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11/04/2019 | FRANCE | N°18NC01753

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 18NC01753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801125 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2018, M.B..., rep

résenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mai 2018 du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801125 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2018, M.B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mai 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 2 février 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a omis de répondre à l'argument tiré de ce que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte pas le nom du médecin ayant établi le rapport médical, ne permettant pas de s'assurer que ce dernier n'a pas siégé dans le collège ; l'avis ne se prononce pas sur la possibilité d'un accès effectif aux soins dans le pays d'origine ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte pas le nom du médecin ayant établi le rapport médical ; il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, dès lors que l'avis du collège de médecins ne se prononce pas sur la possibilité d'un accès effectif aux soins dans le pays d'origine ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il ne peut bénéficier d'un accès effectif aux soins dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 11 septembre 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant arménien né le 5 mai 1982, est entré en France irrégulièrement, selon ses déclarations, le 27 juin 2014 pour solliciter l'octroi du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 avril 2015. Par arrêté du 3 juin 2015, le préfet du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français et l'a placé en rétention. M. B...a sollicité la demande d'un titre de séjour au regard de son état de santé et a bénéficié à ce titre d'une carte de séjour temporaire régulièrement renouvelée jusqu'au mois de mars 2017. Par arrêté du 2 février 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. B...demande l'annulation du jugement du 16 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".

3. Le préfet du Bas-Rhin qui pouvait, dans le respect du secret médical, obtenir auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'indication du nom du médecin, auteur du rapport médical sur l'état de santé de M.B..., n'a apporté au cours de l'instruction de l'affaire aucun élément permettant d'identifier ce médecin et, par suite, d'établir que celui-ci n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a, le 2 janvier 2018, émis l'avis au vu duquel a été pris le refus de titre de séjour opposé au requérant. Dans ces conditions, cette décision doit être regardée comme intervenue en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce vice de procédure ayant privé le requérant d'une garantie, M. B... est, par suite, fondé à soutenir, par un moyen nouveau en appel, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus. Il s'ensuit que la décision portant refus de titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens soulevés, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Il y a lieu, au regard du motif d'annulation retenu par le présent arrêt, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. B...dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée

7. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à Me Berry, avocate de M.B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801125 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

Article 4 : L'Etat versera à Me Berry, avocate de M.B..., une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 18NC01753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01753
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-04-11;18nc01753 ?
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