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28/05/2019 | FRANCE | N°18NC02898

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 18NC02898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2018 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et demi.

Par un jugement n° 1802569 du 26 septembre 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administ

ratif de Nancy a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2018 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et demi.

Par un jugement n° 1802569 du 26 septembre 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de la situation de M. A...dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est suffisamment motivée ;

- il a procédé à un examen de la situation personnelle de M.A... ;

- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- lors de son audition, M. A...n'a pas fait état d'éléments concernant son état de santé ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle n'est pas illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle a été prise par une autorité compétente ;

- elle ne méconnaît pas le principe du droit d'être entendu ;

- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir ;

- elle ne méconnaît pas les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement n° 1091/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant albanais né le 4 août 1981, est entré en France le 11 novembre 2013, accompagné de son épouse, selon ses déclarations. Sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 11 mai 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle n'a pas été exécutée. M. A...s'est ensuite vu refuser, le 27 janvier 2016, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et par un arrêt du 3 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé le jugement du 8 mars 2016 rejetant la demande d'annulation qu'il avait dirigée contre cette décision. Par un arrêté du 18 septembre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans et demi. Par un jugement du 26 septembre 2018, dont le préfet de Meurthe-et-Moselle fait appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy, statuant dans le cadre des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal :

2. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français du 18 septembre 2018 en litige, après avoir notamment visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont l'article L. 511-1 de ce code, indique de manière précise et détaillée le parcours de M. A...et fait plus particulièrement état de ses demandes d'admission au séjour et des refus qui lui ont été opposés par le préfet. Cette décision indique également que M. A...n'établit pas être dépourvu d'attache en Albanie où vivent des parents, son frère et une de ses soeurs, qu'il réside en France depuis quatre ans et demi et que la cellule familiale peut se reconstituer hors de France avec sa compagne qui réside également irrégulièrement sur le territoire français. Par ailleurs, s'il ressort du procès-verbal d'audition de M. A...du 18 septembre 2018 que l'intéressé a indiqué être marié et avoir deux enfants de huit et onze ans, il n'a pas fait état à cette occasion d'éléments particuliers concernant ces derniers et n'a pas davantage invoqué son état de santé. Le seul accusé de réception présenté par M. A...ne permet pas d'établir le contenu du courrier qu'il aurait adressé au préfet dont la copie n'est pas produite à l'instance et ne démontre pas, en particulier, qu'il s'agissait d'une demande de titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale dont la réalité est contestée par le préfet de Meurthe-et-Moselle. Ce dernier ne peut, dans ces conditions, et nonobstant l'absence de mention à la convention internationale relative aux droits de l'enfant dans sa décision, être regardé comme n'ayant pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. A... avant de prononcer à son encontre l'obligation de quitter le territoire français contestée.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que l'épouse de M. A... se trouve, depuis qu'elle a fait l'objet le 11 avril 2015 d'un arrêté, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et que le tribunal administratif de Nancy a refusé par un jugement du 8 mars 2016, d'annuler cette décision, en situation irrégulière sur le territoire français. Par ailleurs, ainsi qu'il a été exposé au point 2 ci-dessus, M. A...n'établit pas avoir déposé une demande de titre de séjour préalablement au prononcé de la décision en litige. En outre, si M. A...réside en France depuis près de cinq ans à la date de la décision contestée, il ne justifie pas d'une insertion particulière sur le territoire français et n'établit pas qu'il ne pourrait pas, avec son épouse et leurs deux enfants mineurs, qui ont vocation à les accompagner, poursuivre une vie privée et familiale normale en Albanie où il n'est d'ailleurs pas dépourvu de toute attache notamment familiale. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A..., garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'obligation de quitter le territoire français a été prise.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy s'est fondé, pour annuler l'obligation de quitter le territoire français contestée par M.A..., sur les moyens tirés du défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A....

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, la décision en litige a été signée par M. D...C.... Par un arrêté du 30 août 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle le même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. D...C..., directeur de la citoyenneté et de l'action locale à la préfecture, à l'effet de signer dans le cadre des attributions de la direction les décisions relevant notamment de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

8. En deuxième lieu, ainsi qu'il ressort des éléments exposés au point 2 ci-dessus, la décision en litige comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ". Aux termes de l'article R. 511-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour au titre de l'état de santé, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'information suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code, doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, saisir l'autorité médicale mentionnée à l'article R. 511-1 de ce code.

10. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du procès verbal d'audition établi le 18 septembre 2018 par les services de police que M. A..., mis en mesure de présenter ses observations, n'a fait état d'aucun élément relatif à son état de santé. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle, en décidant de l'obliger à quitter le territoire français sans avoir préalablement recueilli l'avis de l'autorité médicale mentionnée à l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 de ce code.

11. En outre, M. A...n'établit pas par les pièces versées à l'instance que le défaut de prise en charge de son état de santé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et, au surplus, ne démontre pas davantage que, eu égard aux caractéristiques et à l'offre de soins en Albanie, il ne pourrait pas bénéficier effectivement dans ce pays d'un traitement approprié à sa pathologie. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. Si les deux enfants mineurs de M.A..., nés le 26 juin 2007 et le 7 mai 2010, sont scolarisés en France, le requérant n'établit pas que ces derniers, qui ont vocation à accompagner leurs parents, ne pourraient pas poursuivre une vie privée et familiale normale en Albanie. Par suite, le moyen tiré de ce que l'intérêt supérieur de ces enfants n'aurait pas été suffisamment pris en compte doit être écarté.

14. En cinquième lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des orientations générales dont M. A... ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir.

15. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 est inopérant à l'appui de la contestation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision du même jour par laquelle le préfet a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

17. En deuxième, lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. Si M. A...soutient qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Albanie, il n'établit pas par les pièces versées à l'instance le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués en cas de retour dans ce pays. Par suite, et alors au demeurant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande au titre de l'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision du même jour par laquelle le préfet a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans et demi.

21. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

22. La décision contestée, après avoir visé le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. A...a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 11 mai 2015 et que sa présence du fait de son maintien irrégulier sur le territoire français trouble l'ordre public. Elle ajoute qu'il n'établit pas être dépourvu d'attache en Albanie où résident des parents, son frère et une de ses soeurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans, qu'il séjourne en France depuis quatre ans et demi mais que la cellule familiale peut se reconstituer hors de France avec sa compagne qui est également en situation irrégulière en France. Elle en déduit que, compte tenu de ces circonstances, la durée de l'interdiction de retour de deux ans et demi ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé de mener une vie privée et familiale. La décision litigieuse indique ainsi de façon suffisamment précise les éléments de la situation personnelle de M. A...que le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris en considération pour fixer la durée de l'interdiction de retour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

23. En troisième lieu, aucune disposition ne faisait obligation au préfet de préciser les raisons pour lesquelles il n'a pas fait application des dispositions précitées du deuxième alinéa du III du L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait fait état, devant les services de police ou l'autorité préfectorale, de circonstances humanitaires au sens de ces dispositions. M. A... n'apporte ainsi aucun élément probant justifiant de ce qu'il encourt des risques pour sa vie et sa sécurité, actuels et personnels, en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort pas davantage du procès-verbal d'audition du 18 septembre 2018 que son état de santé aurait constitué un obstacle à une interdiction de retour alors enfin que ni la durée de sa présence en France, ni la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé ni la scolarisation de ses enfants ne suffisent à établir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant une telle mesure.

24. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2, 4, 13 et 23 ci-dessus, et quand bien même la présence en France de M. A...ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait, au regard de sa situation personnelle, fait une inexacte application des dispositions précitées en décidant de lui interdire de revenir sur le territoire français pendant deux ans et demi doit être écarté.

25. Aux termes de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois (...), pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c), d) et e) (...) ". Aux termes de l'article 96 de cette convention : " 1. Les données relatives aux étrangers qui sont signalés aux fins de non-admission sont intégrées sur la base d'un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes. 2. Les décisions peuvent être fondées sur la menace pour l'ordre public ou la sécurité et la sûreté nationales que peut constituer la présence d'un étranger sur le territoire national (....) 3. Les décisions peuvent être également fondées sur le fait que l'étranger a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, de renvoi ou d'expulsion non rapportée ni suspendue comportant ou assortie d'une interdiction d'entrée, ou, le cas échéant, de séjour, fondée sur le non-respect des réglementations nationales relatives à l'entrée ou au séjour des étrangers ".

26. Si l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen garantit la libre circulation des étrangers non soumis à l'obligation de visa sur le territoire des parties contractantes, ce principe n'est pas inconditionnel. En particulier, il ne fait pas obstacle à ce qu'un Etat signataire de cette convention prononce, à l'égard d'un étranger qui n'a pas respecté les obligations auxquelles il est soumis pour pouvoir entrer et séjourner pendant une durée maximale de trois mois au sein de l'espace Schengen, une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour et d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Dans ces conditions, le préfet ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au principe de libre circulation dans l'espace Schengen dont se prévaut M.A..., alors d'ailleurs que le requérant ne justifie pas par les pièces versées à l'instance être titulaire d'un passeport biométrique en cours de validité.

27. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 13 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

28. Il résulte de tout ce qui précède, et alors que M. A...n'a soulevé aucun moyen à l'appui de sa demande d'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 18 septembre 2018.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1802569 du 26 septembre 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 18NC02898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02898
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-28;18nc02898 ?
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