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18/06/2019 | FRANCE | N°18NC02893

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 18NC02893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 1803683 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enreg

istrés les 26 octobre 2018 et 20 décembre 2018, Mme D..., représentée par Me I... de la SELARL Bera...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.

Par un jugement n° 1803683 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 octobre 2018 et 20 décembre 2018, Mme D..., représentée par Me I... de la SELARL Berard - Jemoli - Santelli - I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 mai 2018 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- il n'est pas signé en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré du caractère incomplet de son dossier médical en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- ce jugement est entaché d'une erreur de fait compte tenu du caractère incomplet de son dossier médical au vu duquel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu son avis ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'avis rendu par ce collège devait mentionner le nom du médecin instructeur en vertu des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de l'arrêté du 11 mai 2018 :

- il a été pris par une autorité incompétente ;

- il est intervenu au terme d'une procédure irrégulière qui l'a privée d'une garantie, dès lors que l'absence de mention dans l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du nom du médecin instructeur ne permet pas de s'assurer que ce dernier n'a pas siégé au sein de ce collège en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le nom du médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas connu ;

- l'avis du 12 février 2018 du collège de médecins ne mentionne pas le nom de ce médecin ;

- il n'est pas établi que les signataires de cet avis avaient qualité pour siéger au sein du collège de médecins de sorte que cet avis a été rendu par un collège irrégulièrement composé ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation médicale ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation familiale ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté quant à sa situation personnelle ;

- en raison de ses troubles psychiatriques, elle a omis de faire remplir le volet psychiatrique de son dossier médical par l'un de ses médecins de sorte que c'est un dossier incomplet qui a été transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante russe née le 20 août 1962, est entrée en France le 4 septembre 2014, selon ses déclarations. Sa demande du 14 octobre 2014 tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugiée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 30 septembre 2015. A la suite de sa demande d'admission au séjour du 15 mars 2016, elle a bénéficié de la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étrangère malade, valable du 27 juin 2016 au 26 juin 2017. Le 16 mai 2017, Mme D...a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et par un arrêté du 11 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée. Mme D...fait appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué, figurant dans le dossier de première instance transmis à la cour, qu'elle comporte les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de ce que ces signatures en seraient absentes manque en fait et doit ainsi être écarté.

3. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation concernent le bien fondé et non la régularité du jugement.

4. En dernier lieu, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, Mme D...soutenait notamment que l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est prononcé sur la base d'un dossier incomplet. Le tribunal n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Il s'ensuit que le jugement est irrégulier et doit être annulé en tant seulement qu'il a rejeté la demande de Mme D...dirigée contre la décision de refus de titre de séjour du 11 mai 2018.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de la décision du préfet du Bas-Rhin du 11 mai 2018 refusant de lui délivrer un titre de séjour et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions de MmeD....

Sur la décision de refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme Nadia Idiri, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Bas-Rhin, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 20 octobre 2017, d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, alors qu'il n'est pas établi que M. Seguy, secrétaire général de la préfecture, n'aurait pas été absent ou empêché, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". La décision en litige faisant suite à une demande de Mme D...tendant au renouvellement de son titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

9. L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

10. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

11. Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions qui précèdent dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

12. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

13. En l'espèce, le préfet du Bas-Rhin a produit un courriel émanant de la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont il ressort que le rapport médical émis le 9 novembre 2017 sur l'état de santé de Mme D...a été établi par le docteur G...qui n'a pas siégé le 12 février 2018 au sein du collège de médecins qui a rendu l'avis prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté en litige aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière s'agissant du rapport médical doivent être écartés.

14. Par ailleurs, les docteursJ..., H...E...et C...F..., membres du collège de médecins et signataires de l'avis du 12 février 2018 ont été désignés par une décision n° 2017-25 du 17 janvier 2017 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur du 15 avril 2017 et par suite cet avis n'est pas davantage irrégulier au regard de la composition du collège.

15. En outre, si Mme D...soutient que le dossier transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration était incomplet en ce que n'y était pas mentionné qu'elle souffrait également de troubles psychiatriques, elle reconnaît elle-même que ce sont ses propres médecins qui ont omis de remplir le volet relatif à cette pathologie. Contrairement à ce qu'elle soutient, ce dossier n'était pas formellement incomplet et, dans ces conditions, l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'était pas tenu spontanément de prolonger son instruction en l'invitant à présenter des éléments relatifs à des pathologies qui ne lui étaient pas signalées. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'instruction par l'Office français de l'immigration et de l'intégration de sa demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étrangère malade doit être écarté.

16. Ensuite, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

17. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

18. Dans son avis du 12 février 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

19. Les certificats médicaux versés à l'instance par Mme D...concernant plus particulièrement la polyarthrite rhumatoïde dont elle est atteinte ainsi que la cardiopathie ischémique chronique et l'hypertension artérielle dont elle souffre ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet fondée sur l'avis émis par le collège des médecins. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 15 ci-dessus, l'absence d'avis émis sur ses troubles psychiatriques n'est pas imputable à l'administration, et, par suite, le préfet du Bas-Rhin a pu sans méconnaître les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressée sans prendre en compte les troubles psychiatriques dont elle a fait état postérieurement à ce refus.

20. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser sa situation. Dès lors que la demande de titre de séjour de Mme D...était fondée sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet n'a pas examiné son droit au séjour au titre des dispositions du 7° de cet article, la requérante ne peut soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu ces dernières dispositions.

21. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces versées à l'instance que Mme D...aurait informé le préfet à l'appui de sa demande de titre de séjour de la présence en France d'une soeur, Mme B...D..., ainsi que de neveux. Par suite, et alors que la requérante n'a sollicité qu'un titre de séjour en qualité d'étrangère malade, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de sa situation au regard de ses attaches familiales en France doit être écarté.

22. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

23. Il ressort des pièces du dossier que MmeD..., entrée en France à l'âge de cinquante-deux ans, est célibataire et sans enfant à charge. En outre, à supposer même établi le lien de parenté allégué avec Mme B...D...qui serait sa soeur, le rétablissement de cette relation est très récent à la date de la décision en litige alors que la requérante n'est pas dépourvue de toute attache notamment familiale en Fédération de Russie. Par suite, quand bien même Mme D...s'est vue reconnaître, à compter du 1er février 2017, la qualité de travailleuse handicapée correspondant à un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 %, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

24. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 19 et 23 ci-dessus, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à sa situation personnelle doit être écarté.

25. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le demandeur d'asile qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire jusqu'à la notification de la décision de l'office. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme D...a expressément renoncé à sa demande d'asile par un courrier du 9 novembre 2015 et n'est ainsi pas fondée à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait entaché sa décision d'erreur de droit en notifiant le refus de titre de séjour sans attendre la notification de la décision rejetant sa demande d'asile.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

26. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté.

27. En deuxième lieu, il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il serait renvoyé. Les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ne peuvent être utilement invoquées par la requérante à l'encontre des décisions contestées.

28. En troisième lieu, un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19 ci-dessus, et en l'absence de tout autre élément invoqué par MmeD..., le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

29. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 23 et 24 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions en litige quant à la situation personnelle de Mme D...doivent être écartés.

30. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, les conclusions de Mme D...tendant à l'annulation de la décision du préfet du Bas-Rhin du 11 mai 2018 refusant de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées et que, d'autre part, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 11 mai 2018 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle serait renvoyée. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme D...aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1803683 du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre la décision du préfet du Bas-Rhin du 11 mai 2018 refusant de délivrer à Mme D...un titre de séjour.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme D...devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de la décision du préfet du Bas-Rhin du 11 mai 2018 refusant de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Kolbert, président,

- M. Wallerich, président assesseur,

- M. Michel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

Le rapporteur,

Signé : A. MichelLe président,

Signé : E. Kolbert

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 18NC02893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02893
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : BURKATZKI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-18;18nc02893 ?
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