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21/03/2019 | FRANCE | N°17NC01421

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17NC01421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Keck Chimie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises mises à sa charge au titre des années 2009 à 2012 et la réduction des cotisations foncières des entreprises mises à sa charge au titre des années 2014 à 2016 dans les rôles de la commune d'Ingwiller.

Par un jugement n° 1503691, 1602612, 1700829 du 18 avril 2017, le tribunal administrati

f de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Keck Chimie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises mises à sa charge au titre des années 2009 à 2012 et la réduction des cotisations foncières des entreprises mises à sa charge au titre des années 2014 à 2016 dans les rôles de la commune d'Ingwiller.

Par un jugement n° 1503691, 1602612, 1700829 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, respectivement enregistrés les 16 juin 2017, 30 août 2017 et 6 juin 2018, la SA Keck Chimie, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1503691, 1602612, 1700829 du tribunal administratif de Strasbourg du 18 avril 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises mises à sa charge au titre des années 2009 à 2012 et la réduction des cotisations foncières des entreprises mises à sa charge au titre des années 2014 à 2016 dans les rôles de la commune d'Ingwiller ;

3°) de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre de l'année 2013 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2010 est un impôt d'Etat en application de l'article du I du B de l'article 1640 B du code général des impôts ; par conséquent, la procédure contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales aurait dû être respectée, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;

- elle fait partie du groupe Keck dont l'établissement principal est situé à Pirmasens en Allemagne ; elle exerce à Ingwiller principalement une activité de stockage, notamment en vue d'entreposer de la colle, des plaques de résine et des peintures, 90 % de la surface de ses bâtiments étant dédiés à cette activité ; pour l'exercice de cette activité, le matériel et l'outillage ne revêtent pas un caractère prépondérant ; par ailleurs, elle exerce des activités administratives auxquelles sont affectés neuf de ses quinze salariés, sa vocation étant de coordonner les activités de son groupe en France ; elle exerce une activité de production qui est accessoire et qui nécessite un faible degré de technicité ; les produits les plus sophistiqués sont fabriqués à Pirmasens par la société allemande Keck Chemie ; s'agissant des activités de production, le site d'Ingwiller est uniquement consacré à la production de différents types de colle ; seul un dixième de la surface de son site et quatre personnes sont affectés à l'exercice de cette activité ; le facteur humain, en l'occurrence les connaissances des salariés est déterminant dans cette activité ; le procédé de fabrication est simple puisque dans 90 % des cas il résulte d'une réaction chimique due au seul mélange entre les composants utilisés et qui se produit dans une cuve métallique ; ce n'est que dans 10 % des cas qu'il faut un apport de chaleur, générée par un réacteur, pour que la réaction se déclenche ; les composants sont livrés dans des bidons de deux cents litres environ et le produit fini est commercialisé dans des bidons de vingt litres environ ; par conséquent, son établissement à Ingwiller ne revêt pas un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Keck Chimie exploite un établissement à Ingwiller (Bas-Rhin). L'administration lui a adressé des courriers les 20 décembre 2012 et 15 février 2013 pour l'informer de sa volonté de procéder à des rappels de taxe professionnelle pour l'année 2009 et de cotisation foncière des entreprises pour les années 2010 à 2012 au motif que son établissement revêtait un caractère industriel et qu'il devait, par conséquent, être évalué selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts et non selon la méthode dite " par comparaison " prévue à l'article 1498 dudit code. Par ces courriers, l'administration a invité la société requérante à présenter ses observations. Les rappels envisagés au titre des années précitées ont été mis en recouvrement le 30 novembre 2013. La SA Keck Chimie a contesté ces rappels et les cotisations foncières des entreprises dues au titre des années 2014 à 2016 qui ont été établies selon la méthode comptable. Après le rejet de ses réclamations, elle a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge totale des rappels de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises effectués au titre des années 2009, 2010 et 2012 et la décharge partielle des cotisations foncières des entreprises dues au titre des années 2014 à 2016. Par un jugement rendu le 18 avril 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. La SA Keck Chimie relève appel de ce jugement.

Sur la procédure d'imposition :

2. D'une part, aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, repris à l'article 1447-0 du code général des impôts : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ". Aux termes de l'article 1640 B du code général des impôts, issu de la même loi, dans sa version applicable à l'année 2010 : " I. Pour le calcul des impositions à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010, les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre votent un taux relais, dans les conditions et limites prévues pour le taux de la taxe professionnelle par le présent code dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2009, à l'exception du 4 du I de l'article 1636 B sexies. Les impositions à la cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010 sont perçues au profit du budget général de l'Etat. Elles sont calculées en faisant application des délibérations relatives aux exonérations et abattements prévues au I du 5. 3. 2 de l'article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et en appliquant les taux communaux et intercommunaux de référence définis aux 1 à 6 du I de l'article 1640 C. L'Etat perçoit 3 % du montant des impositions de cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010. Ces sommes sont ajoutées au montant de ces impositions. II. 1. a) Par dérogation aux dispositions des articles L. 2331-3, L. 3332-1, L. 4331-2, L. 5214-23, L. 5215-32, L. 5216-8 et L. 5334-4 du code général des collectivités territoriales et des articles 1379, 1586, 1599 bis, 1609 bis, 1609 quinquies C, 1609 nonies B et 1609 nonies C du présent code, les collectivités territoriales, à l'exception de la région Ile-de-France, et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre reçoivent au titre de l'année 2010, en lieu et place du produit de la taxe professionnelle, une compensation relais. Le montant de cette compensation relais est, pour chaque collectivité ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, égal au plus élevé des deux montants suivants : - le produit de la taxe professionnelle qui résulterait pour cette collectivité territoriale ou cet établissement public de l'application, au titre de l'année 2010, des dispositions relatives à cette taxe dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009. Toutefois, pour le calcul de ce produit, d'une part, il est fait application des délibérations applicables en 2009 relatives aux bases de taxe professionnelle, d'autre part, le taux retenu est le taux de taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public pour les impositions au titre de l'année 2009 dans la limite du taux voté pour les impositions au titre de l'année 2008 majoré de 1 % ; - le produit de la taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public au titre de l'année 2009 ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts (...) les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A (...) ". Aux termes du 1° de l'article L. 56 du même livre, la procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable " en matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que la cotisation foncière des entreprises a été instaurée à compter du 1er janvier 2010 en remplacement de la taxe professionnelle par l'article 2 de la loi de finances pour 2010 dont les dispositions sont insérées au chapitre I " Impôts directs et taxes assimilées " du titre I " Impositions communales " de la deuxième partie du code général des impôts, consacrée aux " Impositions perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes ". Cette cotisation constitue l'une des deux composantes de la contribution économique territoriale. Si, pour l'année de sa mise en place, il a été prévu qu'elle serait affectée au budget général de l'Etat, cette affectation constitue le premier volet d'un dispositif dont le second volet consiste en la redistribution du produit de la cotisation foncière des entreprises aux collectivités territoriales et leurs groupements, afin de maintenir au même niveau les ressources qu'ils tiraient l'année précédente de la perception de la taxe professionnelle, au moyen d'une " compensation relais " calculée sur la base du produit de la taxe professionnelle perçu en 2009 ou du produit qui résulterait, au titre de l'année 2010, de l'application des dispositions en vigueur au 31 décembre 2009 en retenant le taux de 2009, dans la limite du taux appliqué en 2008 majoré de 1 %. Il suit de là que les dispositions de l'article 1640 B du code général des impôts ne sauraient être interprétées comme ayant donné à cette imposition, du seul fait de l'affectation du produit de la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010 au budget de l'Etat, le caractère d'une imposition d'Etat à laquelle la procédure contradictoire serait, en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales citées au point 3, applicable. Par suite, le moyen de la SA Keck Chimie, tiré de ce que l'administration aurait dû mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales pour établir la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2010 doit être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. D'une part, s'agissant de la taxe professionnelle due au titre de l'année 2009, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période (...) ". Aux termes de l'article 1469 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La valeur locative est déterminée comme suit : " 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 1467 du même code, dans sa rédaction applicable aux cotisations foncières des entreprises dues au titre des années 2010 à 2012 et 2014 à 2016 : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) Pour le calcul de l'impôt, la valeur locative des immobilisations industrielles définie à l'article 1499 est diminuée de 30 % (...) ".

7. Enfin aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'État (...) ". Revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

8. Il résulte de l'instruction que la SA Keck Chimie fabrique notamment des produits chimiques et en particulier des colles industrielles. Pour les besoins de cette activité, de nature industrielle, qui fait appel aux techniques classiques de la parachimie telles que la dissolution, l'empâtage, la dispersion, la filtration et le conditionnement, la société requérante recourt à un réacteur de colle, des agitateurs, des cuves, des citernes de stockage, un banc de transaction, une hotte aspirante, un système réseau au froid et réseau solvant, des pompes doseuses. Ces installations figurent au compte 215 " installations techniques, matériels et outillages industriels ". La société requérante emploie du matériel qualifié d'industriel d'une valeur de 159 290 euros et les postes " constructions " comportent un ensemble immobilier industriel évalué à 1 623 766 euros. Les circonstances que le réacteur de colle n'interviendrait que dans 10 % des processus de fabrication de colle et que cette activité de transformation ne mobilise qu'un dixième de la surface de son établissement et quatre salariés sur quinze sont sans incidence au regard des critères exposés au point précédent. Il résulte de ces données objectives que l'activité de fabrication de colle exercée la SA Keck Chimie nécessite des moyens techniques importants. Dans ces conditions, les installations techniques, les matériels et les outillages mis en oeuvre par la SA Keck Chimie doivent être regardés comme importants, même si le site d'Ingwiller est plus spécialement chargé de la coordination du groupe, de la gestion des tâches administratives et dispose d'importants bâtiments affectés à des activités de stockage tant des matières premières destinées à être transformées que des produits finis non fabriqués sur place destinés à être revendus et des produits finis fabriqués sur place . Par suite, alors même que l'essentiel de la surface de ses bâtiments est dédié à une activité de stockage pour l'exercice de laquelle le matériel et l'outillage ne revêtent pas un caractère prépondérant, c'est à bon droit que l'administration a retenu le caractère industriel dudit établissement au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts et a déterminé la valeur locative cadastrale des immobilisations concernées selon la méthode d'évaluation prévue à cet article.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions qui concernent la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2013, que la SA Keck Chimie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de décharge des rappels d'impôt litigieux. Par suite, ses conclusions à fin de décharge, ainsi que que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Keck Chimie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Keck Chimie et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC01421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01421
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxes foncières - Taxe foncière sur les propriétés bâties.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxe professionnelle - Assiette.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : NONNENMACHER-EHRMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-21;17nc01421 ?
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