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25/02/2020 | FRANCE | N°18NC01684

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 25 février 2020, 18NC01684


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 9 juin 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy a prononcé son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n° 1702059 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 9 juin 2017 du directeur du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy, lui a enjoint de réintégrer Mme C... dans l'emploi qu'elle occupait précé

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 9 juin 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy a prononcé son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n° 1702059 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 9 juin 2017 du directeur du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy, lui a enjoint de réintégrer Mme C... dans l'emploi qu'elle occupait précédemment à son éviction ou, le cas échéant, de procéder à son reclassement dans un poste adapté à sa pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et, enfin, lui a enjoint de procéder à la reconstitution de carrière de Mme C... dans le même délai.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2018, le centre hospitalier et universitaire de Nancy, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'avait aucune obligation de reclasser Mme C... en raison de son inaptitude totale et définitive à l'exercice de toute fonction dans la fonction publique hospitalière ;

- il était en situation de compétence liée pour licencier Mme C... en application de l'article 31 du décret du 12 mai 1997, en l'absence de congé de maternité à cette date ;

- le certificat médical du 10 avril 2017 du médecin traitant de Mme C... n'est pas probant, dès lors que l'expertise médicale produite avant la séance de la commission de réforme prenait déjà en compte la grossesse de Mme C..., tout en estimant qu'elle était inapte, totalement et définitivement, à l'exercice de toute fonction dans la fonction publique hospitalière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2018, Mme B... C..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CHRU de Nancy avait connaissance de son état de grossesse à la date de la décision la licenciant ;

- l'expertise médicale du 21 mars 2016 ne prononçait pas d'inaptitude médicale totale et définitive à l'exercice de toute fonction en raison de l'absence de traitement de son affection à cette date ;

- elle aurait dû être placée en position de congé sans traitement à l'issue de son congé de longue maladie ;

- elle ne pouvait pas être licenciée alors qu'elle était enceinte ;

- la composition de la commission de réforme était irrégulière ;

- les autres moyens soulevés par le centre hospitalier régional universitaire de Nancy ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n°97-487 du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., présidente assesseur,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- les observations de Me E... pour Mme C... et les explications de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née le 16 avril 1987, a été employée en qualité d'infirmière par le CHRU de Nancy sous contrat de travail à durée déterminée à compter du 3 septembre 2012. Le 11 janvier 2013, elle a été nommée en qualité de stagiaire infirmière à compter du 1er janvier 2013, pour une durée de douze mois. Par une décision du 9 juin 2017, le directeur du CHRU de Nancy a prononcé son licenciement pour inaptitude physique. Par un jugement du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 9 juin 2017 du directeur du CHRU de Nancy, lui a enjoint de réintégrer Mme C... dans l'emploi qu'elle occupait précédemment à son éviction ou, le cas échéant, de procéder à son reclassement dans un poste adapté à sa pathologie, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et, enfin, lui a enjoint de procéder à la reconstitution de carrière de Mme C... dans le même délai. Le CHRU de Nancy relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 31 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : " Sauf lorsqu'il se trouve placé dans l'une des positions de congé prévues aux articles 26 à 29 du présent décret, l'agent stagiaire a droit au congé de maladie, au congé de longue maladie et au congé de longue durée mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, dans les conditions fixées par les dispositions législatives et réglementaires applicables aux agents titulaires de la fonction publique hospitalière, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Lorsque, à l'expiration d'un congé pour raison de santé, l'agent stagiaire est inapte à reprendre ses fonctions, il est placé en congé sans traitement pour une durée maximale d'un an renouvelable deux fois (...) / 2° Lorsque, à l'expiration des droits à congé avec traitement ou d'une période de congé sans traitement accordés pour raison de santé, l'agent stagiaire est reconnu par la commission de réforme inapte à reprendre ses fonctions de façon définitive et absolue, il est licencié ou, s'il a la qualité de fonctionnaire titulaire dans un autre corps, cadre d'emplois ou emploi, il est mis fin à son détachement et l'intéressé est remis à la disposition de son administration d'origine dans les conditions prévues par le statut dont il relève (...) ".

3. Si, en vertu d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d'inaptitude physique définitive, médicalement constatée, à occuper un emploi, il appartient à l'employeur de reclasser l'intéressé dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ce principe général ne confère pas aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés dans l'attente d'une titularisation pour toute inaptitude physique définitive.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., atteinte d'un rhumatisme psoriasique, a été placée en congé de longue maladie du 27 mars 2013 au 26 mars 2016. Par un avis du 8 avril 2016, le comité médical départemental hospitalier de Meurthe-et-Moselle a estimé que Mme C... était inapte " totalement et définitivement " à ses fonctions et à toute fonction dans la fonction publique hospitalière. Le 9 février 2017, la commission de réforme hospitalière a confirmé cet avis et estimé qu'elle était inapte, de manière totale et définitive, à l'exercice de toute fonction dans la fonction publique hospitalière à compter du 27 mars 2016. La commission de réforme hospitalière s'est fondée sur une expertise médicale du 9 janvier 2017 du Dr. Raul qui, après avoir relevé que Mme C... ne prenait aucun traitement spécifique en raison d'un désir de grossesse et était d'ailleurs enceinte depuis le mois de novembre 2016, a indiqué que son état pathologique ne permettait pas la reprise d'une activité professionnelle et qu'elle était inapte, de façon définitive, à exercer les fonctions d'infirmière en soins généraux ainsi que, de manière totale et définitive, à l'exercice de toute fonction dans la fonction publique hospitalière. Cet avis diffère ainsi de celui émis par le même médecin, le 21 mars 2016, antérieurement au début de la grossesse de Mme C..., qui estimait alors que Mme C... ne pouvait " actuellement " pas reprendre une activité professionnelle mais qu'il est " difficile de se prononcer sur une inaptitude totale et définitive aux fonctions d'infirmière et à toute fonction dans la fonction publique hospitalière ".

5. Pour contester son inaptitude totale et définitive à l'exercice de toute fonction dans la fonction publique hospitalière, Mme C... produit un certificat médical du 10 avril 2017 du Dr. Schivardi qui énonce qu'elle n'a pris aucun traitement pour soigner son affection pendant un an, dès lors qu'elle souhaite avoir un enfant, ce qui aggrave son état de santé. Mme C... étant enceinte depuis le mois de novembre 2016, il précise qu'elle sera en mesure de reprendre un traitement après son accouchement ce qui stabilisera sa maladie et permettra une reprise d'activité dans la fonction publique " dans un poste adapté ".

6. Le Dr. Raul a pris en compte la grossesse alors récente de Mme C... dans son rapport du 9 janvier 2017, sans cependant examiner ses incidences sur la possibilité pour Mme C... de reprendre des fonctions en milieu hospitalier après reprise de son traitement médicamenteux postérieurement à son accouchement, alors même qu'il s'interrogeait sur ce point dans son analyse précédente du 21 mars 2016. En outre, la caisse primaire d'assurance maladie indique, dans un courrier du 13 juillet 2016, que Mme C... relève d'une pension d'invalidité de catégorie 1, soit le niveau le plus bas, qui correspond aux personnes capables d'exercer une activité professionnelle rémunérée. Ce courrier ne permet pas d'établir, en conséquence, que Mme C... serait inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de toute fonction dans la fonction publique hospitalière. Mme C... a d'ailleurs repris une activité d'infirmière et d'aide-soignante dans le cadre de missions de remplacement de courte durée à l'issue de son congé de maternité en octobre et novembre 2017, avec pour seule contre-indication le port de charges répété, puis dans le cadre d'un emploi d'infirmière coordinatrice sous contrat de travail à durée indéterminée conclu le 10 avril 2018.

7. Par suite, le CHRU de Nancy n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Nancy a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation des faits en estimant que l'inaptitude totale et définitive de Mme C... à toutes fonctions dans la fonction publique hospitalière n'était pas établie.

8. En deuxième lieu, il appartenait au CHRU de Nancy d'apprécier l'état de santé de Mme C... à la date de la décision litigieuse, au vu de l'ensemble des pièces du dossier et notamment de la grossesse de Mme C... et de ses incidences sur l'aptitude de celle-ci à exercer ses fonctions, dès lors qu'elle ne prenait plus aucun traitement médical en raison de sa grossesse, dont le CHRU de Nancy avait connaissance. Le CHRU de Nancy n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été en situation de compétence liée par l'avis du comité médical départemental hospitalier de Meurthe-et-Moselle et qu'il devait nécessairement procéder au licenciement de Mme C....

9. En dernier lieu, Il résulte de ce qui est dit au point 3 que Mme C..., fonctionnaire stagiaire, placée dans une situation probatoire et provisoire, n'a aucun droit à reclassement en cas d'inaptitude physique définitive, médicalement constatée. En outre, il est constant qu'à la date de la décision de licenciement contestée, les droits à congé de maternité de Mme C... n'étaient pas ouverts, mais l'ont été quelques jours plus tard. Cependant, ainsi qu'il est dit, l'inaptitude totale et définitive de Mme C... à l'exercice de toute fonction dans la fonction publique hospitalière n'était pas établie à la date de la décision procédant à son licenciement. Elle ne pouvait, par suite, pas être licenciée en application du 2° de l'article 31 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière. Ainsi, alors même que le jugement attaqué mentionne, à tort, une obligation de reclassement à la charge du CHRU de Nancy, la décision de licenciement du 9 juin 2017, qui est illégale en l'absence de certitude quant à l'inaptitude physique définitive de Mme C... à l'exercice de toute fonction dans la fonction publique hospitalière, doit être annulée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le CHRU de Nancy n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 9 juin 2017 portant licenciement de Mme C....

Sur l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Nancy :

11. Il résulte de l'instruction que l'aptitude de Mme C... à reprendre ses fonctions ou toute autre fonction à l'issue de son congé de maternité était incertaine à la date de la décision la licenciant et qu'elle devait être de nouveau examinée à l'issue de son congé de maternité. Ainsi, alors même que le CHRU de Nancy ne pouvait procéder au licenciement de Mme C... en application du 2° de l'article 31 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière, l'annulation de la décision du 9 juin 2017 du directeur du CHRU de Nancy n'impliquait pas nécessairement la recherche d'un poste adapté à la pathologie de Mme C... ou son reclassement, alors en outre, qu'ayant le statut de fonctionnaire stagiaire, elle n'a aucun droit à reclassement. Elle impliquait seulement le placement de Mme C... dans une position régulière dans l'attente du réexamen de son état de santé à l'issue de ses droits à congé de maternité ainsi que la reconstitution de ses droits.

12. Par suite, il y a lieu d'annuler l'injonction prononcée par l'article 2 du jugement attaqué.

13. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... devant le tribunal administratif de Nancy en se plaçant à la date de sa propre décision.

14. D'une part, il résulte de l'instruction que Mme C... a accouché le 16 juillet 2017 et qu'elle a travaillé, postérieurement à la fin de son congé de maternité, en qualité d'infirmière dans le secteur privé.

15. D'autre part, l'annulation de la décision de licenciement du 9 juin 2017 implique nécessairement que le CHRU de Nancy reconstitue les droits de Mme C... et prononce sa réintégration dans l'attente du réexamen de son aptitude physique à occuper ses précédentes fonctions, après avis du comité médical départemental hospitalier. Le CHRU de Nancy devra se prononcer au plus tard dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

16. Il n'y a pas lieu d'assortir l'injonction prononcée au point précédent d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le versement de la somme que le CHRU de Nancy demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU de Nancy le versement à Mme C... de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier régional universitaire de Nancy de reconstituer les droits de Mme C... et de prononcer sa réintégration jusqu'au réexamen de son aptitude physique à occuper ses précédentes fonctions, après avis du comité médical départemental hospitalier. Ce réexamen devra intervenir au plus tard dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier régional universitaire de Nancy versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Nancy est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional universitaire de Nancy et à Mme B... C....

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18NC01684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01684
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-25;18nc01684 ?
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