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18/06/2019 | FRANCE | N°18NC02208

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 18NC02208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1800005 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6

août 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1800005 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 août 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour de six mois l'autorisant à travailler à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 600 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre est entachée d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir mis en demeure M. A...de compléter son dossier " parent d'enfant malade ", en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2019, le préfet du Doubs demande à la cour, à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de M.A..., et à titre subsidiaire, de rejeter la requête.

Il soutient que :

- par un arrêté du 4 juin 2018, qui s'est substitué à l'arrêté contesté, il a rejeté la demande d'autorisation provisoire de séjour présentée par M.A..., de sorte que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A...sont devenues sans objet ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 10 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...A..., de nationalité kosovare, né le 13 janvier 1965, est entré irrégulièrement en France accompagné de ses deux enfants, en vue d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 3 juin 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 22 février 2017. M. A... a alors saisi le préfet du Doubs d'une demande de titre de séjour, le 21 avril 2017, sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de l'état de santé de son filsB..., né le 18 novembre 2006. Par un arrêté du 7 décembre 2017, le préfet du Doubs a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. A...relève appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2017.

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le préfet du Doubs :

2. Si le préfet du Doubs fait valoir qu'il a de nouveau refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., par un arrêté du 4 juin 2018, cette circonstance ne saurait priver d'objet la requête qui tend à l'annulation d'une décision antérieure portant refus de titre de séjour du 7 décembre 2017 et à laquelle cet arrêté ne s'est pas substitué. Par ailleurs, le préfet ne soutient ni même n'allègue avoir délivré un récépissé constatant le dépôt d'une nouvelle demande de titre de séjour par M. A...et par suite, il ne démontre pas qu'il aurait ainsi implicitement mais nécessairement abrogé l'arrêté du 7 décembre 2017 en tant que ce dernier oblige l'intéressé à quitter le territoire français et fixe le pays de destination. Dès lors, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par le préfet du Doubs doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 décembre 2017 :

3. En vertu de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du même code. Selon cet article, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur. " Enfin, l'article 3 du même arrêté dispose que le médecin de l'office établit un rapport médical au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent.

4. Il résulte de ces dispositions combinées que, dans le cas où le médecin de l'office chargé d'établir un rapport médical, sur la base duquel le collège de médecins de l'office doit rendre un avis destiné au préfet auquel a été adressée une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ou de parents d'étranger malade, n'est pas à même de se prononcer sur l'état de santé du demandeur, faute d'avoir reçu, de la part du médecin qui suit habituellement l'étranger ou du médecin praticien hospitalier, le certificat médical que celui-ci doit établir, il appartient au médecin de l'office d'en informer l'autorité préfectorale. Il incombe alors à cette dernière de porter cet élément, qui fait obstacle à la poursuite de l'instruction de la demande de séjour, à la connaissance de l'étranger afin de le mettre à même soit d'obtenir de son médecin ou du praticien hospitalier initialement saisi qu'il accomplisse les diligences nécessaires soit, le cas échéant, de choisir un autre médecin ou praticien.

5. Si la demande de titre de séjour de M. A...a été rejetée au motif que le collège de médecins de l'office n'avait pas été destinataire d'éléments médicaux concernant le jeuneB..., le préfet du Doubs n'établit pas avoir mis M. A... en mesure d'accomplir les diligences nécessaires pour qu'il complète son dossier. En l'absence de justification de la réception par l'intéressé d'un courrier ayant cet objet, le préfet ne pouvait légalement retenir le motif tiré du caractère incomplet de son dossier pour lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité ni, par suite, l'obliger à quitter le territoire français et fixer le pays de destination.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 7 décembre 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ". L'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

9. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt.

Sur les frais d'instance :

10. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, et sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me C...de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800005 du tribunal administratif de Besançon du 29 mars 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Doubs du 7 décembre 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 500 euros, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Kolbert, président,

- M. Wallerich, président assesseur,

- M. Di Candia, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

Le rapporteur,

Signé : O. Di CandiaLe président,

Signé : E. Kolbert

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 18NC02208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02208
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-18;18nc02208 ?
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