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24/10/2019 | FRANCE | N°18NC01208

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 24 octobre 2019, 18NC01208


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête n° 1603411, M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision en date du 21 septembre 2016 par laquelle le président de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges a mis fin à ses fonctions de secrétaire général.



Par une requête n° 1701828, M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision en date du 9 mai 2017 par laquelle le président de la chambre des métiers de

l'artisanat des Vosges a refusé de le réintégrer dans ses fonctions de secrétaire général.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1603411, M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision en date du 21 septembre 2016 par laquelle le président de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges a mis fin à ses fonctions de secrétaire général.

Par une requête n° 1701828, M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision en date du 9 mai 2017 par laquelle le président de la chambre des métiers de l'artisanat des Vosges a refusé de le réintégrer dans ses fonctions de secrétaire général.

Par un jugement n° 1603411, 1701828 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 avril 2018, 29 octobre 2018 et 5 février 2019, M D..., représenté par Me C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 13 février 2018 ;

2°) d'annuler les décisions des 21 septembre 2016 et 9 mai 2017 du président de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges ;

3°) de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté du 21 septembre 2016 :

- il n'est pas suffisamment motivé ;

- il viole les dispositions du statut des personnels des chambres des métiers et de l'artisanat ;

- l'interdiction d'exercer est devenue rétroactivement inexistante dès lors que la cour d'appel de Nancy l'a relaxé et infirmé le jugement du tribunal correctionnel du 10 mai 2016 ;

- la condamnation pénale était exécutoire par provision, mais n'était pas définitive ;

- il aurait dû être suspendu de ses fonctions pendant un an par application de l'article 64 du statut des personnels des chambres des métiers et de l'artisanat ;

- l'article 68 de ce statut aurait dû s'appliquer ;

- la chambre des métiers et de l'artisanat a violé la présomption d'innocence ;

- si la Cour de cassation a cassé l'arrêt de relaxe de la cour d'appel, cette circonstance est sans incidence ;

S'agissant de la décision du 9 mai 2017 :

- elle viole les dispositions du statut des personnels des chambres des métiers et de l'artisanat ;

- elle méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- aucune procédure disciplinaire n'a été engagée à son encontre ;

- les droits de la défense ont été méconnus ;

- il n'a pas été traité comme la personne qu'il a été accusé d'avoir favorisé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 juin 2018 et 18 décembre 2018, la chambre de métiers et de l'artisanat des Vosges, représentée par Me B... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

S'agissant de la décision du 21 septembre 2016 :

-elle s'est bornée à faire application du jugement du tribunal correctionnel du 10 mai 2016 ;

-cette condamnation prévoyait l'exécution provisoire de l'interdiction d'exercice ;

- aucune procédure disciplinaire ne trouvait à s'appliquer ;

- ayant été tenue d'édicter la décision contestée, l'ensemble des moyens dirigés contre elle sont inopérants ;

- la différence de traitement qu'il dénonce est justifiée par la différence de situation statutaire avec Mme A.;

S'agissant de la décision du 9 mai 2017 :

- le refus de réintégration repose sur l'intérêt du service ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne est inopérant ;

- l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 23 mai a été cassé par la Cour de cassation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat adopté le 13 novembre 2008 par la commission paritaire nationale et publié au Journal officiel du 6 janvier 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. D..., et de Me B..., représentant la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., secrétaire général de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges depuis 1993 a fait l'objet de poursuites pénales en 2014 et a été reconnu coupable de détournement de fonds publics par une personne chargée d'une mission de service public et de prise illégale d'intérêts entre le 14 mai 2012 et le 10 novembre 2015 puis condamné, par un jugement du tribunal correctionnel d'Epinal, à une peine d'emprisonnement de six mois assortie du sursis, au paiement d'une amende de 20 000 euros, ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer pendant une durée d'un an l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction. Ce jugement du 10 mai 2016 étant assorti de l'exécution provisoire, le président de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges a, par arrêté du 21 septembre 2016, mis fin aux fonctions de M. D... et l'a radié des effectifs de la chambre. Saisi par l'intéressé d'une demande tendant à obtenir sa réintégration à l'issue de la période d'interdiction, il l'a rejetée, par une décision du 9 mai 2017. M. D... relève appel du jugement du 13 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes d'annulation des décisions des 21 septembre 2016 et 9 mai 2017.

2. Aux termes de l'article 222-44 du code pénal : " I. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux sections 1 à 4 du présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes : 1° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit, pour les infractions prévues par les articles 222-1 à 222-6, 222-7, 222-8, 222-10, les 1° et 2° de l'article 222-14, les 1° à 3° de l'article 222-14-1, les articles 222-15, 222-23 à 222-26, 222-34, 222-35, 222-36, 222-37, 222-38 et 222-39, d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement (...) ". Aux termes de l'article 131-27 de ce même code : " Lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire pour un crime ou un délit, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale est soit définitive, soit temporaire ; dans ce dernier cas, elle ne peut excéder une durée de cinq ans ". Aux termes de l'article 471 du code de procédure pénale : " (...) Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-5 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision (...) ".

3. Si la peine complémentaire d'interdiction d'exercice, pendant un an, de l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction, prononcée contre M. D... par le jugement du tribunal correctionnel d'Epinal du 10 mai 2016, a été déclarée exécutoire par provision dans les conditions prévues à l'article 471 du code de procédure pénale, et s'il incombait, par conséquent à la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges d'en tirer les conséquences, cette condamnation n'impliquait pas par elle-même et tant qu'elle n'avait pas acquis un caractère définitif dès lors que M. D... en avait relevé appel devant la cour d'appel de Nancy, une rupture définitive et automatique de tout lien de l'intéressé avec le service alors qu'il était loisible au président de la chambre des métiers et de l'artisanat de prononcer la suspension provisoire de l'intéressé en application de l'article 68 du statut du personnel administratif des chambres des métiers et de l'artisanat et, le cas échéant, d'engager à son encontre, à raison des faits ayant donné à la condamnation et susceptibles d'être qualifiés de fautes, une procédure disciplinaire. Il s'ensuit que, alors même que la Cour de cassation a partiellement cassé, le 27 juin 2018, l'arrêt de la cour d'appel de Nancy qui a, le 23 mai 2017, infirmé la condamnation prononcée contre M. D... et renvoyé, dans cette mesure, son appel devant la cour d'appel de Colmar, l'arrêté du 21 septembre 2016 par lequel le président de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges s'est estimé tenu de mettre fin aux fonctions de secrétaire général de M. D... et de le radier des effectifs de la chambre est entaché d'une erreur de droit de même que, par voie de conséquence, la décision du 9 mai 2017 par laquelle il a refusé de réintégrer M. D... à l'issue de la période d'exécution provisoire de l'interdiction prononcée contre l'intéressé.

4. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes. Il y a lieu d'annuler ce jugement et les décisions des 21 septembre 2016 et 9 mai 2017.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges le versement à M. D... d'une somme de 1 500 euros sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 13 février 2018 et les décisions des 21 septembre 2016 et 9 mai 2017 du président de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges sont annulés.

Article 2 : La chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges versera une somme de 1 500 euros à M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

N° 18NC01208 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01208
Date de la décision : 24/10/2019
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-09 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Radiation des cadres.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY - POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2019-10-24;18nc01208 ?
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