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23/07/2019 | FRANCE | N°18NC03042

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 18NC03042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, l'a obligé de se présenter à la police aux frontières d'Entzheim tous les mercredis et lui a interdit de sortir du département du Bas-Rhin, ainsi que l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé

son encontre une interdiction du territoire français pendant une durée d'un an à co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, l'a obligé de se présenter à la police aux frontières d'Entzheim tous les mercredis et lui a interdit de sortir du département du Bas-Rhin, ainsi que l'arrêté du 27 avril 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction du territoire français pendant une durée d'un an à compter de la notification de la décision.

Par un jugement n° 1802771, 1802772 du 9 mai 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2018, M.D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français ;

2°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision litigieuse a été prise dans des conditions qui méconnaissent le droit d'être entendu qui constitue un principe général du droit communautaire ;

- la décision contestée ne pouvait être prise sur le fondement du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

- il ne présentait aucun risque de fuite ;

- l'illégalité de la précédente décision prive de base légale la décision lui refusant un délai de départ volontaire ;

Sur la fixation du pays de renvoi :

- l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas été préalablement entendu ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est contraire au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 18 octobre 2018.

Par ordonnance du 21 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 février 2019 à 12 heures.

Un mémoire, présenté par le préfet du Bas-Rhin, a été enregistré le 28 juin 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., de nationalité nigériane, a été interpellé au cours d'un contrôle de police le 25 avril 2018. Par un arrêté du 26 avril suivant, le préfet du Bas-Rhin l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, l'a obligé à se présenter à la police aux frontières d'Entzheim tous les mercredis et lui a interdit de sortir du département du Bas-Rhin. Par un arrêté du 27 avril 2018 le préfet du Bas-Rhin l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction du territoire français pendant une durée d'un an à compter de la notification de la décision. Le requérant relève appel du jugement du 9 mai 2018 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français.

Sur la décision obligeant M. D...à quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'un procès-verbal d'audition établi le 25 avril 2018 à 23 heures 50, que M. D...a pu faire valoir ses observations à la suite de son interpellation effectuée le même jour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu qui constitue un principe général du droit communautaire, doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

4. M. D...soutient que la décision contestée ne pouvait être prise sur le fondement du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet du Bas-Rhin n'allègue pas que sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public. Il ressort des motifs de la décision contestée que celle-ci a, en réalité, été édictée sur le fondement du 1° du I de l'article précité. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. D...fait valoir qu'il s'est marié au Nigéria le 8 juin 2016 avec Mme S., compatriote qui vit en France sous couvert d'une carte de résident, qu'il a demandé le bénéfice du statut de réfugié et qu'il est socialement inséré en France. Toutefois, le requérant a déclaré, lors de son audition le 25 avril 2018, être présent en France depuis deux mois et les documents qu'il produit, constitués de son acte de mariage et de photographies de son mariage, ne permettent pas à eux seuls d'établir de la réalité de la relation que le requérant allègue avec Mme S. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France du requérant, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D...doit être écarté.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire à M. D...:

7. Aux termes du troisième alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité (...) " ;

8. M. D...fait valoir qu'il présente des garanties de représentation suffisantes au motif qu'il dispose d'une adresse chez son épouse. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il est dépourvu de documents d'identité ou de voyage et il n'établit pas résider habituellement chez son épouse par les pièces qu'il produit. Dans ces conditions, le préfet du Bas-Rhin était fondé à lui refuser un délai de départ volontaire.

9. En second lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. D...à quitter le territoire doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de ces stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. S'il soutient qu'il est menacé dans son pays d'origine, le requérant ne produit aucun document de nature à établir le bien-fondé de ses affirmations. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. D...à quitter le territoire doit être écarté.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) ".

14. En premier lieu, la décision contestée vise les dispositions précitées et précise que M. D...est entré irrégulièrement en France, qu'il n'a entamé aucune démarche pour régulariser sa situation et qu'il n'établit pas résider chez son épouse. Par suite, elle est suffisamment motivée.

15. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que M. D...n'aurait pas été entendu préalablement à l'édiction litigieuse doit être écarté pour les motifs exposés au point 2.

16. En troisième lieu, le préfet du Bas-Rhin a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. D...et aucune circonstance humanitaire ne s'opposait à l'édiction de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

17. En quatrième lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. D...à quitter le territoire doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 26 et 27 avril 2018 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Dhers, président assesseur,

Mme Bauer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juillet 2019.

Le rapporteur,

Signé : S. DHERSLe président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : S. GODARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. GODARD

2

N° 18NC03042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC03042
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;18nc03042 ?
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