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09/05/2019 | FRANCE | N°17NC02897

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 09 mai 2019, 17NC02897


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Cheret Groupe David a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 30 novembre des années 2011 et 2012, et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2013.

Par un juge

ment n° 1501133,1700400 du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Cheret Groupe David a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 30 novembre des années 2011 et 2012, et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2013.

Par un jugement n° 1501133,1700400 du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 1er décembre 2017 et 5 octobre 2018, la SAS Cheret Groupe David, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501133,1700400 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 octobre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 30 novembre des années 2011 et 2012, et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- par courrier du 16 août 2010, M. D. a informé l'administration de son intention de créer une nouvelle société ayant son siège social à Vouziers et un établissement secondaire à Sault-les-Rethel et lui a demandé si cette société pouvait bénéficier d'exonérations fiscales ; par courrier du 23 août 2010, l'administration lui a répondu qu'elle pouvait bénéficier d'une exonération d'impôt sur les sociétés, dès lors que son prédécesseur n'en avait pas bénéficié ;

- cette réponse ne fait aucune distinction entre l'établissement principal et l'établissement secondaire et elle est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; l'administration n'établit pas avoir joint une annexe, excluant l'établissement secondaire, du bénéfice de l'exonération à son courrier du 23 août 2010 ; le corps de ce courrier ne renvoie à aucune annexe ; si elle fait valoir que cette annexe était jointe à un courrier du 31 décembre 2012, sa réception est postérieure à la vérification de comptabilité ;

- selon les énonciations des paragraphes 360 à 380 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-SJ-RES-10-20-10, la garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales s'applique également en cas de taxation initiale d'un contribuable de bonne foi placé, conformément à une prise de position formelle de l'administration à la suite d'une demande écrite de sa part, hors du champ d'application de l'impôt et n'ayant en conséquence pas souscrit de déclaration ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2007-228 du 20 février 2007 fixant la liste des bassins d'emploi à redynamiser et les références statistiques utilisées pour la détermination de ces bassins d'emploi ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SAS Cheret Groupe David.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Cheret Groupe David a été créée le 16 août 2010 pour exercer une activité de commerce de gros de matériel agricole. Son siège est situé à Rethel (Ardennes) et elle dispose d'un établissement secondaire situé à Sault-les-Rethel (Ardennes). Elle s'est placée, sur le fondement de l'article 44 duodecies du code général des impôts, sous le régime d'exonération totale d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 novembre 2011 et 2012 et d'exonération partielle au titre de l'exercice clos en 2013. Elle a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité, respectivement du 10 octobre 2012 au 14 février 2013 et du 20 juillet au 20 août 2015, à l'issue desquelles l'administration a estimé qu'elle avait bénéficié à tort de cette exonération s'agissant de son établissement secondaire. Des cotisations d'impôt sur les sociétés ont en conséquence été mises en recouvrement les 22 juillet 2014 et 11 août 2016 au titre des années correspondant à ces trois exercices. La société requérante a formé deux réclamations à l'encontre de ces impositions. Sa réclamation relative au premier exercice litigieux ayant été rejetée le 30 mars 2015, elle a introduit une requête devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Sa seconde réclamation, relative aux exercices clos les 30 novembre 2012 et 2013, a été soumise d'office à ce tribunal par l'administration. Par un jugement rendu le 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les demandes de décharge présentées par la SAS Cheret Groupe David. La société requérante relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

2. Aux termes de l'article 44 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Les contribuables qui créent des activités entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2011 dans les bassins d'emploi à redynamiser définis au 3 bis de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire sont exonérés (...) d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans le bassin d'emploi et réalisés jusqu'au terme du quatre-vingt-troisième mois suivant le début d'activité dans le bassin d'emploi (...) Lorsque le contribuable n'exerce pas l'ensemble de son activité dans un bassin d'emploi à redynamiser, le bénéfice exonéré est déterminé en affectant le montant résultant du calcul ainsi effectué du rapport entre, d'une part, la somme des éléments d'imposition à la cotisation foncière des entreprises définis à l'article 1467 afférents à l'activité exercée dans un bassin d'emploi à redynamiser et relatifs à la période d'imposition des bénéfices et, d'autre part, la somme des éléments d'imposition à la cotisation foncière des entreprises du contribuable définis au même article pour ladite période (...) ". Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre, dans sa version applicable au présent litige : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

3. La SAS Cheret Groupe David soutient que, dans son courrier du 23 août 2010 adressé à M. D, qui envisageait alors la création de la société requérante, l'administration avait formellement admis qu'elle pouvait bénéficier de l'exonération instituée par l'article 44 duodecies du code général des impôts à raison de la totalité de ses bénéfices, y compris ceux réalisés par son établissement secondaire, et que cette prise de position lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

4. En premier lieu, il ressort des dispositions précitées que les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, que des appréciations antérieures à l'imposition primitive. Par suite, le moyen tiré de ce que les cotisations d'impôts sur les sociétés mises en recouvrement au titre des années 2011 et 2012, qui constituent des impositions primitives et non des impositions supplémentaires consécutives à un rehaussement, seraient contraires à une prise de position formelle qui serait contenue dans le courrier précité du 23 août 2010 ne peut, pour ce seul motif, qu'être écarté.

5. En second lieu, il ressort du contenu de la lettre précitée du 23 août 2010, et en particulier du paragraphe intitulé " conséquences vous concernant ", que l'administration n'a formellement pris position que sur la situation de fait du futur siège social de la SAS Cheret Groupe David, qui n'était alors pas constituée, au regard de la contribution économique territoriale. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme ayant formellement admis que l'établissement secondaire de la SAS Cheret Groupe David faisait partie d'un bassin d'emploi à redynamiser et que les bénéfices réalisés par cet établissement étaient éligibles au régime d'exonération prévu en matière d'impôt sur les sociétés. Par suite, le moyen de la SAS Cheret Groupe David fondé sur les dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

Sur les pénalités :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

7. La société requérante s'est placée sous le régime d'exonération prévu en matière d'impôt sur les sociétés pour la totalité de ses bénéfices réalisés au cours des deux premiers exercices litigieux et une partie du bénéfice réalisé au cours de l'exercice clos le 30 novembre 2013 au motif que l'administration aurait admis que son établissement secondaire était situé dans un bassin d'emploi à redynamiser et éligible par suite au régime de faveur prévu à l'article 44 Duodecies précité du code général des impôts. Toutefois, l'administration n'avait pris aucune position formelle en ce sens, ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5. En outre, elle lui avait fourni, en se référant dans son courrier du 23 aout 2010 au décret du 20 février 2007 et à l'instruction du 3 mai 2007 référencée 4 A-6-07, les éléments permettant de conclure à l'exclusion de la commune de Sault-les-Rethel de la liste des communes faisant partie des bassins d'emploi à redynamiser. Dès lors, l'administration doit être regardée comme démontrant la volonté de la SAS Cheret Groupe David d'éluder l'impôt et doit, par suite, être regardée comme établissant le bien-fondé de l'application des majorations de 40 % pour manquement délibéré.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Cheret Groupe David n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande de décharge des impositions et pénalités en litige. Par suite, ses conclusions à fin de décharge ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Cheret Groupe David est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Cheret Groupe David et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC02897


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02897
Date de la décision : 09/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-01-03-02 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Opposabilité des interprétations administratives (art. L. 80 A du livre des procédures fiscales). Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELARL NOMODOS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-09;17nc02897 ?
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