé, que relève M. B..., résulte directement de son accident de service du 24 juin 2011. La Cour n'est pas davantage en mesure d'évaluer, dans l'affirmative, les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, temporaires ou permanents qui résulteraient de cette aggravation. Dès lors, il y a lieu, d'ordonner une expertise complémentaire sur ces points. L'expert pourra, le cas échéant, prendre l'initiative d'une médiation en accord avec les parties.
29. En revanche, en l'absence de tout élément médical indiquant que l'état psychologique de M. B... aurait connu une évolution depuis le dépôt du rapport d'expertise du Dr. Princet, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions tendant à ce qu'une expertise complémentaire soit ordonnée en ce qui concerne son affection psychologique. Les éventuelles souffrances psychiques endurées par M. B... et son éventuel préjudice moral résultant de l'évolution de son affection orthopédique devront être évalués dans le cadre de l'expertise complémentaire ordonnée au point précédent.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : Il sera procédé, par un expert unique désigné par la présidente de la cour, à une expertise avec mission pour l'expert :
1°) d'examiner M. B... ;
2°) de prendre connaissance de l'intégralité de son dossier médical ;
3°) de dire si son affection orthopédique a évolué et s'est aggravée depuis le dépôt du rapport d'expertise du Dr. Mourtada du 20 février 2016 ;
4°) dans l'affirmative, de décrire l'aggravation de ses blessures et lésions orthopédiques et de dire si celles- ci résultent de l'accident dont il a été victime le 24 juin 2011 ;
5°) d'évaluer, dans l'affirmative, l'étendue des préjudices résultant de cette aggravation et notamment, la durée et le pourcentage de l'incapacité temporaire totale ou partielle et de l'incapacité permanente partielle de M. B..., les troubles dans ses conditions d'existence, l'importance des souffrances physiques et psychiques endurées, son préjudice d'agrément, son préjudice esthétique et tout autre préjudice qu'il pourrait subir, notamment son préjudice moral ;
6°) de fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utiles de nature à permettre d'apprécier l'étendue du préjudice ;
7°) de proposer, le cas échéant, une médiation aux parties sous réserve de leur accord.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la cour dans sa décision le désignant.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par l'article 2 sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... par la voie de l'appel incident est rejeté.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. C... B....
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N° 18NC01545