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23/07/2019 | FRANCE | N°17NC02189

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 17NC02189


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre psychothérapique de Nancy (CPN) à lui payer, d'une part, la somme de 40 000 euros au titre des pertes de revenus qu'il estime avoir subies du fait de l'illégalité de son licenciement et, d'autre part, la somme de 1 600 euros par mois tant que le CPN ne l'aura pas intégralement rétabli dans ses droits et ne lui aura pas confié de nouveau patient.

Par un jugement n° 1601874 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Na

ncy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre psychothérapique de Nancy (CPN) à lui payer, d'une part, la somme de 40 000 euros au titre des pertes de revenus qu'il estime avoir subies du fait de l'illégalité de son licenciement et, d'autre part, la somme de 1 600 euros par mois tant que le CPN ne l'aura pas intégralement rétabli dans ses droits et ne lui aura pas confié de nouveau patient.

Par un jugement n° 1601874 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre 2017 et le 11 juin 2019, M. E... C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 6 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 19 avril 2016 par laquelle le directeur du centre psychothérapique de Nancy (CPN) a rejeté sa demande indemnitaire ;

3°) de condamner le CPN à lui payer la somme de 51 200 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;

4°) de mettre à la charge du CPN la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le CPN a commis une faute en ne lui confiant pas de patient ; il n'est pas établi qu'aucun autre patient n'aurait pu lui être confié ;

- il n'y avait pas lieu de distinguer les pathologies des patients susceptibles d'être accueillis en accueil familial thérapeutique en l'absence d'une telle distinction dans son contrat d'accueil ; le tribunal a commis une erreur d'interprétation du règlement du CPN applicable à la date de la conclusion de son contrat ;

- l'annulation de la décision du 13 juin 2014 a entraîné sa réintégration ;

- il a subi une perte de salaires ; son préjudice mensuel net s'élève à la somme de 1 600 euros, soit jusqu'à son nouveau licenciement une somme globale de 51 200 euros.

Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2017, le centre psychothérapique de Nancy (CPN), représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la baisse d'activité est établie au cours de la période de 2013 à 2014 ;

- le règlement intérieur lui permet de choisir l'affectation du patient selon des critères médicaux et après avoir effectué un bilan bénéfice/risque.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 1er octobre 1990 relatif à l'organisation et au fonctionnement des services d'accueil familial thérapeutique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a conclu avec le centre psychothérapique de Nancy (CPN) un contrat à durée déterminée de six mois à compter du 9 janvier 2009, renouvelé une fois, pour occuper un emploi de personne responsable d'un accueil familial thérapeutique. A compter du 22 mars 2010, il a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée. A la suite d'un conflit avec le père du patient qui lui était confié, le CPN a retiré ce patient et a informé M.C..., par un courrier du 26 mai 2014, de l'impossibilité de lui confier un autre patient. Par une décision du 13 juin 2014, le CPN a prononcé le licenciement de M.C.... Par un jugement du 18 février 2016, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision pour des motifs tirés de l'incompétence de son signataire et de l'insuffisance de motivation en droit et a enjoint au CPN de réexaminer la situation de M.C.... A l'issue de cet examen, le directeur du CPN a informé l'intéressé qu'il n'était pas en mesure de lui confier des patients dont le profil était compatible avec l'accueil familial thérapeutique et lui a proposé, pour la période du 18 août 2014 au 29 février 2016, le versement d'une " indemnité d'attente " de 4 560,19 euros. Par une décision du 27 juillet 2016, le directeur du CPN a, de nouveau, prononcé le licenciement de l'intéressé avec effet au 30 septembre 2016. Par un jugement du 7 juillet 2017, dont M. C... fait appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande tendant à la condamnation du CPN à l'indemniser du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.

3. M. C...soutient qu'en prononçant illégalement son licenciement par la décision du 13 juin 2014 et en ne lui confiant pas de patient entre la date d'effet de son éviction, soit le 20 juin 2014, et la nouvelle décision de licenciement prise le 27 juillet 2016, le CPN a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Il fait valoir à cet égard, d'une part, que le CPN ne pouvait pas déterminer les patients à lui confier en tenant compte de leur pathologie dès lors que son contrat de travail ne comportait pas une telle distinction et, d'autre part que le CPN n'établit pas qu'au cours de la période en cause aucun patient n'aurait pu lui être confié.

4. En premier lieu, s'il est vrai que ni le contrat de travail de M.C..., ni l'arrêté du 1er octobre 1990 relatif à l'organisation et au fonctionnement des services d'accueil familial thérapeutique n'opèrent de distinction entre les patients à placer en accueil familial thérapeutique selon la pathologie dont ils souffrent, le contrat de l'intéressé renvoie au règlement intérieur de l'établissement. A cet égard, l'article 1er du règlement intérieur du centre psychothérapique, dont la version en vigueur au 13 juin 2014 s'impose compte tenu de son caractère règlementaire à M.C..., mentionne que les patients susceptibles de bénéficier d'un accueil familial thérapeutique sont ceux " dont l'état clinique est stabilisé, ne présentant pas ou plus de troubles du comportement de type auto ou hétéro-agressivité ". En outre, il est de l'intérêt tant des accueillants que des patients que le CPN puisse déterminer l'affectation de ces derniers dans une famille en prenant en considération la gravité de leur pathologie ainsi que les aptitudes de l'accueillant. Or, il n'est pas contesté qu'à la suite de difficultés que M. C... a rencontrées avec un patient au profil psychotique, il a été convenu de ne lui confier que des patients au profil dit " déficitaire ". Ainsi, le CPN n'a pas commis de faute en restreignant le placement dans la famille de M. C...aux seuls patients dont l'état peut être considéré comme " stabilisé ".

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment des documents produits par le CPN relatifs au nombre de patients pris en charge au cours de la période de 2014 à 2016, dont les données peuvent être prises en considération pour apprécier les besoins du service alors même qu'elles ont été établies par cet établissement, qu'à la date de la décision de licenciement du 13 juin 2014, le nombre de patients susceptibles d'être confiés à des familles d'accueil était en baisse au moins depuis le début de l'année 2014. Ces mêmes données établissent que sur la période postérieure au licenciement, le nombre de patients, quelles que soient leurs pathologies, susceptibles d'être placés en famille d'accueil a continué à diminuer tout comme d'ailleurs le nombre de journées d'accueil des patients présentant un profil compatible avec une prise en charge par une famille d'accueil.

6. S'agissant plus particulièrement des patients dont l'état est stabilisé, les éléments produits par le CPN montrent qu'ils sont passés entre 2014 et 2016 de 12 à 8, sans que leur nombre ait augmenté entre ces deux années. Si, selon les chiffres du ministère de la santé établis pour la France entière, le nombre de patients placés en famille d'accueil thérapeutique a cru entre 2013 et 2015, ces éléments ne suffisent pas à remettre en cause la baisse tendancielle du nombre de patients au sein du CPN, laquelle résulte notamment de la politique de l'établissement consistant à diminuer le nombre de lits d'hospitalisation et à privilégier, à partir de 2016, l'orientation des patients au profil " déficitaire " vers les maisons d'accueil spécialisées, d'une part, et de l'impossibilité d'affecter des patients auto ou hétéro-agressif en famille d'accueil pour des raisons de sécurité ainsi qu'il a été indiqué au point 4, d'autre part. La circonstance que le CPN oriente depuis 2016 les patients déficitaires en maison d'accueil spécialisé n'est pas de nature à établir qu'avant cette année, des patients auraient pu être placés chez le requérant. De même, il ne saurait être déduit du seul constat de la hausse ponctuelle entre janvier et juillet 2015 du nombre d'accueillants qu'au cours de la période en litige, le CPN aurait pu confier à M. C...des patients au profil correspond à ses capacités d'accueil.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'établit pas qu'à la date de son licenciement le 13 juin 2014, le CPN aurait pu lui confier des patients dont l'état de santé était stable et correspondait à ses capacités d'accueil. Ainsi, le CPN aurait pu prendre la même décision de licenciement le 13 juin 2014 dans le cadre d'une procédure régulière. Par conséquent, le préjudice financier dont le requérant se prévaut ne peut pas être regardé comme résultant des vices de procédure dont cette décision était entachée en l'absence de lien de causalité direct entre ces vices et les préjudices qu'il invoque. En outre, M. C... n'établit pas davantage, qu'au cours de la période de 2014 à 2016, il aurait perdu une chance sérieuse de se voir confier un patient dont l'état de santé était stable.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CPN, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...et au centre psychothérapique de Nancy.

N° 17NC02189 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02189
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP DUBOIS MARRION

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;17nc02189 ?
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