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30/06/2020 | FRANCE | N°18NC00280

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 30 juin 2020, 18NC00280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme H... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Montferrand-le-Château a refusé de mettre un terme aux dysfonctionnements des réseaux communaux de collecte et de transport des eaux ;

2°) de condamner la commune de Montferrand-le-Château à verser à M. C... une somme de 302 707,33 euros et à M. et Mme C... une somme de 19 071,20 euros avec capitalisation des intérêts de retard ;

3°) sub

sidiairement, de condamner solidairement la commune de Montferrand-le-Château et le syndicat in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme H... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Montferrand-le-Château a refusé de mettre un terme aux dysfonctionnements des réseaux communaux de collecte et de transport des eaux ;

2°) de condamner la commune de Montferrand-le-Château à verser à M. C... une somme de 302 707,33 euros et à M. et Mme C... une somme de 19 071,20 euros avec capitalisation des intérêts de retard ;

3°) subsidiairement, de condamner solidairement la commune de Montferrand-le-Château et le syndicat intercommunal d'assainissement de Grandfontaine (SIAG) à payer à M. C... une somme de 302 707,33 euros et à M. et Mme C... une somme de 14 071,20 euros avec capitalisation des intérêts de retard ;

4°) d'enjoindre à la commune de Montferrand-le-Château et au SIAG de prendre toutes mesures aux fins d'engager les réparations permettant de mettre un terme définitif aux désordres qu'ils ont subis.

Par un jugement n° 1500092 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a solidairement condamné la commune de Montferrand-le-Château et le syndicat intercommunal d'assainissement de Grandfontaine à verser à M. et Mme C... une somme de 266 920,09 euros, sous réserve des provisions déjà versées en exécution de la décision de la cour administrative d'appel de Nancy du 30 mars 2017, augmentée des intérêts capitalisés, ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral, augmentée des intérêts capitalisés mentionnés, a mis à leur charge solidaire une somme de 6 051,13 euros au titre des dépens, a condamné la société Areas Dommages à garantir la commune de Montferrand-le-Château de la condamnation solidaire prononcée à son encontre à hauteur de 271 920,09 euros et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2018, la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du syndicat intercommunal d'assainissement de Grandfontaine (SIAG), représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 décembre 2017 en tant qu'il retient la responsabilité du SIAG dans la réalisation des dommages ayant affecté l'entreprise horticole de M. et Mme C... ;

2°) subsidiairement, de réduire les indemnités allouées à l'entreprise horticole de M. et Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de la société Areas Dommages le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cause principale des désordres ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise est inhérente à l'absence de collecte des eaux pluviales ;

- les défauts relevés sur le réseau d'assainissement ne peuvent à eux seuls concourir que très faiblement à la réalisation des inondations subies par l'entreprise horticole de M. et Mme C... ;

- l'insuffisance et le sous-dimensionnement du réseau d'eaux pluviales sont imputables à la commune compétente à la date des inondations subies par l'entreprise horticole de M. et Mme C... ;

- les désordres imputables aux eaux usées résultent des défauts de conception du dispositif en place associés à un mode de collecte unitaire sur une partie du territoire concerné ;

- les premiers juges ne pouvaient retenir la responsabilité du SIAG sur le fondement d'un dommage de travaux publics au motif que la commune avait, en 1992, adhéré et transféré ses compétences en matière de collectes des eaux usées au SIAG ;

- les premiers juges n'ont pas recherché si la mise à disposition des biens meubles et immeubles, entraînée par le transfert de compétence, a été constatée par un procès-verbal établi contradictoirement entre les représentants de la collectivité antérieurement compétente et de la collectivité bénéficiaire ;

- en l'absence de procès-verbal constatant ce transfert, la responsabilité du SIAG ne peut être engagée alors d'ailleurs qu'il n'est pas contesté que l'adhésion de la commune, actée par une délibération du 10 mars 1992 du syndicat, s'est effectuée sans droit d'entrée, la commune s'engageant à prendre en charge la construction de son collecteur et des ouvrages annexes ;

- s'agissant du préjudice lié à la restauration des terres et la réfection du parking et du chemin d'accès à la maison, il n'est pas démontré que les parcelles en cause aient reçu des eaux usées nécessitant une restauration des terres agricoles ;

- en ce qui concerne les eaux pluviales, il n'est pas davantage démontré que de telles inondations nécessitent, de la même manière, cette restauration ;

- les travaux de remise en état du chemin d'accès à la maison d'habitation et au parking subissent également une augmentation substantielle sans réelle explication ;

- le préjudice lié aux pertes de commandes n'est pas justifié ;

- s'agissant du préjudice lié à l'acquisition des tablettes, il n'est démontré ni le lien entre les tablettes et les inondations subies ni la réelle utilité de ces tablettes ;

- le préjudice lié à la perte de marchandises n'est pas davantage justifié ;

- s'agissant du préjudice moral, à supposer qu'il soit démontré, son quantum doit être réduit et limité tout au plus à 1 000 euros ;

- en ce qui concerne la responsabilité solidaire de la commune et du SIAG, ainsi qu'il a été exposé, elle ne peut être retenue et, à tout le moins, le quantum doit être substantiellement diminué ;

- sa responsabilité au titre de l'appel en garantie ne peut être retenue à hauteur de 50 % dès lors que les eaux pluviales constituent la cause prépondérante des inondations subies par l'entreprise horticole de M. et Mme C... ;

- tout au plus, les eaux usées ont concouru aux dommages en se mélangeant aux eaux pluviales dans une proportion devant être notoirement réduite ;

- le jugement sera confirmé s'agissant des demandes concernant notamment la garantie de la société Areas Dommages à hauteur de 271 920,910 euros à l'égard de la commune et les demandes en annulation et en injonction.

Par un mémoire, enregistré le 27 juin 2018, la société Areas Dommages, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter les demandes présentées à son encontre ;

3°) subsidiairement, de condamner la communauté d'agglomération du Grand Besançon à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de M. et Mme C... le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en s'abstenant de mettre en cause son assureur ou, à tout le moins, de lui signaler l'existence de l'expertise en cours avant son terme, la commune ne l'a pas mise en mesure d'assurer la direction du procès et, ainsi, de faire valoir ses observations dans le cadre des opérations de M. D..., justifiant qu'une déchéance de garantie lui soit opposée ;

- subsidiairement, il résulte des dispositions des articles L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales, L. 1321-1 et L. 1321-2 que le transfert par une commune de ses compétences en matière de collecte des eaux usées et d'eaux pluviales à un syndicat intercommunal, aussi bien pour l'entretien que pour la gestion, entraîne de plein droit l'affectation à ce syndicat des biens nécessaires à l'exercice de ces compétences ainsi que la substitution de celui-ci dans les droits et obligations auparavant exercées par cette commune, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un évènement antérieur au transfert et donc sans qu'il soit nécessaire de le conditionner par un procès-verbal ;

- ainsi seule la responsabilité du SIAG et maintenant de la communauté urbaine du Grand Besançon peut être recherchée ;

- il appartient à M. et Mme C... victimes d'un dommage de démontrer que l'ouvrage public a aggravé la situation de leur propriété vis-à-vis de l'écoulement des eaux de ruissellement :

- si cette aggravation était établie, elle doit être significative et déterminante dans la survenance du sinistre ;

- aucun ouvrage de la commune ne vient contribuer ou aggraver la configuration naturelle des lieux ;

- le fait que les propriétaires aient imperméabilisé leur propriété n'est pas de nature à engager la responsabilité de la commune qui n'a pas d'obligation en matière de recueil des eaux pluviales ;

- la propriété de M. et Mme C..., s'agissant de la zone inondable du Doubs, est située en zone d'aléa fort définie par le plan de prévention du risque inondation (PPRI) Doubs Central ;

- la rue de Besançon est une voie départementale qui ne relève pas de la compétence de la commune ;

- ainsi, rien ne permet de considérer que des ouvrages communaux auraient contribué à la survenance des inondations ;

- en ce qui concerne le débordement du réseau d'assainissement, il relève de la responsabilité du SIAG conformément au transfert de compétence intervenu ;

- en tout état de cause, l'ouvrage mis en cause a été construit au début des années 1990 et les époux C... exposent qu'ils ont souffert de premières inondations survenues à compter de l'année 2013, soit environ vingt ans après la construction et la mise en service du collecteur ;

- il n'existe ainsi aucun lien de causalité entre la supposée insuffisance de capacité de cet ouvrage et les dommages dont il est demandé la réparation ;

- en revanche, il y a concomitance entre la date d'apparition des désordres et la mise en service du raccordement de Grandfontaine à la station de traitement de Port-Douvit, ainsi que le relève l'expert ;

- si l'expert indique qu'il n'a pas pu établir de lien direct, il existe un doute sérieux quant à la cause du refoulement ;

- la nécessité des travaux de restauration des terres nécessaires à la remise en exploitation des terrains parcourues par l'eau n'est pas justifiée ;

- par ailleurs, ces travaux ont été rendus exclusivement nécessaires par le débordement des eaux usées ;

- seul le dysfonctionnement du réseau d'assainissement relevant du SIAG est à l'origine de ce chef de préjudice et ne peut donc être supporté par la commune ;

- s'agissant des commandes, en l'absence de toute trace écrite de ces dernières et de toute relation commerciale antérieure, la réalité d'un tel contrat est douteuse ;

- par ailleurs, les chiffres d'affaires des années 2013 et 2014 sont très supérieurs à celui de l'année 2012, de sorte que M. C... a manifestement compensé la prétendue annulation de commandes par d'autres ventes ;

- il n'est pas établi qu'il aurait eu la capacité de produire, à l'occasion de chacun de ces exercices, pour 60 000 euros de chiffre d'affaires en plus ;

- il n'est pas démontré que l'établissement aurait une place suffisante pour supporter ce surcroit important d'activité, ni les moyens humains et techniques nécessaires ;

- seule la marge nette aurait vocation à être indemnisée, soit une somme de 13 044,78 euros ;

- s'agissant de l'acquisition de tablettes, il n'est pas démontré qu'elle aurait été rendue nécessaire par les inondations ;

- s'agissant de la perte des végétaux, elle ne résulte d'aucune pièce probante ;

- s'agissant de la remise en état de la zone de stationnement, les époux C... n'apportent aucune précision quant à l'origine exacte de la dégradation du parking ;

- s'agissant de la remise en état du chemin d'accès, il n'existe aucun lien de causalité démontré entre les inondations et les désordres affectant cette voie de circulation ;

- s'agissant du préjudice moral, la nature même des troubles n'est pas caractérisée et le quantum excessif ;

- en cas de condamnation, la communauté d'agglomération du Grand Besançon devra la garantir des condamnations prononcées à son encontre, cette dernière assumant la gestion de la compétence eau et assainissement ;

- il ne résulte pas du rapport d'expertise que l'une des deux origines retenues par l'expert serait prépondérante par rapport à l'autre ;

- à tout le moins, et ainsi que l'a retenu le tribunal, la communauté d'agglomération devrait être condamnée à la garantir de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.

Par des mémoires enregistrés les 20 juillet 2018, 7 septembre 2018 et 21 septembre 2018, M. et Mme A... C..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de la communauté d'agglomération du Grand Besançon ;

2 ) de rejeter l'appel incident de la société Areas Dommages ;

3°) de rejeter les conclusions de la commune de Montferrand-le-Château ;

4°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté leur demande aux fins d'annulation et d'injonction ;

5°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du Grand Besançon et au SIAG de prendre toutes mesures aux fins d'engager les réparations permettant de mettre un terme définitif et pérenne aux désordres subis par l'exploitation de M. C... ;

6°) d'annuler le jugement en tant qu'il a limité leur indemnisation ;

7°) de condamner les succombantes à réparer leur préjudice tel qu'exposé en première instance ;

8°) de condamner la commune à leur verser une somme de 1 000 euros ;

9°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Besançon et de la société Areas Dommages les dépens ;

10°) de mettre solidairement à leur charge le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité sans faute de la commune et du SIAG, pour préjudice anormal et spécial, est engagée à raison des dommages en lien avec les dysfonctionnements des réseaux d'assainissement et d'eaux pluviales ;

- les eaux usées affectant l'exploitation de M. C... proviennent du réseau dont la commune est propriétaire, le regard EU 541 en faisant partie ;

- l'expert retient deux causes principales, l'absence de collecte des eaux pluviales et de ruissellement d'une partie de la zone urbanisée riveraine de la rue de Besançon et les défauts de conception du réseau d'égouts communal au droit de l'exploitation de M. C... marqué par un dimensionnement insuffisant des collecteurs ;

- si la commune soutient que les désordres relevés seraient principalement dus au ruissellement des eaux pluviales et non au débordement du réseau d'eaux usées, rien dans le rapport d'expertise ne permet de corroborer cette affirmation ;

- la carence de la commune pour mettre en oeuvre une solution alors que le rapport de l'expert a été remis depuis plus de 7 mois est fautive ;

- le poste de relevage souffre d'un défaut de conception en raison de l'absence d'un véritable trop plein, équipement géré par le SIAG ;

- si le rapport de l'expert indique que les équipements sont la propriété de la commune qui les a commandés et financés et qu'elle n'a pas délégué cette compétence au SIAG, mais seulement la gestion, il demeure responsable en tant qu'il assume la gestion ;

- le SIAG n'a visiblement pas informé la commune d'un défaut dans la conception ;

- sa responsabilité est engagée soit de par son statut soit de par son mandat ;

- s'agissant du préjudice lié à l'acquisition de tablettes, les contestations du SIAG et de la société Areas dommages seront écartées dès lors que le lien de causalité avec les inondations est établi ;

- s'agissant des pertes de commandes en provenance des établissements Kammerer, M. C... justifie d'une perte de 81 931 euros au titre des années 2013 à 2015 ;

- la perte de marchandises a été démontrée par la production de plusieurs constats d'huissiers ;

- la nécessité de réaliser des travaux pour la remise en exploitation des terres parcourues par l'eau est démontrée alors même que M. C... n'y a pas encore procédé dès lors qu'il n'est pas certain du caractère définitif des sommes accordées à ce titre ;

- la dégradation du chemin d'accès à la propriété est établie ;

- le préjudice moral subi est avéré compte tenu de la durée de la procédure et de la persistance des désordres ;

- leur demande tendant à l'annulation de la décision de refus du maire de la commune d'entreprendre les travaux nécessaires pour mettre fin aux épisodes de submersion affectant leur propriété et leur exploitation n'était pas dépourvue de précisions suffisantes, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal ;

- les désordres affectant la propriété et l'exploitation des requérants trouvent leur origine dans le dysfonctionnement des réseaux d'eau et par suite la décision est illégale à raison du refus de la commune d'entretenir les ouvrages publics relevant de son patrimoine et de prévenir les désordres liés ;

- les conclusions à fin d'injonction sont la conséquence de l'annulation du refus opposé par la commune à leur demande tendant à ce qu'il soit mis fin aux troubles affectant leur exploitation ;

- la réfaction de 10% opérée par les premiers juges sur le montant alloué au titre des pertes de marchandises n'est pas justifiée ;

- ils sont fondés à demander le versement de 14 071 euros, et non 5 000 euros, au titre du préjudice affectant le chemin d'accès à leur propriété ;

- la société Aréas Dommages a subrogé la commune pour ce qui concerne la prise en charge des condamnations nées du dysfonctionnement du réseau, de sorte que ladite commune ne justifie d'aucun intérêt à agir ;

- les conclusions de la commune tendant à ce que la juridiction prenne acte du transfert des compétences eau et assainissement au profit de la communauté d'agglomération du Grand Besançon ne sont pas de celles qui peuvent motiver la saisine de la cour, dès lors que n'est pas demandée l'annulation ou la réformation du jugement, et sont donc irrecevables ;

- la commune n'a pas d'intérêt à agir dès lors qu'elle n'assure plus la compétence au titre du domaine concerné par le litige ;

- la communauté urbaine du Grand Besançon ne saurait présenter par deux conseils différents des conclusions distinctes selon qu'elle vient aux droits de la commune ou du SIAG et ses conclusions sont irrecevables en raison de leur objet, de leur nature et de leur tardiveté ;

- la commune et le SIAG ont été indemnisés par leur assureur à la suite du jugement de sorte que la communauté d'agglomération du Grand Besançon, en tant qu'elle vient aux droits de la commune et du SIAG ne dispose d'aucune qualité à agir, en vertu du principe général selon lequel l'assuré, indemnisé, n'a plus qualité pour agir contre le débiteur ;

- par une ordonnance du 24 juin 2016, devenue définitive, le maire de la commune s'est vu enjoindre de prendre toute mesure nécessaire pour contenir l'envahissement par les eaux usées ou pluviales de la propriété de M. C... et dans un délai de 6 mois de mettre en oeuvre les études en vue de la réalisation sur le réseau communal des travaux nécessaires à l'écoulement normal des eaux pluviales et des eaux usées ;

- ce délai est expiré sans qu'aucune solution ait été, sinon mise en oeuvre, du moins trouvée.

Par un mémoire, enregistré le 17 août 2018, la commune de Montferrand-le-Château, représentée par la SCP Chaton - Grillon - Gire, s'en remet aux observations de la communauté d'agglomération du Grand Besançon, qui se substitue dans ses droits et obligations depuis le 1er janvier 2018, date du transfert de compétences et d'en prendre acte.

Elle soutient que :

- les débordements au niveau du regard EU 541 lors d'épisodes pluvieux conséquents sont liés à un défaut de conception circonscrit aux installations situées entre le regard EU 542, le poste de refoulement " Mont 1 " et la chambre de dissipation située chemin du Pont ;

- le défaut de conception ne se traduit aucunement par un dimensionnement insuffisant du réseau collecteur situé au droit de l'exploitation de M. C... ;

- les améliorations préconisées par l'expert ne portent pas sur le réseau collecteur proprement dit, mais sur les ouvrages précités, lesquels relèvent du transport des eaux usées ;

- l'expert n'a donc identifié aucun problème de conception au niveau du regard EU 541 et des canalisations connectées à ce regard dont la commune avait la garde, avant le transfert de compétence au profit de la communauté d'agglomération du Grand Besançon ;

- s'agissant des compétences transférées, les ouvrages atteints d'un défaut de conception relevés par l'expert concouraient au transport des eaux usées des communes de Montferrand-le-Château vers Grandfontaine en vue de leur traitement ;

- or, les compétences relatives au transport et au traitement des eaux usées avaient été transférées au SIAG par les communes membres, dont la commune de Montferrand-le-Château, le syndicat ayant en charge la construction, la gestion et l'exploitation de la conduite de transport des eaux usées des communes membres, d'une station d'épuration commune située à Grandfontaine ou des équipements qui s'y substitueraient ainsi que de tous les équipements et installations annexes, y compris ceux afférents aux antennes de Montferrand-le-Château, Thoraise et Boussières ;

- la délibération du 12 septembre 1991, antérieure à la version actualisée des statuts du SIAG ne régissait que les conditions financières de l'adhésion et ne remettait pas en cause la nature et l'étendue des compétences transférées ;

- les travaux de raccordement étaient, jusqu'au 1er janvier 2018, date à laquelle la communauté d'agglomération du Grand Besançon s'est substituée au SIAG, réalisés sous la direction et le contrôle du syndicat, compétent en la matière ;

- la convention par laquelle le syndicat déléguait à la commune de Besançon l'entretien et l'exploitation des installations d'assainissement du SIAG en atteste ;

- s'agissant de la mise à disposition des biens nécessaires à l'exercice des compétences transférées, cette mise à disposition est de plein droit ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1321-2 du code général des collectivités territoriales ;

- ainsi qu'elle l'a démontré en première instance, le poste de refoulement " Mont 1 ", les canalisations reliant les regards EU 542, EU 265 et EU 265b ainsi que la chambre de dissipation située chemin du Pont, dont les défauts de conception sont à l'origine des désordres, permettent le transport des eaux usées des communes de Thoraise et de Montferrand vers Grandfontaine ;

- le SIAG n'a d'ailleurs jamais contesté gérer ces ouvrages, qui étaient nécessaires à l'exercice des compétences transférées et ont donc été mis de plein droit à la disposition du SIAG ;

- le convention indique en son article 4 que le SIAG est propriétaire des équipements de refoulement et de transport des eaux usées ;

- s'il est fait état de ce que les débordements se sont produits au niveau du regard EU 541, appartenant au réseau communal de collecte des eaux usées, les dommages de M. et Mme C... neàsont pas liés à l'existence proprement dite de l'ouvrage mais d son fonctionnement ;

- le débordement n'est lié qu'à une montée en charge des installations mises à disposition du SIAG dans le cadre du transfert de compétences, lesquels sont affectés de vices de conception, situées entre le regard EU 542, le poste de refoulement " Mont 1 " et la chambre de dissipation située chemin du Pont, de sorte que seule la responsabilité du SIAG peut être retenue ;

- la convention relative à l'entretien et l'exploitation des installations d'assainissement du SIAG conclue le 2 mai 2013 entre la commune de Besançon et le SIAG permet de conclure que les postes de refoulement " Thoraise " et " Mont 1 " faisaient partie intégrante du réseau syndical, dont la surveillance incombait au SIAG ;

- le syndicat n'a pas informé la commune des éventuels dysfonctionnements affectant l'ouvrage et le contrôle des quantités d'eaux usées transitant par son réseau incombait au syndicat ;

- il en va de même s'agissant du déversoir d'orage et de la chambre de dissipation.

Par un mémoire, enregistré le 17 août 2018, la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits de la commune de Montferrand-le-Château, représentée par la SCP Chaton - Grillon - Gire, demande à cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il retient la responsabilité solidaire de la commune au titre des désordres imputables aux eaux pluviales ;

2°) subsidiairement, de réduire les indemnités de M. et Mme C... ;

3°) de condamner la société Areas Dommage à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le ruissellement des eaux pluviales, imputé à l'absence de réseau de collecte des eaux pluviales dans le secteur considéré, serait de nature à engager la responsabilité de la commune sur le fondement des dommages de travaux publics ;

- M. C... a commis une faute ou négligence de nature à exonérer au moins partiellement la commune de sa responsabilité ;

- le lien entre les difficultés financières rencontrées par M. C... et les inondations n'est pas établi ;

- la nécessité de procéder à une restauration des terres n'est pas démontrée ;

- la réalité du préjudice résultant des pertes de commandes et son lien avec les inondations en cause ne sont pas établis ;

- en allouant une somme de 115 634,38 euros à M. C... au titre de la perte de marchandises, les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;

- le lien entre la dégradation du parking et du chemin d'accès à sa propriété et les inondations n'est pas établi ;

- le quantum alloué au titre du préjudice moral est surévalué ;

- les conclusions à fin d'annulation et d'injonction ont été justement rejetées par les premiers juges ;

- la commune n'a commis aucune inaction fautive ;

- la commune a pris des mesures consistant à verrouiller les regards T2 (EU 541), T3 et T5, situés au droit de la pépinière de M. C... ;

- un clapet anti-retour a installé au niveau du regard T4 ;

- aucun désordre depuis la réalisation de ces travaux en 2016 n'a été à déplorer sur le site de l'exploitation ou sur la propriété de M. et Mme C... ;

- l'appel en garantie de la société Areas Dommages est irrecevable dès lors que ses conclusions d'appel provoqué soulèvent un litige distinct de l'appel principal ;

- cet appel ne sera recevable que si la situation de la société est aggravée par l'appel principal ;

- en tout état de cause, la déchéance de la garantie n'est pas fondée ;

Par ordonnance du 21 septembre 2018, la clôture d'instruction a été reportée au 8 octobre 2018.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions de la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits de la commune de Montferrand-le-Château, tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 décembre 2017 en tant qu'il a condamné la commune au titre du désordre relatif aux eaux pluviales, qui est un appel principal, formé après l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois francs de l'article R. 811-2 du code de justice administrative et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions de M. et Mme C... tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté leurs demandes aux fins d'annulation et d'injonction dirigées contre la commune qui est un appel provoqué soulevant un litige distinct de l'appel principal de la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du syndicat intercommunal de Grandfontaine.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée ;

- le code des assurances ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant Besançon Métropole, venant aux droits de la communauté de communes du Grand Besançon, venant aux droits du SIAG,

- les observations de Me Landbeck, avocat de M. et Mme C...,

- les observations de Me E..., avocat de de la société Areas Dommages,

- et les observations de Me Tronche, avocat de la commune de Montferrand-le-Château.

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme C..., a été enregistrée le 18 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. A partir de février 2013 et au cours des années 2014 et 2015, l'exploitation horticole de M. C..., sise sur le territoire de la commune de Montferrand-le-Château (Doubs), ainsi qu'un terrain où est située sa maison d'habitation ont subi, notamment lors d'épisodes pluvieux, d'importantes inondations. Par un courrier du 19 septembre 2014, M. C... a mis en demeure la commune de Montferrand-le-Château de mettre fin aux désordres affectant ses propriétés et lui a demandé qu'elle l'indemnise de son préjudice, qu'il chiffrait à la date du 19 septembre 2014 à la somme de 136 371,30 euros. Par ordonnance du 1er décembre 2014, complétée par une ordonnance du 7 avril 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a prescrit une expertise en vue, notamment, de décrire la nature et l'étendue des désordres provoqués par ces inondations. Outre les consorts C... et la commune de Montferrand-le-Château, le syndicat intercommunal d'assainissement de Grandfontaine (SIAG) a été appelé aux opérations d'expertise. L'expert désigné a rendu son rapport le 29 janvier 2016. M. C..., en sa qualité d'exploitant horticole et M. et Mme C..., en qualité de propriétaires, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Montferrand-le-Château à leur verser, d'une part, une provision d'un montant de 214 760,05 euros au titre des préjudices portant sur l'exploitation horticole et, d'autre part, une provision d'un montant de 14 701 euros au titre des désordres affectant le terrain où se situe leur maison d'habitation. Par une ordonnance du 17 novembre 2016, le juge des référés l'a condamnée à verser aux consorts C... une provision de 144 526,78 euros au titre du premier chef de préjudice et une provision de 10 000 euros au titre du second. Par une ordonnance du 30 mars 2017, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a ramené la somme due à titre de provision à M. C... à un montant de 89 526,78 euros. La communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du SIAG, relève appel du jugement n° 1500092 du 4 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon l'a solidairement condamnée avec la commune de Montferrand-le-Château à verser à M. et Mme C... une somme de 266 920,09 euros, augmentée des intérêts capitalisés, ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral, augmentée des intérêts capitalisés et a mis à leur charge solidairement une somme de 6 051,13 euros au titre des dépens.

Sur la recevabilité des conclusions des consorts C... tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

2. M. et Mme C... relèvent appel incident du jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 décembre 2017 en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commune de Montferrand-le-Château a refusé de mettre un terme aux dysfonctionnements des réseaux communaux de collecte et de transport des eaux et celles présentées à fin d'injonction. Toutefois, cet appel incident présente à juger un litige distinct de celui ouvert par l'appel principal de la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du SIAG, qui ne conteste ce jugement qu'en tant qu'il a condamné le SIAG solidairement avec la commune à verser aux époux C... une somme de 266 920,09 euros en réparation des préjudices subis du fait des inondations. Il suit de là que l'appel incident ainsi formé par ces derniers, hors du délai de recours, est irrecevable et doit, dès lors, être rejeté.

Sur l'appel incident présenté par la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits de la commune de Montferrand-le-Château :

3. Les conclusions d'appel incident par lesquelles la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits de la commune de Montferrand-le-Château, demande l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné la commune au titre du désordre relatif aux eaux pluviales, soulèvent un litige distinct de celui dont fait l'objet l'appel introduit par la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du SIAG, qui ne porte que sur la condamnation de ce dernier à payer à M. et Mme C... une indemnité en réparation des préjudices résultant des désordres relatifs aux eaux usées. De telles conclusions sont donc irrecevables et doivent être rejetées.

Sur l'appel principal présenté par la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du SIAG et l'appel incident des consorts C... en tant que le tribunal a limité leur indemnisation :

S'agissant de la recevabilité de l'appel principal :

4. A la date d'introduction de la requête, l'assureur du syndicat n'avait pas encore versé l'indemnité à laquelle ce dernier avait été condamné par le jugement contesté. Par suite, M. et Mme C..., en tout état de cause, ne sont pas fondés à soutenir que la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du SIAG, ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir.

S'agissant du principe de la responsabilité :

Quant à l'établissement de la responsabilité sans faute :

5. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel. Il leur appartient toutefois d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien de causalité entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices.

6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que lors d'épisodes pluvieux soutenus mais de fréquence non exceptionnelle, les installations horticoles des consorts C... et leurs abords peuvent être affectés par les eaux pluviales de ruissellement non collectées, en amont et au droit de l'installation, ou par un mélange de ces eaux pluviales et d'eaux usées issues du réseau d'eau communal.

7. Selon l'expert, le ruissellement des eaux pluviales est imputable à l'absence de collecte de ces eaux dans la partie basse de la rue de Besançon au droit de la pépinière, mais aussi en amont de celle-ci, le raccordement au réseau pluvial des avaloirs recueillant les eaux de la chaussée de la RD 105, en novembre 2013, ayant, néanmoins, permis de réduire une partie des écoulements pluviaux qui affectaient le parking de la pépinière.

8. S'agissant des eaux usées, l'expert expose que les débordements litigieux sont en rapport avec des défauts de conception relevés en différents points du dispositif en place, associés à un mode de collecte de type unitaire sur une partie du territoire concerné et, notamment, le dimensionnement très insuffisant des installations.

9. Il résulte de ce qui précède que les désordres litigieux, imputables à des ouvrages publics à l'égard desquels les consorts C... ont la qualité de tiers, sont de nature à engager la responsabilité de la personne publique qui est la gardienne de ces ouvrages.

Quant à la détermination de la personne publique responsable :

En ce qui concerne les désordres imputables aux eaux pluviales :

10. L'insuffisance et le sous-dimensionnement du réseau d'eaux pluviales sont imputables à la commune de Montferrand-le-Château, gardienne de cet ouvrage, dont la responsabilité est ainsi engagée même sans faute.

En ce qui concerne les désordres imputables aux eaux usées :

11. Aux termes de l'article 19 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 susvisée, applicable à la date d'adhésion de la commune de Montferrand-le-Château au syndicat intercommunal : " Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence. / Cette mise à disposition est constatée par un procès-verbal établi contradictoirement entre les représentants de la collectivité antérieurement compétente et de la collectivité bénéficiaire. Le procès-verbal précise la consistance, la situation juridique, l'état des biens et l'évaluation de la remise en état de ceux-ci (...) ". Aux termes de l'article 20 de la même loi : " Lorsque la collectivité antérieurement compétente était propriétaire des biens mis à disposition, la remise de ces biens a lieu à titre gratuit. La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition assume l'ensemble des obligations du propriétaire. Elle possède tous pouvoirs de gestion. (...) Elle agit en justice au lieu et place du propriétaire. La collectivité bénéficiaire peut procéder à tous travaux de reconstruction, de démolition, de surélévation, ou d'addition de constructions propres à assurer le maintien de l'affectation des biens (...) ".

12. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le transfert de compétence emporte remise des biens affectés au service à la personne publique qui en est investie dès l'entrée en vigueur de la décision prononçant le transfert, sans égard à l'établissement du procès-verbal de remise prévu par l'article 19 précité, dont l'unique objet est de s'assurer contradictoirement de la réalité de la mise à disposition des biens mobiliers et immobiliers et de la conformité de leur état pour l'exercice du service transféré.

13. Il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expert, que les dommages liés à l'écoulement des eaux usées sont imputables, comme il a été dit au point 5, à des défauts de conception du dispositif en place associés à un mode de collecte unitaire sur une partie du territoire concerné. En 1992, la commune de Montferrand-le-Château a adhéré et transféré ses compétences en matière de collecte des eaux usées au syndicat intercommunal d'assainissement de Grandfontaine (SIAG), lequel avait pour objet, en vertu de ses statuts, la construction et la gestion d'un collecteur de transport regroupant les eaux usées notamment de la commune de Montferrand-le-Château, d'une station d'épuration commune située à Grandfontaine ou des équipements qui s'y substitueraient, de tous les équipements et installations annexes, y compris ceux afférents aux antennes de Montferrand-le-Château et d'autres communes, ainsi que l'exploitation en commun de ces ouvrages. Dans ces conditions, la responsabilité même sans faute du syndicat est engagée du fait des dommages imputables aux défauts de conception de ces ouvrages, nonobstant la circonstance que l'adhésion en question était conditionnée à la réalisation et au financement, par la commune, du dispositif et des ouvrages annexes défectueux. La circonstance qu'aucun procès-verbal de mise à disposition n'aurait été dressé conformément aux dispositions précitées de l'article 19 de la loi du 7 janvier 1983 est sans incidence sur l'effectivité d'un tel transfert et sur les droits et obligations qui en découlent.

14. Ainsi, les conclusions de la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du SIAG, tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné ce dernier solidairement avec la commune de Montferrand-le-Château à indemniser M. et Mme C... doivent être rejetées.

S'agissant du préjudice :

En ce qui concerne la restauration des terres :

15. Il résulte de l'instruction, notamment des observations de l'expert, que les écoulements d'eaux usées brutes sur les sols de la pépinière, mêmes épisodiques et limités dans le temps, peuvent être préjudiciables dans la durée au maintien d'une bonne qualité des sols, et que les eaux pluviales suffisent à provoquer le dépérissement des plantations indépendamment de leur composition chimique. C'est donc à bon droit, sans qu'il ait été nécessaire de procéder à une analyse des sols, que les premiers juges ont estimé qu'une restauration des terres de culture, situées soit à l'intérieur des tunnels soit entre des tunnels de l'exploitation, s'avérait nécessaire pour assurer une reprise de la production horticole, alors même qu'une partie de cette production s'effectuerait hors sol.

16. En se fondant sur le devis établi par les établissements Tyrode, soumis au contradictoire, avalisé par l'expert et dont il n'est pas démontré que les coûts des aménagements prévus ne correspondraient pas à ceux du marché, les premiers juges, en fixant à la somme de 39 849,60 euros le montant de l'indemnité due à ce titre, n'ont pas commis d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'acquisition de tablettes :

17. Il résulte des constatations faites par l'expert que la mise en place de supports hors-sol neufs dans l'un des tunnels le plus fréquemment concerné par les arrivées d'eaux constituait une mesure palliative nécessaire. L'indemnisation de ce matériel, justifiée par des factures d'un montant total de 7 863,10 euros doit, dès lors, être accordée.

En ce qui concerne les pertes de commandes :

18. Au soutien de sa demande d'indemnisation relative aux pertes de commandes de la part de la société Krammerer, M. C... ne produit que deux courriers de cette entreprise, également du secteur horticole, datés des 30 septembre 2014 et 14 septembre 2015 et faisant état, dans des termes vagues, de désistements de commandes. En outre, et alors que l'expert fait valoir dans son rapport qu'il s'est personnellement et en vain rapproché des établissements Krammerer pour se faire confirmer ces annulations de commandes, l'absence de production de bons de commandes, comme d'ailleurs de toute justification de transferts financiers antérieurs entre ces entreprises réputées être en liens d'affaires, pour l'achat de quantités aussi importantes de pots de plantes vivaces et de plantes annuelles, ne permet pas d'établir la réalité de la créance dont se prévaut M. C... à ce titre. Par suite, la communauté d'agglomération du Grand Besançon est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont condamné les deux collectivités en cause, pour ce chef de préjudice, à verser à M. C... une somme de 81 931 euros.

En ce qui concerne les pertes de marchandises et les frais d'huissier afférents :

19. Les constats d'huissier dressés les 24 octobre et 12 novembre 2013, 4 août et 25 septembre 2014, 10 juillet 2015 et 16 et 20 avril 2016 attestent la réalité de destructions de plantes et de marchandises à chacune de ces dates. Au regard, d'une part, des estimations détaillées faites par M. C... lors de ces constats et, d'autre part, de celles de l'expert, et enfin compte tenu des aléas portant sur la part des invendus dans un stock de végétaux, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de la fraction de la perte de marchandise subie en la fixant à la somme de 115 634,38 euros, après application d'un coefficient de 10%. Les frais de constats d'huissier nécessaires pour établir ces pertes de marchandises doivent également être inclus dans l'indemnisation à laquelle peut prétendre M. C..., à hauteur de 2 445,41 euros.

En ce qui concerne les dommages affectant le parking :

20. Il résulte de l'instruction, notamment des observations de l'expert, que la zone de stationnement située devant les bâtiments de la pépinière sur la propriété des requérants a été dégradée par les ruissellements en provenance des avaloirs et que ces dégradations justifient la réalisation des travaux de réfection envisagés par M. C.... Ce dernier produit à ce titre un devis de la société Colas, qui n'apparaît pas manifestement excessif. Par suite, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice subi en fixant le coût de l'indemnité de réparation à la somme de 14 196,60 euros.

En ce qui concerne les dommages affectant l'habitation de M. et Mme C... :

21. Il ressort du rapport d'expertise que les détériorations de la cour de la maison d'habitation des époux C... et du chemin privatif y menant sont dues principalement aux passages des véhicules et à la nature des matériaux en place, soumis plus fréquemment à l'incidence des précipitations naturelles (pluie ou neige) qu'aux seules inondations. Dès lors, le lien de causalité entre ces désordres et la survenance des inondations litigieuses n'est pas suffisamment établi. Par suite, la communauté d'agglomération du Grand Besançon est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont condamné les deux collectivités en cause, pour ce chef de préjudice, à verser à M. et Mme C... une somme de 5 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice moral subi par M. et Mme C... :

22. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en évaluant à 5 000 euros le préjudice moral subi par M. et Mme C... du fait des inondations qui endommagent régulièrement leur exploitation depuis 2013, et en mettant cette somme à la charge de la commune de Montferrand-le-Château, les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du SIAG, est seulement fondée à demander que l'indemnité que l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 décembre 2017 l'a condamnée à verser à M. et Mme C... soit ramenée de la somme de 266 920,09 euros à celle de 179 989,09 euros. Par voie de conséquence, les conclusions de M. et Mme C... tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il ne leur a pas alloué une indemnité supérieure ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'appel provoqué de la société Areas Dommages :

24. Les conclusions de la société Areas Dommages tendant à l'annulation du jugement en tant que le tribunal l'a condamnée à garantir la commune de Montferrand-le-Château de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 271 920,09 euros ont été introduites après le délai d'appel. Elles s'analysent comme des conclusions d'appel provoqué qui ne seraient recevables que si la situation de la société Areas Dommages était aggravée par l'admission de l'appel principal de la communauté d'agglomération du Grand Besançon. Ainsi qu'il vient d'être dit, les conclusions d'appel principal de la communauté d'agglomération du Grand Besançon relatives à la condamnation solidaire du SIAG ont été rejetées et en l'absence, par conséquent, d'aggravation de sa situation, les conclusions d'appel provoqué présentées par la société Areas Dommages contre la commune de Montferrand-le-Château sont irrecevables.

Sur les dépens :

25. Selon l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

26. Par le jugement du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 051,13 euros, à la charge solidaire de la commune de Montferrand-le-Château et du syndicat intercommunal d'assainissement de Grandfontaine, ainsi que le demandaient M. et Mme C....

27. La communauté d'agglomération du Grand Besançon, venant aux droits du SIAG et de la commune, demeure la partie perdante et M. et Mme C... ne se prévalent d'aucune circonstance particulière justifiant que ces frais soient mis à la charge d'une autre partie. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions que ces derniers présentent au titre des dépens ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Areas Dommage, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la communauté d'agglomération du Grand Besançon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Pour les mêmes motifs, les conclusions de la société Areas Dommages dirigées contre M. et Mme C... doivent être rejetées. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Areas Dommages et de la communauté d'agglomération du Grand Besançon le versement de la somme que M. et Mme C... demandent sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 266 920,09 euros que le syndicat intercommunal d'assainissement de Grandfontaine et la commune de Montferrand le Château ont été condamnés à verser à M. et Mme C... par l'article 1er du jugement du 4 décembre 2017 du tribunal administratif de Besançon est ramenée à un montant de 179 989,09 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1500092 du tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Grand Besançon, à M. A... C..., à Mme H... C..., à la Société d'assurances Areas dommages.

2

N° 18NC00280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00280
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-03 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité de tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP WERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-30;18nc00280 ?
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