Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2010, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.
Par un jugement n° 1601209 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 22 novembre 2017 et 8 juin 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1601209 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 septembre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2010, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration n'établit pas qu'il exerçait une activité occulte de loueur de fonds et, par conséquent, l'administration ne pouvait mettre en oeuvre la procédure d'imposition d'office
- l'administration ne lui a adressé aucune mise en demeure de souscrire ses déclarations fiscales en qualité de loueur de fonds de commerce ;
- les impositions en litige sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été fait droit à sa demande d'entretien avec le conciliateur fiscal ;
- il n'y a pas d'opérations de commerce entre lui et la SARL B...Fabrication ;
- il exploitait à titre individuel un fonds de commerce de fabrication de constructions métalliques, métallerie et serrurerie ; il a été placé en redressement judiciaire ; sur recommandation du mandataire judiciaire, il a donné son fonds de commerce en location à la société à responsabilité limitée (SARL) B...Fabrication par contrat du 23 mai 1995 ; il n'a perçu aucun loyer, puisque ceux-ci ont été versés au mandataire judiciaire mais il a été imposé à raison de ces loyers ; il pensait que le contrat était résilié dès l'apurement en 2001 du plan de continuation ; l'absence de paiement des loyers par la SARL B...Fabrication a entraîné la résiliation du contrat conclu le 23 mai 1995 ;
- les loyers dus à compter du 19 avril 2010 par la SARL B...Donge Fabrications ont été versés à la SARL B...Fabrication ;
- le défaut d'encaissement des loyers n'est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la pénalité de 80 % n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un contrôle sur pièces effectué en 2011, l'administration fiscale a notamment estimé que M. B...avait exercé une activité occulte de loueur de fonds de commerce de 2008 à 2010 et a évalué d'office les bénéfices qu'il en a, selon elle, tirés. L'administration a mis à la charge de ce dernier des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008, 2009 et 2010 et un rappel de contributions sociales pour l'année 2010. M. B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la décharge de ces impositions. Par un jugement rendu le 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes. M. B...relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°". Aux termes de l'article L. 68 de ce livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce (...) ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par contrat du 23 mai 1995, prenant effet le 1er mai 1995, M. B...a donné son fonds de commerce de fabrication de constructions métalliques, métallerie et serrurerie en location-gérance à la société à responsabilité limitée (SARL) B...Fabrication jusqu'au 19 avril 2010. Par contrat du 8 mai 2010, le requérant a ensuite donné son fonds de commerce en location-gérance à la SARL B...Donge Fabrications jusqu'au 18 juillet 2011, la SARL B...Fabrication ayant également signé ce second contrat afin de donner son accord pour mettre fin à la location-gérance qui lui avait été consentie en 1995. Cette activité de location de fonds de commerce n'a fait l'objet d'aucune déclaration au centre de formalité des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. Dans ces conditions, M. B...ne peut utilement se borner à alléguer que, faute d'avoir perçu un loyer depuis 2001, il ne s'est livré à aucune activité occulte. Il est constant que le requérant n'avait pas déposé de déclaration annuelle de résultat des années 2008, 2009 et 2010 dans le délai légal Par suite, l'administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées que l'administration n'est pas tenue d'adresser la mise en demeure prévue au premier alinéa de l'article L 68 du livre des procédures fiscales à un contribuable qui ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. Il suit de là que le moyen tiré de ce que M. B...n'a pas été destinataire d'une mise en demeure de régulariser sa situation doit être écartée comme inopérant.
5. En troisième lieu, la faculté offerte au contribuable de s'adresser au conciliateur départemental, qui n'est prévue par aucun texte législatif ou réglementaire, ne constitue pas une garantie de procédure dont la méconnaissance est susceptible d'entraîner la décharge des impositions en litige. M. B...n'est pas, en tout état de cause, fondé à soutenir que l'administration l'aurait privé d'une garantie en ne donnant pas suite à la demande de saisine du conciliateur départemental que son conseil aurait présentée le 16 avril 2012.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : (...) 5° Personnes qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que les revenus provenant de la location d'un fonds de commerce sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, quand bien même, selon le requérant, " il n'y [aurait] pas d'opérations de commerce entre [M. B...] et la SARLB... ".
8. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créance consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion. Toutefois, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Aux termes de l'article 1134 du code civil, alors en vigueur : " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ".
9. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. B...a donné son fonds de commerce en location-gérance à la SARL B...Fabrication puis à la SARL B...Donge Fabrications. M.B..., qui faisait l'objet d'un plan de continuation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, fait valoir que les loyers dont la SARL B...Fabrication était redevable auraient été versés au mandataire de justice, mais il ne produit aucun élément en ce sens. Le requérant, qui ne démontre pas avoir mis en oeuvre la clause résolutoire en cas de défaut de paiement des loyers stipulée par le contrat du 23 mai 1995, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1134 du code civil, pour soutenir que ce contrat aurait été, comme il le prétend, résilié ou résolu de plein droit. Le requérant ne saurait pas plus faire utilement valoir qu'il avait cru que le contrat précité avait été résilié dès l'apurement en 2001 du plan de continuation. Il ne saurait pas davantage se prévaloir de la circonstance, au demeurant non établie, que les loyers dont la SARL B...Donge Fabrications était débitrice envers lui à compter du 19 avril 2010 auraient été versés à la SARL B...Fabrication. Dans ces conditions, en l'absence du moindre élément de nature à justifier que l'intéressé aurait bénéficié de contreparties liées à cet abandon de créances, l'existence d'une renonciation à des recettes, constitutive d'un acte anormal de gestion de la part du requérant entre 2008 et 2010, doit être regardée comme établie.
10. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 8, la circonstance que le défaut d'encaissement des loyers n'est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée est sans incidence en matière de bénéfices industriels et commerciaux.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". L'administration a réintégré dans les revenus imposables des années 2008 à 2010 de M. B...les loyers que la SARL B...Fabrication puis la SARL B...Donge Fabrications auraient dû lui verser. A supposer qu'il ait entendu soutenir que les rappels seraient exagérés, le requérant, qui supporte sur ce point la charge de la preuve, ne produit aucun élément en ce sens.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.
13. M. B...n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. En se bornant à soutenir qu'il croyait que le contrat du 23 mai 1995 était résilié dès l'apurement en 2001 du plan de continuation, alors qu'il avait au demeurant signé une convention avec la SARL B...Donge Fabrications le 8 mai 2010 dans laquelle il indiquait que le contrat précité prenait fin le 19 avril 2010, le requérant n'établit pas qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. Par suite, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle par M.B....
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC02827