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18/06/2019 | FRANCE | N°18NC02066

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 18NC02066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1702382 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 23 juillet 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1702382 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 25 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision de refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège des médecins de l'OFII ne comporte pas leurs signatures visibles et que le préfet ne justifie pas que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration chargé d'établir un rapport était compétent pour rendre un avis sur sa situation ;

- l'avis du collège de médecins est irrégulier, faute de précisions sur la nécessité de prise en charge de l'intéressé, sur les conséquences d'un défaut d'une telle prise en charge, sur l'existence d'un traitement approprié et disponible dans le pays d'origine et sur la durée prévisible du traitement ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et médicale ;

- le préfet méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'une erreur de droit au regard de la circulaire ministérielle du 12 mai 2008 et des instructions ministérielles des 11 mai 2008 et 10 mars 2014 en estimant qu'il ne faisait état d'aucune circonstance exceptionnelle au regard de sa faible durée de séjour ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas été invité à faire valoir ses observations préalablement à la mesure d'éloignement prise à son encontre, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque ;

- en prenant la décision portant obligation de quitter le territoire, le préfet n'a pas examiné sa situation ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2018, le préfet de la Marne demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant russe né le 9 mars 1960, est entré irrégulièrement en France le 26 septembre 2011, accompagné de son épouse et de leur fille afin d'y solliciter l'asile. Après le rejet de cette demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 23 janvier 2012, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 28 février 2013, le préfet de la Marne a pris à son encontre, le 5 avril 2013, un arrêté portant refus de titre de séjour et assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Par arrêté du 30 mai 2016, il lui a refusé la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de salarié, et lui a, une nouvelle fois, fait obligation de quitter le territoire français. Le 6 avril 2017, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, cette fois sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 septembre 2017, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. B...relève appel du jugement n° 1702382 du 3 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Enfin, selon l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

3. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'office, la combinaison de ces dispositions exige toutefois que le médecin de l'office chargé d'établir le rapport médical relatif à l'état de santé de l'intéressé préalablement à l'avis rendu par le collège de médecins, ne siège pas au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège des médecins de l'OFII et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

4. En l'espèce, le préfet de la Marne, auquel ne pouvait directement être communiqué le rapport sur l'état de santé de M.B..., destiné au seul collège de médecins de l'OFII, n'a cependant produit, en dépit de la demande qui lui a été adressée en ce sens par le greffe de la cour, aucun élément de nature à établir que ce rapport a été rédigé par un médecin qui n'était pas membre du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a émis, le 11 août 2017, l'avis prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, et ainsi que le soutient M. B..., le refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposé doit être regardé comme entaché d'un vice de procédure qui, en l'espèce, l'a privé d'une garantie.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". L'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

8. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation. Il y a lieu, dans ces conditions, d'enjoindre au préfet de la Marne de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais de l'instance :

9. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, qui est partie perdante, le paiement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 avril 2018 et l'arrêté du préfet de la Marne du 25 septembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Kolbert, président,

- M. Wallerich, président assesseur,

- M. Di Candia, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

Le rapporteur,

Signé : O. Di CandiaLe président,

Signé : E. Kolbert

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 18NC02066


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 18/06/2019
Date de l'import : 25/06/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18NC02066
Numéro NOR : CETATEXT000038657005 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-18;18nc02066 ?
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