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23/07/2019 | FRANCE | N°17NC03034

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 17NC03034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Wittenheim a refusé de renouveler son contrat à durée déterminée.

Par un jugement n° 1503476 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 décembre 2017 et le 8 mai 2019, Mme B...C..., représentée par MeD..., demande à la cour :<

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1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 octobre 2017 ;

2°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Wittenheim a refusé de renouveler son contrat à durée déterminée.

Par un jugement n° 1503476 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 décembre 2017 et le 8 mai 2019, Mme B...C..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 octobre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 23 janvier 2015 par laquelle le maire de la commune de Wittenheim a refusé de renouveler son contrat à durée déterminée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Wittenheim une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été signé par le président de la formation de jugement, par le rapporteur et par le greffier ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision de non-renouvellement de son contrat n'était pas justifiée par l'intérêt du service ;

- la décision litigieuse a été signée par une autorité incompétente ;

- la décision litigieuse, qui a été prise pour des motifs disciplinaires, n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; elle aurait dû bénéficier d'un entretien préalable, conformément aux dispositions du 4° de l'article 38 du décret du 15 février 1988 ;

- la décision litigieuse a été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service ;

- la décision litigieuse a été prise en considération de son appartenance religieuse, en méconnaissance de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- elle remplissait les conditions posées au II de l'article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984 et devait par suite se voir proposer un contrat à durée indéterminée ;

- le tribunal administratif a méconnu l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'il n'a pas tenu compte de sa situation économique et du fait qu'elle bénéficiait de l'aide juridictionnelle.

Par un mémoire, enregistré le 19 février 2018, la commune de Wittenheim, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C...une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir, à titre principal, que la requête de première instance était tardive et, par suite, irrecevable et, à titre subsidiaire, que les moyens invoqués par Mme C...ne sont pas fondés.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me F...pour la commune de Wittenheim.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...C...a été recrutée en 2008 par le centre communal d'action sociale de Wittenheim, dans le cadre de contrats avenir et de contrats uniques d'insertion en qualité d'adjoint technique puis d'" aide assistante maternelle " au sein des écoles de Wittenheim. A compter du 1er septembre 2011, elle a été recrutée en tant qu'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) à l'école maternelle La Fontaine, par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Haut-Rhin, qui l'a mise à disposition de la commune, puis par la commune directement à compter de la rentrée de septembre 2014. Elle a ainsi bénéficié d'un contrat de travail à durée déterminée de six mois pour la période du 1er septembre 2014 au 1er février 2015. Par une décision du 23 janvier 2015, le maire de la commune lui a indiqué que ce contrat ne serait pas renouvelé. Par un jugement du 12 octobre 2017, dont Mme C...relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen invoqué par Mme C...en première instance et qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision de non-renouvellement de son contrat n'était pas justifiée par l'intérêt du service. Ce jugement doit, par suite, être annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions à fin d'annulation de MmeC..., sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité invoqués par cette dernière.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la légalité de la décision du 23 janvier 2015 :

4. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme E...A..., directrice générale des services, qui disposait, en vertu d'un arrêté du maire du 14 avril 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la commune, d'une délégation à l'effet de signer tous les actes, à l'exclusion de ceux se rapportant à l'exercice des pouvoirs propres du maire, ainsi qu'à ceux pris par délégation du conseil municipal. Contrairement à ce que soutient MmeC..., cette délégation n'est ni générale ni absolue. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

5. En deuxième lieu, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas renouveler ce contrat est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur l'aptitude professionnelle de l'agent et, de manière générale, sur sa manière de servir et se trouve ainsi prise en considération de la personne, elle n'est pas, sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans qu'elles soient motivées.

6. Mme C...fait valoir que la décision litigieuse constitue en réalité une sanction disciplinaire déguisée. Il ressort des pièces du dossier que la commune a entendu sanctionner Mme C...pour son comportement lors de la minute de recueillement organisée en mémoire des victimes des attentats de janvier 2015. Toutefois, la commune a notifié à l'intéressée son intention de ne pas renouveler son contrat et, parallèlement, lui a adressé un courrier l'informant de ce qu'elle envisageait de prendre à son encontre une sanction d'exclusion de fonctions pour une durée de quinze jours. Elle lui a infligé ladite sanction en appliquant une retenue sur salaire de quinze jours. En l'espèce, la seule concomitance entre l'engagement d'une procédure disciplinaire et la décision de ne pas renouveler son contrat ne suffit pas à établir le caractère disciplinaire de la décision litigieuse alors que la commune invoque par ailleurs, pour justifier cette décision, des motifs tirés de l'intérêt du service et notamment relatifs à la manière de servir de l'intéressée. Par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige revêt un caractère disciplinaire. Dans ces conditions et alors même qu'elle a été prise en considération de la personne, cette décision n'avait pas à être motivée.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard (...) 2° Au début du mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans (...) 4° Au début du troisième mois précédant le terme de l'engagement pour le contrat susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée. Dans ce cas, la notification de la décision doit être précédée d'un entretien ".

8. D'une part, la méconnaissance du délai institué par ces dispositions, si elle est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration, n'entraîne pas l'illégalité de la décision de non-renouvellement du contrat. Par suite, Mme C...ne peut utilement se prévaloir d'une éventuelle inobservation par la commune dudit délai.

9. D'autre part, Mme C...n'établit pas que son contrat était susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée. Dès lors, la décision litigieuse n'avait pas à être précédée d'un entretien préalable. En tout état de cause, hormis le cas où une telle décision aurait un caractère disciplinaire, l'accomplissement de cette formalité, si elle est l'occasion pour l'agent d'interroger son employeur sur les raisons justifiant la décision de ne pas renouveler son contrat et, le cas échéant, de lui exposer celles qui pourraient justifier une décision contraire, ne constitue pas pour l'agent, eu égard à la situation juridique de fin de contrat sans droit au renouvellement de celui-ci, une garantie dont la privation serait de nature par elle-même à entraîner l'annulation de la décision de non renouvellement. Par suite et alors, ainsi qu'il a été dit au point 6, que la décision litigieuse ne revêt pas de caractère disciplinaire, une telle irrégularité à la supposer établie ne serait pas de nature, en l'espèce, à entacher d'illégalité la décision litigieuse.

10. En quatrième lieu, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d'un droit au renouvellement de son contrat. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service.

11. Pour justifier du non-renouvellement du contrat de travail de Mme C..., la commune invoque la manière de servir de l'intéressée. Il ressort d'un rapport établi par la directrice de l'école au sein de laquelle était affectée Mme C...que cette dernière a rencontré des difficultés lors de l'année scolaire 2013-2014. L'institutrice qu'elle était chargée d'assister au cours de cette période a expressément demandé à ne plus travailler avec elle. Ces difficultés ont d'ailleurs été évoquées lors du renouvellement de son contrat. Si, dans une attestation que produit la requérante, l'institutrice avec laquelle elle a travaillé à compter du mois de septembre 2014 a relevé une certaine amélioration du comportement de MmeC..., il y est également mentionné que l'intéressée commettait des erreurs dans la préparation des classes, qu'elle utilisait son téléphone portable pendant les heures de classe et que sa manière de servir ne donnait toujours pas entière satisfaction. Si Mme C...produit des attestations d'autres institutrices qui lui sont favorables, ces personnes n'ont pas directement travaillé avec elle, à l'exception d'une seule en 2011, et n'ont, par suite, pas pu directement constater sa manière de servir en classe, notamment au cours de la période proche précédant la décision litigieuse. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de renouveler le contrat de Mme C...ne serait pas justifié par un motif tiré de l'intérêt du service.

12. En cinquième lieu et compte tenu notamment de ce qui a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait été prise en considération de l'appartenance religieuse de Mme C...et, par suite, en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983.

13. En sixième lieu et en tout état de cause, Mme C...ne peut utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant non-renouvellement de son contrat, qu'elle remplissait les conditions posées au II de l'article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984, qui prévoient sous certaines conditions, que la collectivité qui souhaite renouveler le contrat d'un agent ne peut lui proposer qu'un contrat à durée indéterminée.

14. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Wittenheim, Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision contestée.

Sur les frais exposés par la commune de Wittenheim devant le tribunal administratif :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

16. Alors notamment que Mme C...bénéficiait de l'aide juridictionnelle et justifie être dans une situation financière précaire, c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a, à l'article 2 de son jugement, fait droit aux conclusions présentées en première instance par la commune de Wittenheim sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Wittenheim, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme C...et son avocate sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. En outre et compte tenu de la situation économique de la partie condamnée, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Wittenheim présentées en première instance et en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...et à la commune de Wittenheim.

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N° 17NC03034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC03034
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : BRIGNATZ

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;17nc03034 ?
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