Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin a, d'une part, retiré la décision du 13 janvier 2015 par laquelle il avait autorisé son licenciement et, d'autre part, autorisé la société Baumert à le licencier.
Par un jugement n° 1503679 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2017, la société Baumert, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 mars 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Elle soutient que :
- elle s'en remet aux explications apportées par les services de l'inspection du travail s'agissant des moyens invoqués par M. C...en première instance et tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire et de l'incompétence de l'inspecteur du travail pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement en raison du caractère effectif de son licenciement ;
- elle s'en remet aux explications apportées par les services de l'inspection du travail s'agissant de l'erreur de droit commise par l'inspecteur du travail, qui n'aurait pas apprécié le motif économique au niveau du groupe ;
- elle justifie d'un motif économique réel et sérieux ;
- elle a satisfait à son obligation de reclassement.
Par des mémoires, enregistrés le 1er août 2017 et le 30 août 2017, M. A... C..., représenté par la SCP LBBa, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la société Baumert en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé ;
- l'inspecteur du travail n'a pas procédé à une nouvelle enquête contradictoire ;
- dès lors qu'il ne faisait plus partie des effectifs de la société, l'inspecteur du travail ne pouvait plus se prononcer sur la demande dont il était saisi ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit, faute pour l'inspecteur du travail d'avoir analysé la situation économique de la société au niveau du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
- l'inspecteur du travail ne pouvait légalement autoriser son licenciement dès lors que le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué par la société n'est pas établi ;
- l'inspecteur du travail ne pouvait légalement autoriser son licenciement dès lors que la société Baumert n'a pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement ;
- l'autorisation de licenciement ne pouvait être que rejetée compte tenu de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi présenté par la société.
Une mise en demeure a été adressée le 30 août 2017 à la ministre du travail.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Baumert, qui a son siège social à Schaerfferscheim, dans le Bas-Rhin, est spécialisée dans la fabrication de portes et de fenêtres en métal, principalement dans le domaine du nucléaire. Au mois d'avril 2014, elle a souhaité transférer l'activité de son établissement situé à Dreux vers un autre établissement du groupe auquel elle appartient situé aux Mureaux. Le 25 novembre 2014, elle a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. C..., dessinateur projeteur et, par ailleurs, délégué du personnel suppléant, à la suite du refus de ce dernier d'accepter la modification de son contrat de travail consistant à transférer son lieu de travail de Dreux aux Mureaux. Par une première décision du 13 janvier 2015, l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin a autorisé ce licenciement. Par une seconde décision du 5 mai 2015, l'inspecteur du travail a procédé au retrait de sa décision initiale et a, à nouveau, accordé l'autorisation de licencier M.C.... Par la présente requête, la société Baumert relève appel du jugement du 22 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette dernière décision.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.
3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa des dispositions alors applicables de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ". Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.
4. La société ne conteste pas que l'inspecteur du travail n'a pas examiné la réalité du motif économique au niveau du secteur d'activité dont elle relève au sein du groupe auquel elle appartient. Elle ne conteste ainsi pas que la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit comme l'a jugé le tribunal.
5. Par ailleurs, si la société invoque les difficultés qu'elle rencontre en raison notamment de la diminution de la part de l'énergie nucléaire sur le marché de l'énergie en France et de l'absence de perspectives à court à terme à l'international, ces circonstances, en l'absence d'autres éléments apportés par la société, ne sont pas, à elles-seules, de nature à démontrer l'existence d'une véritable menace sur sa compétitivité. Au surplus, elle n'apporte aucun élément sur les autres entreprises du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité. Par suite, la société n'établit pas l'existence d'une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, seule de nature à justifier le motif économique allégué.
6. En deuxième lieu, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
7. En l'espèce, la circonstance que M. C... se soit vu proposer un poste de dessinateur projeteur sur le site des Mureaux ou de Schaeffersheim ainsi que deux postes d'ajusteurs offerts par une des sociétés du groupe et proposés à tous les salariés dont le licenciement était envisagé ne suffit pas, à elle-seule, à établir que la société aurait procédé à une recherche individuelle de reclassement au sein du groupe auquel elle appartient. A cet égard, si les postes de dessinateur projeteur proposés étaient des postes équivalents à celui occupé auparavant par le salarié, les propositions de reclassement dans ces postes ne dispensaient pas l'employeur d'effectuer d'autres recherches de reclassement. La société n'apporte, en outre, aucun élément quant aux recherches qu'elle a effectuées et à l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de proposer d'autres postes à M.C... alors que ce dernier faisait valoir en première instance, sans être sérieusement contredit et en produisant des offres d'emploi proposées sur le site internet d'autres sociétés du groupe, que plusieurs postes de dessinateurs projeteurs, qui auraient pu lui être proposés, existaient au sein de ces sociétés.
8. En troisième lieu, la société ne peut utilement contester le bien-fondé du jugement en faisant valoir que les moyens invoqués par M. C... en première instance et non retenus par le tribunal administratif pour annuler la décision litigeuse ne seraient pas fondés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Baumert n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin du 5 mai 2015.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Baumert une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Baumert est rejetée.
Article 2 : La société Baumert versera à M. C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Baumert, à la ministre du travail et à M. A... C....
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N° 17NC01280