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11/04/2019 | FRANCE | N°18NC01784

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 18NC01784


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800757 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2018, MmeC..

., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2018 du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800757 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2018, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2017 du préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande et s'est estimé être en situation de compétence liée ;

- les dispositions de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien ont été méconnues ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est irrégulière du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- le préfet s'est cru tenu d'édicter cette décision ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

- le préfet s'est cru lié par le délai d'un mois ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme C...n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les observations de MeA..., représentant MmeC....en France

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante algérienne née le 15 septembre 1962, est entrée en France, en dernier lieu, le 16 mai 2014, sous couvert d'un visa de court séjour valable du 25 juin 2013 au 24 juin 2014. Elle s'est maintenue sur le territoire français à l'expiration de son visa et a sollicité le 17 juillet 2017 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'ascendant à charge de sa fille de nationalité française. Par arrêté du 12 décembre 2017, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La requérante relève appel du jugement du 23 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Mme C...est venue en France rejoindre sa fille et son fils majeurs dans le contexte d'une situation personnelle et familiale très difficile. En effet, il ressort des pièces du dossier, notamment des livrets de famille produits par MmeC..., qu'elle a été abandonnée par son époux en Algérie en 1989, qui s'est marié avec une autre femme, et livrée à elle-même avec deux enfants à charge en bas âge alors qu'elle était enceinte de leur troisième enfant. Ses enfants et elle-même ont été pris en charge matériellement par son beau-père, résident régulier en France, qui leur a laissé la jouissance d'une partie de sa maison en Algérie, dans laquelle elle a cependant été contrainte de demeurer avec son époux, la nouvelle femme de ce dernier et les quatre enfants nés de cette union, subissant diverses brimades et humiliations. Son beau-père a d'ailleurs fait venir en France les deux plus jeunes enfants de Mme C...en 1998 par voie de kafala, afin de les soustraire à cette tension. Il est constant que la requérante, après avoir vainement tenté de rejoindre ses enfants en France dès 2013, réside aujourd'hui depuis trois ans et demi sur le territoire national, où elle est prise en charge financièrement par sa fille, qui dispose d'un logement de quatre pièces à Hayange (Moselle) et d'un contrat de travail à durée indéterminée au Luxembourg en qualité d'agent de sécurité. Cette dernière, qui a souffert de devoir quitter sa mère dès 1998 dans le contexte décrit ci-dessus, la prend en charge matériellement et financièrement. S'il est constant que Mme C... a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, où vit toujours son fils aîné, ce dernier réside avec sa famille dans la maison familiale occupée par l'époux de Mme C...et sa nouvelle famille. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le centre de la vie privée et familiale de la requérante se trouve désormais aux côtés de ses enfants demeurant....en France Elle est, par suite, fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la gravité de ses conséquences sur sa situation personnelle. Elle doit, dès lors, être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

3. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle, au regard du motif d'annulation retenu, de délivrer à Mme C...un certificat de résidence algérien dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à MmeC....en France

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800757 du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mai 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 décembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à Mme C...un certificat de résidence algérien dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 18NC01784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01784
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-04-11;18nc01784 ?
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