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17/03/2020 | FRANCE | N°19NC01685

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 17 mars 2020, 19NC01685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le préfet du Doubs l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner en France pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1901383 du 22 mai 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision portant interdiction de retour pour une durée de d

eux ans et a rejeté le surplus des conclusions de Mme C... E....

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le préfet du Doubs l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner en France pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1901383 du 22 mai 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de Mme C... E....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2019, Mme C... E..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le préfet du Doubs l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner en France pour une durée de deux ans.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 14 mai 2019 n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle et familiale de manière suffisamment approfondie ;

- la compétence de l'auteur de l'acte n'est pas établie ;

- sa vie serait en danger en cas de retour à Cuba ;

- elle ne présente pas de risque de fuite ;

- elle a une fille avec un ressortissant cubain qui réside en Suisse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en l'absence de signature de la requête, elle est irrecevable ;

- les déclarations de Mme C... E... sont contradictoires ;

- les autres moyens soulevés par Mme C... E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... E..., ressortissante cubaine née le 1er décembre 1980, réside en Espagne depuis le 12 juin 2018. Elle a été interpellée à bord d'un train à Montbéliard, le 14 mai 2019, alors qu'elle se rendait en Suisse et placée en rétention administrative. Par un arrêté du 14 mai 2019, le préfet du Doubs l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner en France pour une durée de deux ans. Par un jugement du 22 mai 2019, dont Mme C... E... relève appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy, après avoir annulé la décision portant interdiction de retour en France pour une durée de deux ans, a rejeté le surplus de ses conclusions.

2. En premier lieu, par un arrêté du 8 octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet du Doubs a donné à M. D..., secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer notamment les obligations de quitter le territoire français, les refus de départ volontaire, les décisions fixant le pays de destination et les interdictions de retour. En cas d'absence ou d'empêchement de M. D..., l'arrêté du 8 octobre 2018 donne délégation à M. A..., directeur de cabinet du préfet du Doubs, pour signer ces mêmes décisions. Il n'est pas soutenu que M. D... n'aurait pas été absent ou empêché le 14 mai 2019. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. A..., signataire de l'arrêté du 14 mai 2019 doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté du 14 mai 2019, après avoir mentionné les dispositions juridiques sur lesquelles il se fonde, rappelle que Mme C... E... est entrée récemment en France. Il précise qu'elle réside en Espagne sans établir la régularité de son séjour dans ce pays et qu'elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire espagnol, le 12 mai 2019. Il relève qu'elle est célibataire et mère de deux enfants, qui ne sont pas à sa charge, dont l'un vit avec son père en Suisse et l'autre à Cuba chez sa soeur et qu'elle a des attaches familiales à Cuba. Il énonce qu'elle ne veut pas retourner dans son pays d'origine, sans pour autant établir qu'elle y serait exposée à un danger pour sa vie ou sa sécurité en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, l'arrêté litigieux, qui précise suffisamment les motifs de droit et de fait sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. Le préfet du Doubs a également procédé à un examen suffisant de la situation personnelle et familiale de Mme C... E... et des risques allégués pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine.

4. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

5. D'une part, si Mme C... E... indique avoir un projet de mariage avec un ressortissant cubain résidant en Suisse, elle n'établit pas la réalité de ce projet qu'elle n'a pas mentionné lors de son audition par les services de police en se bornant à produire une attestation rédigée en espagnol, non traduite, de ce ressortissant cubain. Lors de son audition, elle a d'ailleurs déclaré rejoindre le père de sa fille qui réside en Suisse pour faire établir la carte d'identité de sa fille dans ce pays. Elle n'établit pas davantage qu'elle aurait déposé une demande de titre de séjour en Suisse, alors qu'elle a déclaré vouloir retourner en Espagne.

6. D'autre part, Mme C... E... précise, dans ses écritures en appel, avoir deux enfants, dont l'un réside avec son père en Suisse et l'autre à Cuba avec sa soeur. Lors de son audition avec les services de police, elle a précisé avoir deux filles résidant à Cuba, l'une avec sa mère, l'autre avec sa soeur. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle a vécu à Cuba jusqu'à l'âge de 38 ans et qu'elle y a des attaches familiales. Elle est, en outre, dépourvue de toute attache privée ou familiale en France, où elle n'était que de passage lorsqu'elle a été interpellée.

7. Par suite, en l'obligeant à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible, le préfet du Doubs n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... E... à une vie privée et familiale normale. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'était pas tenu de prononcer, en priorité, une réadmission de Mme C... E... en Espagne, alors qu'elle n'a pas été en mesure de justifier de la régularité de son séjour dans ce pays et que les autorités espagnoles ont édicté une obligation de quitter le territoire espagnol à son encontre, le 12 mai 2019. Par ailleurs, le préfet du Doubs ne pouvait fixer la Suisse comme pays de destination en l'absence de tout droit au séjour de Mme C... B... dans ce pays. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

8. En quatrième lieu, Mme C... B... n'établit pas qu'elle subirait des risques pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine en raison de ses liens avec un opposant politique cubain notoire qui bénéficie du statut de réfugié politique en Espagne. Elle n'a fait état d'aucun risque de persécution lors de son audition par les services de police et a indiqué, lors de cette audition menée avec l'aide d'un interprète en langue espagnole, avoir quitté Cuba pour rejoindre des membres de sa famille en Espagne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. D'ailleurs, la demande d'asile qu'elle a formulée en rétention, postérieurement à l'arrêté contesté, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

9. En dernier lieu, Mme C... E... soutient qu'elle ne présente aucun risque de fuite et entend exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre. Ces circonstances sont cependant sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français édictée en l'absence d'entrée régulière sur le territoire français de Mme C... E....

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le préfet du Doubs, Mme C... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy, après avoir annulé la décision portant interdiction de retour en France pour une durée de deux ans, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le préfet du Doubs l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.

2

N° 19NC01685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01685
Date de la décision : 17/03/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : VORMS RICHARD-MAUPILLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-03-17;19nc01685 ?
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