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14/05/2019 | FRANCE | N°18NC01828-19NC00111

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 mai 2019, 18NC01828-19NC00111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision d'affectation prise le 7 février 2017 par le directeur général du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy.

Par un jugement no 1700586 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision du 7 février 2017 et a enjoint au centre hospitalier régional universitaire de Nancy de proposer à M. D...une affectation correspondant à son grade et à son statut de praticien hospitalier dans

le délai de trois mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision d'affectation prise le 7 février 2017 par le directeur général du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy.

Par un jugement no 1700586 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision du 7 février 2017 et a enjoint au centre hospitalier régional universitaire de Nancy de proposer à M. D...une affectation correspondant à son grade et à son statut de praticien hospitalier dans le délai de trois mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 25 juin 2018, sous le n° 18NC01828, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande de M.D....

Il soutient que :

- la décision de changement d'affectation constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ;

- l'intérêt du service justifie le changement d'affectation et est conforme au statut de praticien hospitalier ; c'est à tort que le tribunal a estimé que la situation de la maternité ne justifiait pas de nouvelles suppressions de postes ;

- l'établissement hospitalier ne comporte pas de commission administrative paritaire pour les praticiens ; quant à la commission paritaire régionale, elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les situations individuelles ;

- l'établissement hospitalier n'était pas tenu de mettre M. D...en mesure de consulter son dossier individuel dès lors que la décision contestée ne constitue pas une mesure disciplinaire, ni un déplacement d'office et n'est pas prise en considération de la personne ;

- en tout état de cause, M. D...n'a été privé d'aucune garantie et l'absence de consultation de son dossier n'a eu aucune influence sur la décision en litige ;

- la décision contestée ne s'oppose pas à l'exercice d'une activité libérale ;

- la décision contestée ne constitue pas une sanction déguisée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2018, M. C...D..., représenté par la SCP A...et Blindauer, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée porte atteinte à son statut et constitue une décision susceptible de faire l'objet d'un recours ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article R. 6152-2 du code de la santé publique dès lors qu'elle le prive de toute activité médicale de diagnostic et de traitement des patients ;

- elle n'est pas justifiée par l'intérêt du service ; aucun praticien hospitalier n'avait été affecté sur le poste en cause ;

- sa mutation n'est pas liée au plan de retour à l'équilibre de 2012 et 2013.

II. Par un courrier, enregistré le 14 août 2018, M. C...D...a demandé à la présidente de la cour de prendre les mesures que nécessite l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 avril 2018.

Par un mémoire, enregistré le 19 décembre 2018, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, représenté par MeB..., fait valoir que le jugement a été entièrement exécuté et conclut au rejet de la demande.

Par un courrier du 9 janvier 2019, M. D...maintient sa demande d'exécution.

Par une ordonnance du 16 janvier 2019, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande de M. D...tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 avril 2018.

Par des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2019 et le 19 février 2019, sous le n° 19NC00111, M. C...D...maintient sa demande d'exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 avril 2018.

Par des mémoires, enregistrés le 7 février 2019 et le 18 avril 2019, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, représenté par MeB..., conclut au rejet de la demande d'exécution.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M. D...et de Me B...pour le centre hospitalier régional universitaire de Nancy.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., gynécologue-obstétricien, a été nommé, par un arrêté du 1er juin 1992, en qualité de praticien hospitalier à la maternité régionale universitaire de Nancy, qui a fusionné, le 1er janvier 2014, avec le centre hospitalier régional universitaire de Nancy (CHRU). La pratique professionnelle de l'intéressé ayant été mise en cause par ses collègues, le directeur de l'établissement hospitalier l'a suspendu de ses fonctions, par une décision du 18 avril 2013, dans l'attente d'une décision du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière. Par une décision du 19 septembre 2014, le centre national de gestion a subordonné la reprise d'activité de l'intéressé au suivi d'une formation. A la suite de l'annulation de cette décision par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 janvier 2017, M. D...a demandé sa réintégration dans son poste. Par une décision du 7 février 2017, le CHRU de Nancy l'a affecté dans l'unité " dossier patient informatisé " relevant de la direction du système d'information territorial. Par un jugement du 26 avril 2018, dont le CHRU fait appel, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision et enjoint à l'établissement hospitalier de proposer à M. D...une affectation correspondant à son grade et à son statut de praticien hospitalier dans le délai de trois mois à compter de la notification de son jugement.

2. M.D..., qui estime que le CHRU de Nancy n'a pas pris les mesures ordonnées par le tribunal, a saisi la présidente de la cour d'une demande tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 avril 2018. Par une ordonnance du 16 janvier 2019, la présidente de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

3. Les requêtes nos 18NC01828 et 19NC00111, présentées respectivement par le CHRU de Nancy et par M. D...concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par le même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

4. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

5. Aux termes de l'article R. 6152-2 du code de la santé publique : " Les praticiens hospitaliers exercent leurs fonctions à temps plein. Ils assurent les actes médicaux de diagnostic, de traitement, de soins d'urgence dispensés par les établissements publics de santé et participent aux missions définies aux articles L. 6111-1 et L. 6112-1. / Ils participent aux tâches de gestion qu'impliquent leurs fonctions. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. D...exerçait ses fonctions de gynécologue-obstétricien dans le service de maternité régionale du CHRU de Nancy jusqu'à sa suspension par une décision du 18 avril 2013. Par la décision contestée, le CHRU de Nancy l'a affecté à temps plein dans l'unité " dossier du patient informatisé " à compter du 13 février 2017. Au sein de cette unité, l'intéressé doit assurer, à titre principal, l'adéquation du paramétrage du logiciel avec les besoins pratiques des équipes médicales du CHRU et, à titre complémentaire, en lien avec les équipes du pôle gynécologie-obstétrique et le département d'information médicale, des missions d'appui médical à la gestion des dossiers d'accouchements sous " X " et à la mise en oeuvre des tableaux de bord obstétriques et des indicateurs qui y sont associés. Ces nouvelles fonctions, exclusivement administratives et informatiques, ne correspondent pas à celles que le praticien hospitalier à principalement vocation à exercer en application des dispositions statutaires précitées. Si les dispositions de l'article R. 6152-4 du code de la santé publique prévoient une participation des praticiens hospitaliers aux tâches de gestion qu'impliquent leurs fonctions, celle-ci ne peut revêtir qu'un caractère accessoire. Ce changement d'affectation, qui entraîne une suppression totale des activités médicales de M.D..., porte ainsi une atteinte aux prérogatives qu'il tient de son statut. Il s'ensuit que la décision contestée ne constitue pas une simple mesure d'ordre intérieur mais une décision qui fait grief à M.D.... Ce dernier est donc recevable à en demander l'annulation.

En ce qui concerne la légalité du changement d'affectation du 7 février 2017 :

7. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 6 que M.D..., affecté à temps plein dans l'unité " dossier patient informatisé " est privé de l'accomplissement de tous actes médicaux de diagnostic, de traitement et de soins d'urgence. Le CHRU de Nancy justifie ce changement d'affectation, d'une part, par les besoins du service " dossier patient informatisé " et, d'autre part, par la nécessité, conformément aux préconisations du plan de retour à l'équilibre de 2012/2015, de supprimer des postes de gynécologue-obstétricien au sein de la maternité. Toutefois, il n'est pas contesté que le praticien que M. D...a remplacé au sein de l'unité " dossier patient informatisé " n'exerçait cette mission qu'à temps partiel. Quant aux médecins et pharmaciens affectés dans cette unité, ils n'y consacrent, à l'exception d'un seul, qu'un tiers de leur temps de service. En outre, en admettant, comme le soutient le CHRU, que la réorganisation du service impliquait toujours de supprimer des postes de gynécologue-obstétricien à la date de la décision contestée, l'établissement hospitalier n'apporte aucun élément de nature à établir, d'une part, l'intérêt du service justifiant d'affecter M. D...à temps plein, dans un emploi dépourvu de toute activité médicale et, d'autre part, l'absence, à la date à laquelle cette mesure a été prise, d'un autre poste correspondant au statut et aux compétences de l'intéressé. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient dans ses écritures le CHRU de Nancy, une telle affectation, eu égard aux missions qui sont désormais dévolues à M.D..., n'a pas pour effet de lui permettre de reprendre progressivement l'activité de gynécologue-obstétricien qu'il avait cessé d'exercer à la suite des mesures de suspension prises à son encontre. Dans ces conditions, la décision contestée est entachée d'illégalité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le CHRU de Nancy n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision de changement d'affectation du 7 février 2017.

Sur la demande d'exécution :

9. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution (...) / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ".

10. Le tribunal administratif de Nancy, en exécution de l'annulation de la décision du 7 février 2017 procédant à l'affectation de M. D...dans le service " dossier patient informatisé ", a enjoint au CHRU de Nancy de " proposer à M. D...une affectation sur un emploi correspondant à son grade et à son statut de praticien hospitalier ". Il est constant que, par une décision du 26 juillet 2018, le CHRU de Nancy a affecté l'intéressé sur le poste de médecin responsable de consultation gynécologique-santé sexuelle à compter du 26 juillet 2018. Il résulte de l'instruction que cet emploi correspond à ceux que les praticiens hospitaliers ont vocation à occuper. M. D...n'est donc pas fondé à soutenir que l'injonction prononcée par le jugement du 26 avril 2018 n'a pas été entièrement exécutée.

11. Si M. D...soutient que cet emploi ne lui permet pas d'exercer l'ensemble des activités qui étaient les siennes au sein du pôle de maternité en qualité de gynécologue-obstétricien antérieurement à sa suspension le 18 avril 2013, qu'il ne pourra plus effectuer de gardes et d'astreintes et, enfin, que ce poste ne nécessite pas une spécialisation en obstétrique, une telle contestation relève d'un litige distinct de l'exécution du jugement ordonnant son affectation dans un emploi correspondant à son statut de praticien hospitalier.

12. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. D...tendant à ce que la cour ordonne l'exécution complète du jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 avril 2018 doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance n° 18NC01828 :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du CHRU de Nancy le versement à M. D...de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du CHRU de Nancy enregistrée sous le n° 18NC01828 est rejetée.

Article 2 : La requête de M. D...tendant à l'exécution du jugement du 26 avril 2018 enregistrée sous le n° 19NC00111 est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au centre hospitalier régional universitaire de Nancy.

N° 18NC01828 ; 19NC00111 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01828-19NC00111
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : FIDERE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-14;18nc01828.19nc00111 ?
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