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23/07/2019 | FRANCE | N°17NC02298

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 17NC02298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 juin 2015 par lequel le maire de la commune de Mulhouse l'a licenciée pour inaptitude physique, d'annuler le courrier du 18 juin 2015 lui notifiant cet arrêté, d'enjoindre à l'administration de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière et de condamner la commune de Mulhouse à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1505015 du 21 juille

t 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 19 juin 2015, a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 juin 2015 par lequel le maire de la commune de Mulhouse l'a licenciée pour inaptitude physique, d'annuler le courrier du 18 juin 2015 lui notifiant cet arrêté, d'enjoindre à l'administration de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière et de condamner la commune de Mulhouse à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1505015 du 21 juillet 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 19 juin 2015, a enjoint à la commune de Mulhouse de procéder à la réintégration de Mme D...et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 13 avril 2018, la commune de Mulhouse, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juillet 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...D...devant les premiers juges ;

3°) de mettre à la charge de Mme D...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur l'avis rendu par le comité médical supérieur le 11 mai 2016, plusieurs mois après l'édiction de l'arrêté contesté, alors que la saisine de ce comité ne présente pas de caractère suspensif ;

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité compétente et est suffisamment motivé ;

- le licenciement pour inaptitude physique n'est pas subordonné à la consultation de la commission administrative paritaire ;

- l'arrêté contesté est fondé sur l'avis du comité médical du 25 mars 2015 indiquant que Mme D...est inapte à toutes fonctions ;

- l'administration n'avait pas à envisager le reclassement de Mme D...eu égard à la teneur de cet avis ;

- elle a néanmoins engagé des démarches afin de reclasser l'intéressée, lesquelles se sont révélées vaines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2017, Mme C...D..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Mulhouse en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne pouvait être licenciée avant que le comité médical supérieur ne se soit prononcé sur son recours ;

- le comité médical supérieur a estimé qu'elle n'était pas inapte à toutes fonctions ;

- l'administration n'a pas effectivement recherché la possibilité de la reclasser.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la commune de Mulhouse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...a été recrutée par la commune de Mulhouse en qualité d'adjoint technique à temps non complet à compter du 12 juin 2006 et a été titularisée dans ce grade le 1er juillet 2007. Par un arrêté du 19 juin 2015, le maire de la commune l'a licenciée pour inaptitude physique. La commune de Mulhouse relève appel du jugement du 21 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et lui a enjoint de procéder à la réintégration de Mme D....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 41 du décret du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet : " Le fonctionnaire qui est définitivement inapte physiquement à l'exercice de ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident de travail, de maladie professionnelle, de maternité, de paternité ou d'adoption ou de la période de disponibilité accordée au titre de l'article 40 ci-dessus et qui ne peut être reclassé en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé est licencié (...) ". Aux termes de l'article 42 du même décret : " (...) les procédures suivies (...) pour la saisine du comité médical supérieur sont celles prévues par la réglementation en vigueur pour les fonctionnaires titulaires à temps complet (...) ". Aux termes de l'article 5 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le comité médical supérieur institué auprès du ministre chargé de la santé par le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 susvisé peut être appelé, à la demande de l'autorité compétente ou du fonctionnaire concerné, à donner son avis sur les cas litigieux, qui doivent avoir été préalablement examinés en premier ressort par les comités médicaux ".

3. La légalité d'un acte administratif s'apprécie en fonction de la situation de droit et de fait existant au jour de son édiction. A cet égard, le juge administratif peut prendre en compte des documents établis postérieurement à cette décision dès lors qu'ils permettent d'apprécier cette situation à la date d'édiction de l'acte contesté.

4. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Mulhouse a prononcé le licenciement de Mme D...pour inaptitude physique, le 19 juin 2015, en se fondant sur l'avis rendu le 25 mars 2015 par le comité médical départemental, selon lequel l'intéressée est totalement et définitivement inapte à toutes fonctions.

5. MmeD..., qui souffre de douleurs lombaires chroniques et d'arthrose du genou droit incompatibles avec ses fonctions d'agent d'entretien, a contesté l'avis du comité médical du 25 mars 2015 en produisant un certificat médical de son médecin traitant du 27 mai 2015 indiquant qu'elle était en mesure d'exercer toute activité professionnelle ne nécessitant pas le port de charges lourdes et n'impliquant pas de solliciter fortement sa colonne vertébrale. Saisi à nouveau et se prononçant au vu d'une expertise médicale réalisée le 14 septembre 2015, le comité médical départemental a, le 18 novembre 2015, confirmé son avis du 25 mars précédent sur l'inaptitude définitive de Mme D.... Toutefois, le comité médical supérieur, appelé à donner son avis à la demande de l'intéressée, a estimé le 11 mai 2016, qu'elle n'était pas inapte de manière absolue et définitive à toutes fonctions et qu'un reclassement professionnel était nécessaire. Lorsqu'il est saisi, comme en l'espèce, de la contestation d'un avis du comité départemental, le comité médical supérieur doit statuer uniquement au vu du dossier qui lui est soumis, ainsi qu'il est prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du décret du 30 juillet 1987. Le comité médical supérieur s'est donc prononcé, notamment, au vu de l'expertise du 14 septembre 2015, réalisée moins de trois mois après l'édiction de l'arrêté contesté. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas soutenu par la commune de Mulhouse que l'état de santé de Mme D...aurait évolué entre l'intervention de cet arrêté et l'expertise précitée, ni même d'ailleurs entre le premier avis médical du 25 mars 2015 et l'expertise. Au demeurant, il ressort des termes mêmes de l'avis rendu par le comité médical supérieur que celui-ci a entendu infirmer les deux avis du comité départemental des 25 mars et 18 novembre 2015. Dans ces conditions, si Mme D... était inapte à ses fonctions à la date de l'arrêté contesté, elle ne peut être regardée, à cette même date, comme inapte à toutes fonctions.

6. En second lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. / L'autorité territoriale procède à cette affectation après avis du service de médecine professionnelle et de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé. Cette affectation est prononcée sur proposition du centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion lorsque la collectivité ou l'établissement y est affilié ". Aux termes de l'article 2 du même décret, dans sa version applicable : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Mulhouse a provisoirement affecté Mme D...dans un emploi administratif du 23 juin au 21 octobre 2014, dans la perspective d'un reclassement professionnel. Si l'administration soutient que les qualifications insuffisantes de l'intéressée n'ont pas permis une affectation définitive dans un poste compatible avec son état de santé, il n'est pas établi que les mesures de reclassement envisagées auraient été effectuées dans les conditions prévues par les dispositions précitées du décret du 30 septembre 1985 et que l'employeur aurait rempli ses obligations de reclassement au regard de ces dispositions. Dans ces conditions, il n'est pas plus établi que Mme D...ne pouvait faire l'objet d'un reclassement à la date de l'arrêté litigieux.

8. Il résulte de ce qui précède que le maire de la commune de Mulhouse ne pouvait légalement prononcer le licenciement de Mme D...pour inaptitude physique.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Mulhouse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 19 juin 2015 et lui a enjoint de procéder à la réintégration de MmeD....

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeD..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Mulhouse demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Mulhouse une somme de 1 500 euros à verser à MmeD... sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Mulhouse est rejetée.

Article 2 : La commune de Mulhouse versera à Mme D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Mulhouse et à Mme C...D....

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N° 17NC02298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02298
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Radiation des cadres - Inaptitude physique.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : CEREJA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;17nc02298 ?
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