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19/03/2019 | FRANCE | N°17NC02831

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 19 mars 2019, 17NC02831


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Grand Troyes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de la responsabilité contractuelle :

1°) à titre principal, d'enjoindre à la SAS Gossiaux Frères d'exécuter ou de faire effectuer les travaux destinés à remédier aux désordres affectant les parements du bâtiment de la station d'épuration de Barberey-Saint-Sulpice en remplaçant l'ensemble des panneaux, subsidiairement, de la condamner à une indemnité provisionnelle de

130 000 euros et de surseoir à statuer, pour le surplus, dans l'attente de la fixation ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Grand Troyes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de la responsabilité contractuelle :

1°) à titre principal, d'enjoindre à la SAS Gossiaux Frères d'exécuter ou de faire effectuer les travaux destinés à remédier aux désordres affectant les parements du bâtiment de la station d'épuration de Barberey-Saint-Sulpice en remplaçant l'ensemble des panneaux, subsidiairement, de la condamner à une indemnité provisionnelle de 130 000 euros et de surseoir à statuer, pour le surplus, dans l'attente de la fixation de l'ensemble de ses préjudices, le cas échéant après désignation d'un expert, ou, plus subsidiairement encore, de condamner cette société à lui verser la somme globale de 130 000 euros TTC ;

2°) dans tous les cas, de condamner cette société à lui payer les pénalités de retard définies à l'article 8.4.1.8 du cahier des clauses administratives particulières du contrat les liant ;

3°) d'assortir les condamnations prononcées à l'encontre de la SAS Gossiaux Frères des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1501642 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les demandes de la communauté d'agglomération du Grand Troyes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 février 2019, l'établissement public Troyes Champagne Métropole, venant aux droits et obligations de la communauté d'agglomération du Grand Troyes, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501642 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 septembre 2017 ;

2°) de faire droit à l'ensemble des demandes présentées devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Gossiaux Frères les éventuels dépens, ainsi qu'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la garantie de parfait achèvement a été prolongée d'un commun accord entre les parties par l'effet des clauses du contrat ;

- les parties étant convenues de prolonger la garantie de parfait achèvement pendant une durée de quinze ans après la réception, elle était fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société au-delà de la réception ;

- les avis techniques avaient valeur contractuelle ;

- la réception s'entendait nécessairement réserve faite de résultats satisfaisants aux essais de garanties, lesquels ne sont pas intervenus en l'espèce ;

- en tout état de cause, elle a mis en demeure la SAS Gossiaux Frères, dans le délai de quinze ans, de reprendre les travaux ;

- les prestations de bardages réalisées par la société ou son sous-traitant n'étaient pas conformes aux règles de l'art et aux documents techniques auxquels les parties ont entendu se référer ;

- le lien de causalité entre les dommages et l'exécution des prestations par la SAS Gossiaux Frères est établi ;

- elle est fondée à demander la condamnation de la société à lui payer des pénalités de retard pour défaut de réalisation des travaux de réfaction, conformément aux articles 8.4.18 et 13.4 du cahier des clauses administratives particulières du contrat et ce, en dépit de l'intervention de la réception et la notification d'un décompte général ;

- en s'engageant à remédier aux désordres, la SAS Gossiaux Frères a interrompu le délai de garantie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2019, la SAS Gossiaux Frères, représentée par la SCP Badré Hyonne Sens-Salis Denis Roger, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ou, subsidiairement, de surseoir à statuer et d'ordonner une expertise aux fins d'examiner les phénomènes dont se plaint la requérante et d'en déterminer la cause ;

2°) de mettre à la charge de l'établissement public Troyes Métropole une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune clause contractuelle ne vient déroger au délai de la garantie de parfait achèvement d'un an prévu par le CCAG Travaux ;

- l'avis technique dont se prévaut la requérante ne saurait être considéré comme ayant été contractualisé, contrairement à la présentation qu'en fait Troyes Champagne Métropole ;

- elle n'a pas admis sa responsabilité au titre des extensions de garantie ;

- Troyes Champagne Métropole n'établit pas que les phénomènes dont il sollicite la réparation trouvent leur cause dans le matériau utilisé.

Un mémoire présenté pour la SAS Gossiaux Frères a été enregistré le 22 février 2019 et, ne comportant aucun élément nouveau, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'établissement public Troyes Champagne Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 10 juillet 2003, la communauté d'agglomération du Grand Troyes, sous maîtrise d'oeuvre du cabinet Merlin, a confié à un groupement conjoint d'entreprises, composé de la SAS Gossiaux Frères et de la SAS CRN Brocard, la réalisation des travaux de génie civil (lot n°4) de l'opération de construction de l'unité de traitement des sables et de mise à niveau de la désodorisation d'une station d'épuration sur le territoire de la commune de Barberey-Saint-Sulpice. Plusieurs années après la réception des travaux fixée au 23 mai 2004, la communauté d'agglomération du grand Troyes a constaté que les panneaux de bardage du bâtiment des prétraitements présentaient des signes anormaux de dégradation. Après avoir vainement adressé à la SAS Gossiaux Frères, mandataire du groupement conjoint d'entreprises, des courriers la mettant en demeure de procéder aux travaux de reprise de ces désordres, les 4 juin 2013 et 19 février 2015, la communauté d'agglomération du Grand Troyes a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de demandes tendant, à titre principal, à ce qu'il soit enjoint à la SAS Gossiaux Frères de remédier à ces désordres, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à la condamnation de cette société à lui verser une somme de 130 000 euros, à titre de provision, dans l'attente de la détermination de l'intégralité de son préjudice, notamment par voie d'expertise. Par un jugement du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté l'intégralité de ces demandes. L'établissement public Troyes Champagne Métropole, venant aux droits et obligations de la communauté d'agglomération du Grand Troyes relève appel de ce jugement.

2. La réception sans réserves d'un ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La responsabilité des constructeurs ne peut plus alors être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l'ouvrage. Toutefois, les obligations des constructeurs sont prolongées au-delà de la date de réception de l'ouvrage jusqu'à la levée des réserves éventuellement émises à cette occasion ainsi que pendant toute la durée du délai de la garantie de parfait achèvement, lorsqu'une telle garantie est prévue au contrat lui-même, à condition que les désordres auxquels elle s'attache soient apparus et signalés avant l'expiration de ce délai.

3. En premier lieu, l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) énumère les pièces constitutives du marché, au nombre desquelles figurent notamment, par ordre de priorité, outre le CCAP lui-même, puis le cahier des garanties souscrites par l'entrepreneur au niveau des principaux ouvrages et le cahier des clauses techniques particulières communes à tous les lots (CCTP) avec ses spécifications techniques ainsi que, au titre des pièces générales, le cahier des clauses générales applicables aux marchés de travaux (CCAG-travaux) approuvé par le décret du 21 janvier 1976. Il résulte de l'article 13.3 du CCAP que les parties au contrat sont convenues que le délai de la garantie de parfait achèvement les liant serait d'un an à compter de la date d'effet de la réception des travaux, en se référant expressément à l'article 44 du CCAG-Travaux, les stipulations des articles 41 et 44 de ce dernier document prévoyant à cet égard que le délai de parfait achèvement n'est susceptible d'être prolongé que par une décision explicite du maître d'ouvrage. Enfin, l'article 13.4. du CCAP rappelle que les garanties particulières sont définies par le cahier des garanties souscrites et restent exigibles tant qu'elles n'ont pas été atteintes.

4. En dépit de la mesure d'instruction qui lui a été adressée par le greffe de la cour, l'établissement public Troyes Champagne Métropole n'a pas produit à l'instance le " cahier des garanties souscrites " auquel renvoient les articles 2 et 13.4 du CCAP, et ne démontre pas, par conséquent, que la partie de l'ouvrage affectée par les désordres en litige obéirait à un régime particulier dérogeant, sur ce point, aux stipulations de l'article 13.3 limitant à un an à compter de la réception de l'ouvrage, la durée de la garantie de parfait achèvement.

5. En deuxième lieu, si l'article 2.3.1 du CCTP fait figurer, au nombre de ses obligations contractuelles, la remise au maître d'ouvrage par l'entreprise en charge du marché de génie civil, de différents documents parmi lesquels certains " avis techniques ", cette circonstance n'a pas, par elle-même et contrairement à ce que soutient Troyes Champagne Métropole, pour objet ou pour effet de donner au contenu de ces avis techniques, en particulier s'agissant des indications de durabilité des matériaux ou équipements concernés, la valeur d'une prolongation de la garantie de parfait achèvement telle qu'elle est stipulée à l'article 13.3 du cahier des clauses administratives particulières. Il s'ensuit, en l'espèce, et alors même que l'avis technique 2/*02-899 relatif aux panneaux stratifiés, communiqué au maître de l'ouvrage par la SAS Gossiaux Frères, indiquait que les caractéristiques mécaniques de ces panneaux permettaient d'envisager une " durabilité supérieure à quinze ans dans des conditions normales d'exploitation ", que l'établissement public Troyes Champagne Métropole n'est pas fondé à soutenir que les parties au contrat seraient convenues, s'agissant des bardages, d'un délai de garantie supérieur à un an.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération du Grand Troyes a, le 9 décembre 2004, prononcé la réception définitive des travaux en litige avec prise d'effet au 23 mai 2004. Si Troyes Champagne Métropole fait valoir que cette réception ne s'est faite que sous réserve d'un résultat satisfaisant des essais de garantie, conformément aux stipulations de l'article 13.2.7 du CCTP, il résulte de l'instruction que les panneaux de bardage en litige n'étaient pas au nombre des installations devant donner lieu à de tels essais, lesquels ne concernaient, selon les stipulations de l'article 1.3.1.4 de ce CCTP, auquel renvoie l'article 13.2.7, que les installations nécessitant une période de mise au point comprenant une formation du personnel et une mise en régime progressive. Le délai de parfait achèvement prévu à l'article 13.3. du CCTP est donc venu à expiration le 9 décembre 2005 sans que la communauté d'agglomération ait fait valoir aucune réclamation concernant l'exécution du marché. Dans ces conditions, et quand bien même y soutiendrait-elle que les prestations de bardage n'auraient pas été réalisées conformément aux règles de l'art, les courriers des 4 février 2013 et 19 février 2015 par lesquels elle a mis en demeure la SAS Gossiaux Frères de procéder à la reprise des travaux de bardage n'ont pas pu rouvrir, à son bénéfice, la possibilité de se prévaloir de la garantie de parfait achèvement et de mettre en cause, par suite, la responsabilité contractuelle de cette société.

7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que précédemment et eu égard aux effets qui s'attachent à la réception, sans réserve, des travaux de génie civil, Troyes Champagne Métropole n'est pas fondé à demander l'application des stipulations du marché relatif aux pénalités de retard.

8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ni de surseoir à statuer dans cette attente, que l'établissement public Troyes Champagne Métropole n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à ce que la SAS Gossiaux soit condamnée à la réparation, tant en nature que financière, de son préjudice.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SAS Gossiaux Frères, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que Troyes Champagne Métropole demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Troyes Champagne Métropole le versement d'une somme de 1 500 euros à la SAS Gossiaux Frères sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Troyes Champagne Métropole est rejetée.

Article 2 : Troyes Champagne Métropole versera une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Troyes Métropole Champagne et à la SAS Gossiaux Frères.

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No 17NC02831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02831
Date de la décision : 19/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : ADVEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-19;17nc02831 ?
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