La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2019 | FRANCE | N°18NC02955

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 03 juin 2019, 18NC02955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 26 août 2017 par laquelle le préfet du Doubs a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800026, 1800537 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Besançon a pro

noncé un non-lieu à statuer sur la demande en annulation dirigée contre la décision du 26...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 26 août 2017 par laquelle le préfet du Doubs a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800026, 1800537 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Besançon a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande en annulation dirigée contre la décision du 26 août 2017 et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2018, M. B...C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2018 en tant que le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté du 6 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et un certificat de résident " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- étant présent en France depuis plus de dix ans, le défaut de saisine de la commission du titre de séjour entache d'irrégularité la procédure ;

- eu égard à sa présence continue en France depuis plus de dix ans, le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de droit au regard de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ; les éléments qu'il apporte au titre de l'année 2012 sont suffisants ;

- le préfet ne l'a jamais invité à compléter son dossier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2019, le préfet du Doubs conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire à son rejet comme non fondée.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 27 septembre 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., né en 1970 et de nationalité algérienne, est entré régulièrement en France le 21 mars 2005 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 14 octobre 2004 au 11 avril 2015. Le 25 avril 2017, M. C...a déposé une demande de titre de séjour en se prévalant de sa présence en France depuis plus de dix ans. Par arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. C...relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 6 mars 2018.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Doubs :

2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ". Aux termes de l'article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...)c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission (...) ".

3. Lorsque le délai de recours contentieux devant un tribunal administratif est interrompu par une demande d'aide juridictionnelle, ce délai recommence donc à courir selon les modalités prévues à l'article 38 du décret du 19 décembre 1991. En cas de décision d'admission ou de rejet du bureau d'aide juridictionnelle, le délai recommence à courir le jour où cette décision devient définitive, c'est-à-dire le jour où il n'est plus possible d'exercer contre elle l'un des recours prévus à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 dans les délais prévus à l'article 56 du décret du 19 décembre 1991 ou, si un tel recours est exercé, le jour où il est statué sur ce recours. Cependant, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle et si la désignation de l'auxiliaire de justice intervient postérieurement au jour où la décision statuant sur la demande d'aide juridictionnelle devient définitive, le délai de recours contentieux ne recommence à courir que le jour le jour où l'auxiliaire de justice est désigné. Il ressort des pièces du dossier que le jugement litigieux, en tant qu'il a rejeté les conclusions visant à obtenir l'annulation par de l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de délivrer un titre de séjour à M.C..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, a été notifié au requérant le 8 juin 2018. En vertu des dispositions précitées, celui-ci disposait d'un délai d'un mois pour former appel de ce jugement ou déposer une demande d'aide juridictionnelle. Il ressort des mentions de la décision du 27 septembre 2018, par la quelle le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy a octroyé à M. C...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, que le requérant avait déposé une telle demande dès le 19 juin 2018, soit dans le délai requis. Il ressort des pièces du dossier que cette décision a été notifiée à M. C... le 6 octobre 2018. Par suite, sa requête, enregistrée le 2 novembre 2018, n'est, en tout état de cause, pas tardive. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Doubs doit être écartée.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".

5. M.C..., qui est entré en France le 21 mars 2005, soutient y vivre depuis cette date. Par arrêté du 6 mars 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un certificat de résidence au motif qu'il n'établissait pas résider en France depuis plus de dix ans, notamment eu égard à l'insuffisance de justificatifs pour les années 2012, 2013 et 2014. Il ressort des pièces du dossier que M. C...établit sa présence en France au cours des années 2005 à 2011, et 2015 à 2018. S'agissant des années 2012, 2013 et 2014, si les pièces produites en première instance ne permettaient pas de justifier d'une présence continue sur le territoire français, les pièces justificatives produites en appel concernant les mois de mai à novembre 2012, de février à octobre 2012 et d'avril à décembre 2014, constituées notamment de courriers de la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, de nombreuses prescriptions médicales, d'un courrier de la banque populaire, d'un relevé bancaire, d'un courrier de l'hôpital Jean-Minjoz de Besançon relatif à une hospitalisation prévue le 6 novembre 2014, d'un relevé d'analyses de sang effectuées par un laboratoire de Besançon, démontrent qu'il résidait habituellement en France au cours de ces trois années. Dans ces conditions, M.C..., qui justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, est dès lors fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande de titre de séjour, le préfet du Doubs a méconnu les stipulations précitées du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M.C..., que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2018.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 5 et en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait intervenues depuis l'édiction de l'arrêté contesté du 6 mars 2018, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance, au profit de M. C..., du titre de séjour qu'il sollicitait. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer au requérant, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et, dans cette attente, de mettre l'intéressé en possession d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, Me A..., son avocat, peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A...de la somme demandée de 1 500 euros, sous réserve que ce mandataire renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 5 juin 2018 et l'arrêté du 6 mars 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M.C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et, dans cette attente, de mettre l'intéressé en possession d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me A...une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 18NC02955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02955
Date de la décision : 03/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-03;18nc02955 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award