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14/05/2019 | FRANCE | N°18NC00978-18NC00979

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 mai 2019, 18NC00978-18NC00979


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...épouse C... et M. E...C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 25 octobre 2017 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer une attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français

leur encontre pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1705722 et 17057...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...épouse C... et M. E...C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 25 octobre 2017 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer une attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français à leur encontre pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1705722 et 1705723 du 22 décembre 2017, la vice-présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 mars 2018 sous le n° 18NC00978, Mme D... B...épouseC..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la vice-présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 22 décembre 2017 en ce qui la concerne ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 25 octobre 2017 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile en s'estimant à tort lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

- le préfet a commis une erreur de droit en lui refusant cette attestation alors que la décision de la cour nationale du droit d'asile ne lui avait pas encore été notifiée ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour lui refuser la délivrance de cette attestation de demande d'asile ;

- sa demande ne présentait pas de caractère dilatoire ;

- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à son éloignement ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle justifiait de faits nouveaux à l'appui de sa demande de réexamen au titre de l'asile et que la décision de l'OFPRA n'était pas définitive ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il a décidé son éloignement sans procéder à un examen de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est privée de base légale dès lors que les décisions refusant le droit au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français sont elles-mêmes illégales ;

- le préfet ne pouvait limiter le délai de départ volontaire à trente jours alors que sa demande de titre de séjour pour raison de santé était en cours d'instruction ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale dès lors que les décisions refusant le droit au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français sont elles-mêmes illégales ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est recevable à soulever le moyen tiré de ce que cette décision est illégale, par voie d'exception, à raison de l'illégalité dont l'arrêté du 7 avril 2017 est entaché d'illégalité ;

- cet arrêté du 7 avril 2017 est entaché d'une erreur de droit, d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, d'une violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un défaut d'examen ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur de droit.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête enregistrée le 26 mars 2018 sous le n° 18NC00979, M. D... C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la vice-présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 22 décembre 2017 en ce qui le concerne ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 25 octobre 2017 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soulève les mêmes moyens que ceux qui sont exposés dans la requête précitée, enregistrée sous le n° 18NC00978.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme et M. C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 20 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme et M.C..., ressortissants kosovars nés respectivement le 15 juillet 1990 et le 6 décembre 1987, déclarent être entrés sur le territoire français pour y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Le préfet du Bas-Rhin ayant relevé que Mme et M. C...avaient déjà présenté une demande d'asile au Luxembourg, il a saisi les autorités de ce pays en vue d'une reprise en charge qui a été acceptée le 6 octobre 2015. La procédure de transfert vers le Luxembourg n'ayant pu aboutir, la France est devenue l'Etat responsable des demandes d'asile des requérants. Celles-ci ont été rejetées, selon la procédure prioritaire, par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 juillet 2016, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 janvier 2017. Par deux arrêtés du 7 avril 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer une attestation de demande d'asile à Mme et M. C...et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Les requérants ont sollicité le réexamen de leur situation au regard du droit d'asile. Leurs demandes de réexamen ont été rejetées par des décisions de l'OFPRA du 22 juin 2017, confirmées par des décisions de la CNDA du 12 octobre 2017. Par deux arrêtés du 25 octobre 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer une attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, Mme et M. C...relèvent appel du jugement du 22 décembre 2017 par lequel la vice-présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme et M. C...soutenaient devant le tribunal administratif que les décisions refusant de leur délivrer une attestation de demande d'asile étaient entachées d'une erreur de droit au motif que le préfet du Bas-Rhin, qui n'était pas lié par les décisions de l'OFPRA, était en mesure d'apprécier leur situation au regard du droit d'asile. En relevant notamment que les demandes présentées par les requérants en vue du réexamen de leur situation au titre de l'asile avaient été définitivement rejetées par l'OFPRA, que les intéressés avaient en conséquence perdu le droit au séjour et qu'ils n'étaient pas fondés à soutenir que le préfet aurait omis de procéder à un examen complet de leur situation avant de leur refuser la délivrance d'une attestation de demande d'asile, le premier juge s'est prononcé sur leur moyen tiré d'une erreur de droit par une motivation qui n'est pas insuffisante.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité des décisions refusant la délivrance d'une attestation au titre de l'asile :

3. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code, dans sa version applicable : " Par dérogation à l'article L. 743-1 (...), le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement (...) ". Le 3° de l'article L. 723-11 prévoit que l'OFPRA peut prendre une décision d'irrecevabilité " en cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 723-16, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article ". Aux termes de l'article L. 723-16 : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. / L'office procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision. / (...) Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité ". Aux termes de l'article R. 723-19 du code précité : " I. - La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / (...) III. - La date de notification de la décision de l'office (...) qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

4. Il ressort des pièces des dossiers, notamment des éléments produits par le préfet du Bas-Rhin et issues du système d'information de l'OFPRA, que les décisions du 22 juin 2017 rejetant les demandes de réexamen de Mme et M. C...leur ont été notifiées le 1er août 2017. L'Office a rejeté ces demandes comme irrecevables sur le fondement du 3° de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, les requérants ont fait l'objet de mesures d'éloignement le 7 avril 2017 qui leur ont été notifiées le 25 avril suivant, date à laquelle les plis contenant ces décisions ont été présentés à leur domicile. A cet égard, les pièces qu'ils produisent à l'instance ne démontrent pas que ces plis n'auraient pas été présentés à leur domicile et que, n'ayant jamais été mis à même de les retirer auprès du service des postes, ils n'auraient pas eu connaissance des décisions d'éloignement prises à leur encontre. Il ressort des termes des décisions précitées du 22 juin 2017 que Mme et M. C...n'ont fait état devant l'OFPRA que de considérations d'ordre général sur la situation au Kosovo et d'allégations non établies voire dénuées de sérieux et de crédibilité sur les risques encourus en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, le préfet pouvait estimer que les demandes de réexamen présentées le 22 juin 2017, dans les jours suivants les décisions du 7 avril 2017 les obligeant à quitter le territoire français, visaient à faire échec à leur éloignement. Mme et M.C..., qui entraient dans les prévisions du 4° de l'article L. 743-2 du même code, avaient donc perdu le droit de se maintenir sur le territoire français lorsque le préfet a refusé de leur délivrer une attestation de demande d'asile, quand bien même qu'ils avaient fait appel des décisions de l'OFPRA devant la CNDA.

5. Si le préfet du Bas-Rhin a tiré les conséquences des décisions d'irrecevabilité rendues par l'OFPRA en refusant de délivrer une attestation de demande d'asile à Mme et M.C..., il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'il se serait estimé, à tort, en situation de compétence liée pour prendre une telle décision de refus.

En ce qui concerne la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que Mme et M.C..., dont les demandes de réexamen au titre de l'asile ont été rejetées par l'OFPRA le 22 juin 2017, ne bénéficient plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Bas-Rhin pouvait donc les obliger à quitter le territoire français en application du 6° du I de l'article L. 511-1 du même code. Les requérants ne démontrent pas que leurs demandes de réexamen, rejetées par l'OFPRA et, au demeurant, par la CNDA le 12 octobre 2017, ne visaient pas à faire échec aux précédentes mesures d'éloignement prises à leur encontre le 7 avril 2017. Il n'est pas établi que le préfet n'aurait pas procédé à un examen d'ensemble de leur situation. Par suite, Mme et M. C...ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions d'éloignement litigieuses sur leur situation.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Mme C...ne produit à l'instance aucun élément de nature à démontrer que son état de santé ferait obstacle à son éloignement. Elle n'est donc pas fondée à se prévaloir d'une prétendue méconnaissance des dispositions précitées.

9. En dernier lieu, si les requérants invoquent à l'encontre des mesures d'éloignement une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ils n'apportent pas à l'appui de leurs moyens les précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions refusant de leur délivrer une attestation de demande d'asile et leur faisant obligation de quitter le territoire français seraient illégales et devraient être annulées. Par suite, ils ne sont pas plus fondés à soutenir que les décisions fixant le délai de départ volontaire devraient être annulées par voie de conséquence de l'illégalité des premières décisions.

11. En second lieu, Mme C...ne démontre pas que la demande de titre de séjour qu'elle indique avoir présentée à raison de son état de santé justifierait un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions refusant de leur délivrer une attestation de demandes d'asile et leur faisant obligation de quitter le territoire français seraient illégales et devraient être annulées. Par suite, ils ne sont pas plus fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de renvoi devraient être annulées par voie de conséquence de l'illégalité des premières décisions.

13. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Mme et M. C...soutiennent faire l'objet de persécutions dans leur pays d'origine en renvoyant sur ce point à leurs déclarations devant l'OFPRA et la CNDA et aux documents produits à l'appui de leurs demandes de réexamen. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à établir la réalité des risques qu'ils disent encourir en cas de retour dans leur pays d'origine. Au demeurant, l'OFPRA et la CNDA ont rejeté tant leurs premières demandes d'asile que leurs demandes de réexamen au motif notamment que les faits allégués n'étaient pas établis. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées auraient été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :

15. En premier lieu, l'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou si celui-ci en constitue la base légale. Les décisions contestées interdisant à Mme et M. C...le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans n'ont pas été prises pour l'application des arrêtés du 7 avril 2017 les obligeant à quitter le territoire français. Ces mêmes arrêtés ne constituent pas la base légale des interdictions de retour prises à leur encontre le 25 octobre 2017. Au demeurant, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les arrêtés du 7 avril 2017 ont été notifiés aux requérants le 25 avril 2017 et, faute d'avoir été contestés dans le délai de recours contentieux, sont devenus définitifs. Mme et M. C...ne sauraient donc, en tout état de cause, exciper d'une prétendue illégalité des arrêtés du 7 avril 2017 à l'appui de leurs recours dirigés contre les décisions du 25 octobre 2017 portant interdiction de retour.

16. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

17. Les décisions contestées mentionnent que Mme et M. C...sont entrés irrégulièrement sur le territoire français en 2015, que leurs demandes d'asile ont été rejetées, qu'ils ont fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 7 avril 2017, que leurs demandes de réexamen au titre de l'asile ont été rejetées, que ces demandes présentent un caractère dilatoire et que les deux époux se trouvent dans la même situation. Il ressort ainsi des termes de ces décisions que le préfet du Bas-Rhin a fixé à deux ans l'interdiction de retour faite aux requérants après avoir pris en compte la durée de leur présence sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de leurs liens avec la France et la précédente mesure d'éloignement dont ils ont fait l'objet. En revanche, le préfet n'était pas tenu de préciser que les requérants ne présentent aucune menace pour l'ordre public. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des mesures d'interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.

18. En dernier lieu, si les requérants font état de leur présence en France depuis 2015, de la scolarisation de leur fille aînée, de la naissance de leur troisième enfant sur le territoire français, des activités sportives de M.C..., de leur participation à des cours de français et d'une promesse d'embauche, ces circonstances ne démontrent pas que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en leur interdisant le retour sur le territoire français pendant deux ans.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la vice-présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme et M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...épouse C..., à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 18NC00978 ; 18NC00979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00978-18NC00979
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-14;18nc00978.18nc00979 ?
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