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05/03/2019 | FRANCE | N°17NC00796-17NC00800-17NC00801

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 mars 2019, 17NC00796-17NC00800-17NC00801


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre départemental de repos et de soins de Colmar à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral.

Mme A...B...a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2014 par laquelle le directeur du centre départemental de repos et de soins de Colmar l'a radiée des cadres pour abandon de post

e et de lui enjoindre de la réintégrer et de reconstituer sa carrière et, d'aut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre départemental de repos et de soins de Colmar à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral.

Mme A...B...a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2014 par laquelle le directeur du centre départemental de repos et de soins de Colmar l'a radiée des cadres pour abandon de poste et de lui enjoindre de la réintégrer et de reconstituer sa carrière et, d'autre part, de condamner le centre départemental de repos et de soins de Colmar à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction illégale.

Par un jugement nos 1305778, 1403793, 1404753 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 avril 2017 et le 1er février 2019, sous le n°170796, Mme A...B..., représentée MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 octobre 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre départemental de repos et de soins de Colmar à réparer les préjudices résultant du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi ;

2°) de condamner le centre départemental de repos et de soins de Colmar à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de sa demande et, subsidiairement, à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du centre départemental de repos et de soins de Colmar la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1975 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a fait l'objet d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à partir de mai 2005 qui ont entraîné un arrêt de maladie ;

- ces agissements se sont manifestés par de nombreuses décisions défavorables et des mutations successives ;

- ces mesures ne sont pas justifiées par des difficultés relationnelles qu'elle aurait eues, ni par la sanction prononcée à son encontre en 2005 ;

- la seule preuve rapportée par le centre départemental de repos et de soins de Colmar concerne une erreur technique ayant donné lieu à une sanction en 2005, annulée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 décembre 2005 ;

- les seuls documents attestant de difficultés relationnelles ne permettent pas d'identifier leur origine, leur date et leur auteur ; les faits qui y sont relatés sont imprécis ;

- ses fiches d'appréciation au titre des années 2008, 2010, 2011 et 2012 établissent qu'elle a donné pleinement satisfaction et, en particulier, l'absence de difficultés relationnelles avec les résidents ;

- le 5 novembre 2009, elle a été abusivement sanctionnée par un avertissement et un abaissement de sa notation ; ces agissements ont eu pour effet de ralentir sa carrière ;

- l'ensemble des faits dénoncés a eu pour effet de dégrader sa santé ;

- elle a subi un préjudice évalué à 50 000 euros ;

- l'avertissement prononcé à son encontre en 2009 était irrégulier, faute de respecter les droits de la défense ; en outre, il a été illégalement cumulé avec une baisse de la notation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2017, le centre départemental de repos et de soins de Colmar, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de MmeB..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les mesures évoquées par la requérante ont été prises en application du statut de la fonction publique hospitalières et sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

II.- Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 avril 2017 et le 1er février 2019, sous le n°170800, Mme A...B..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 octobre 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2014 prononçant sa radiation des cadres pour abandon de poste et à la condamnation du centre départemental de repos et de soins de Colmar à réparer le préjudice résultant de l'illégalité de cette mesure d'éviction ;

2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2014 par laquelle le directeur du centre départemental de repos et de soins de Colmar l'a radiée des cadres pour abandon de poste ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre départemental de repos et de soins de Colmar de la réintégrer et de reconstituer sa carrière, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner le centre départemental de repos et de soins de Colmar à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction illégale du service, assortie des intérêts légaux à compter de la demande préalable ;

5°) de mettre à la charge du centre départemental de repos et de soins de Colmar la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1975 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- la décision attaquée est entachée d'une rétroactivité illégale ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision mettant fin à la disponibilité d'office ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait dès lors que son état de santé ne lui permettait pas d'apprécier la portée de la mise en demeure ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'un arrêt de travail lui avait été prescrit pour la période du 2 juin au 20 juin 2014 ;

- la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- l'illégalité de la mesure d'éviction lui a causé un préjudice évalué à 15 000 euros ;

- la procédure de radiation pour abandon de poste aurait dû être reprise compte tenu du retrait de la précédente radiation ;

- la compétence de l'auteur des mises en demeure n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2017, le centre départemental de repos et de soins de Colmar, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de MmeB..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est suffisamment motivée ;

- elle n'est pas entachée d'une rétroactivité illégale ;

- le comité médical supérieur a conclu à l'aptitude de la requérante à la reprise de ses fonctions si bien que la décision mettant fin à la disponibilité est légale ;

- la requérante n'établit pas l'impossibilité de comprendre la portée des mises en demeure ; de plus elle était assistée, depuis 2013, par un conseil ;

- la décision attaquée n'a pas pour objet de l'évincer du service ou de participer à un harcèlement moral.

- les mesures évoquées par la requérante ont été prises en application du statut de la fonction publique hospitalières et sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

III.- Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 avril 2017 et le 1er février 2019, sous le n°170801, Mme A...B..., représentée MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 octobre 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2014 mettant fin à sa disponibilité d'office et portant réintégration ;

2°) de mettre à la charge du centre départemental de repos et de soins de Colmar la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1975 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la compétence de l'auteur de la décision attaquée n'est pas établie ;

- la décision attaquée n'est pas motivée en droit et en fait ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2017, le centre départemental de repos et de soins de Colmar, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de MmeB..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision a été prise par une autorité ayant reçu une délégation de signature régulière ;

- la décision attaquée, qui constitue une mesure de gestion administrative, n'a pas à être motivée ; en tout état de cause elle est suffisamment motivée ;

- le comité médical supérieur a estimé que la requérante était apte à reprendre ses fonctions ; il n'avait pas à se prononcer sur un congé de longue durée qui n'avait pas été sollicité.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par trois décisions du 6 février 2017.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° n°88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n°88-976 du 13 octobre 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., infirmière, a été recrutée par le centre départemental de repos et de soins (CDRS) de Colmar, par voie de mutation, le 25 septembre 2004 et affectée au pôle infirmier des " Pins ". Elle a ensuite fait l'objet de plusieurs changements d'affectation dont, en dernier lieu, au mois de juin 2012, à la bibliothèque. Le 16 juillet 2012, l'intéressée a été placée en congé de maladie. Le comité médical départemental, par un avis du 19 décembre 2012, s'est prononcé en faveur d'une prolongation de son congé de maladie jusqu'au 15 avril 2013 et a estimé que le congé de longue maladie sollicité par l'intéressée n'était pas justifié. A la demande de Mme B..., le comité médical départemental a maintenu cet avis lors de sa séance du 10 avril 2013. Le CDRS de Colmar l'a alors placée en congé de maladie ordinaire du 16 juillet 2012 au 15 avril 2013. Compte tenu de la prolongation de ses arrêts de travail, le CDRS de Colmar l'a mise en disponibilité dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur saisi par l'intéressée. Ce dernier, par un avis du 16 janvier 2014, a confirmé l'avis du comité médical départemental. Par une décision du 6 mai 2014, le CDRS de Colmar a mis fin à la disponibilité d'office de l'intéressée et l'a réintégrée à compter du 10 mai 2014. MmeB..., qui n'a pas repris ses fonctions, a été mise en demeure de réintégrer son poste le 2 juin, puis le 16 juin 2014. L'intéressée n'ayant pas déféré à ces mises en demeure, le CDRS l'a radiée des cadres pour abandon de poste par une décision du 4 juillet 2014. Estimant avoir été victime d'un harcèlement moral, Mme B...a adressé, le 22 octobre 2013, une réclamation indemnitaire au CDRS de Colmar qui l'a rejetée. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Strasbourg de trois requêtes tendant, d'une part, à la condamnation du CDRS de Colmar à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral depuis 2005, d'autre part, à l'annulation de la décision du 6 mai 2014 par laquelle le CDRS de Colmar a mis fin à sa disponibilité d'office et a prononcé sa réintégration et, enfin, à l'annulation de la décision du 4 juillet 2014 par laquelle le directeur du CDRS de Colmar l'a radiée des cadres pour abandon de poste et à la réparation des préjudices résultant de l'illégalité de cette décision. Par un jugement du 6 octobre 2016, dont Mme B...fait appel, le tribunal a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la demande de réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...)". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration à laquelle il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

3. Mme B...soutient qu'elle a été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral depuis le mois de mai 2005. A cet égard, elle fait valoir qu'elle a fait l'objet d'une première sanction, quelques mois après son recrutement, qui a été annulée par le tribunal administratif de Strasbourg pour un vice de forme et qui n'a pas été reprise, puis d'une seconde sanction le 5 novembre 2009 en raison du non respect d'une nouvelle procédure de remboursement de frais dont elle n'avait pas été informée. Elle fait encore valoir qu'à son retour de congé de maladie en octobre 2006, elle a été affectée dans un nouveau service où elle a été privée de bureau, d'ordinateur et de téléphone, devant exercer son activité dans une salle utilisée par les aides-soignants. Elle indique également avoir fait l'objet de plusieurs changements d'affectation, sans motif valable, et en dernier lieu, avoir été affectée, en 2012, à la bibliothèque pour exercer des fonctions sans rapport avec sa formation. Elle indique avoir été placée, à la suite de cette nouvelle affectation, en congé de maladie en raison d'un état anxio-dépressif réactionnel à d'importantes difficultés relationnelles dans son milieu professionnel.

4. Ces éléments de fait sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral. Toutefois, d'une part, le CDRS de Colmar soutient, sans être utilement contredit, que le premier changement d'affectation, en octobre 2006, du pôle " des platanes " au pôle " des peupliers " a été effectué à la demande expresse de Mme B...qui ne souhaitait plus réaliser d'actes techniques. Si la requérante conteste l'existence de difficultés relationnelles à l'origine des changements d'affectations ultérieurs et, plus particulièrement au pôle " des marronniers " en octobre 2007, puis à la bibliothèque à compter de juillet 2012, sa notation de 2010, tout en soulignant ses qualités relationnelles avec les résidents, relève un " manque d'harmonie avec les équipes soignantes " et la nécessité de " s'intégrer à l'équipe ". Les attestations de membres de l'équipe des aides soignants et de l'équipe éducative, dont la valeur probante n'est pas remise en cause par l'absence de signature de leurs auteurs dès lors qu'ils sont identifiables par leur nom et qualité, établissent également que l'intéressée avait un comportement générateur de tensions dans le service. Ces éléments sont corroborés par l'attestation d'un médecin de l'établissement selon lequel la requérante avait, à plusieurs reprises, réalisé sans son accord des séances d'entretien individuel et collectives de psychothérapie, qui ont généré des dysfonctionnements et des conflits au sein des équipes pluridisciplinaires. Ainsi, elle ne saurait soutenir que son comportement était exempt de tout reproche, même si ses relations avec les résidents étaient bonnes. Dans ces conditions, ces changements d'affectation, qui ne sont pas dépourvus de tout lien avec l'intérêt du service, n'excèdent pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

5. D'autre part, la sanction annulée, en mai 2005, pour vice de procédure était justifiée par les fautes techniques commises par MmeB..., qu'elle a pour partie reconnues devant la commission administrative paritaire locale, même si, dans un souci d'apaisement, le CDRS de Colmar, n'a pas pris à son encontre de nouvelle sanction. Par ses seules allégations, la requérante n'établit pas que la seconde sanction prononcée le 5 novembre 2009 reposerait sur des faits matériellement inexacts alors que le régisseur de l'établissement a confirmé le non respect par l'intéressée des règles de remboursement des frais. Si la requérante se prévaut du non respect des droits de la défense et de l'irrégularité de la diminution de deux points de sa note cumulée à un avertissement qui, il est vrai, ne relève pas des sanctions prévues par l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986, ces seules circonstances ne sont pas de nature à révéler un harcèlement moral dès lors que les faits fautifs sont établis.

6. Par ailleurs, il ressort de plusieurs entretiens avec le cadre de santé, notamment en 2006, 2007, 2008 et 2011, que Mme B...s'est déclarée plutôt satisfaite de ses conditions de travail. A cet égard, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été " mise au placard " à son retour de congé de maladie en octobre 2006. Certes, à la suite de son changement d'affectation en octobre 2007, elle n'a disposé que d'une salle d'activité, mais celle-ci était adaptée aux activités qu'elle menait avec les résidents de l'établissement. De plus, il ressort clairement du compte-rendu d'entretien de 2008 que la direction a pris des mesures pour qu'elle puisse y rencontrer les résidents sans être dérangée par les autres membres du personnel et qu'une attention particulière a été apportée à ses demandes de moyens matériels. Elle n'apporte, ainsi, aucun élément de nature à établir qu'elle aurait été dans l'impossibilité d'accomplir normalement ses fonctions.

7. Enfin, s'il est vrai que le CDRS de Colmar n'a pas présenté la demande de Mme B...tendant à la révision de sa note pour l'année 2010 à la première commission administrative paritaire locale de l'année 2011, au motif que son dossier avait été égaré par le service, il est constant que la commission suivante, réunie au mois de mai 2011, a examiné sa demande et a d'ailleurs émis un avis défavorable à une révision. Pour autant, pour apaiser les tensions, le directeur du CDRS de Colmar a accepté d'augmenter sa note de 0,25 point. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la carrière de l'intéressée aurait été ralentie. Au contraire, en dehors de la diminution de sa note résultant de la sanction prononcée à son encontre en 2009, ses notes ont progressé régulièrement chaque année. Elle a également bénéficié d'avancements d'échelons en 2007 et en 2011 grâce à une bonification d'ancienneté de plusieurs mois. Si l'intéressée été placée en congé de maladie en raison d'un état anxio-dépressif réactionnel, il n'est aucunement établi un lien entre cet état de santé et une situation de harcèlement moral. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des éléments produits par les parties, les faits allégués par Mme B...ne peuvent être regardés comme caractérisant un harcèlement moral.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CDRS de Colmar à réparer le préjudice résultant du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi.

En ce qui concerne la décision du 6 mai 2014 mettant fin à la disponibilité d'office et portant réintégration dans le service à compter du 16 avril 2014 :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 28 du décret du 13 octobre 1988 : " La disponibilité est prononcée par l'autorité investie du pouvoir de nomination soit d'office, soit à la demande du fonctionnaire ". L'article L. 6143-7 du code de la santé publique dispose que : " Le directeur dispose d'un pouvoir de nomination dans l'établissement. (...). Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art ". Aux termes de l'article D. 6143-33 du même code : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature ".

10. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 11 mars 2014, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin n°14 du 13 mars 2014, le directeur du CDRS de Colmar a donné délégation permanente à Mme D..., directrice des ressources humaines, à l'effet de signer " tous les actes individuels de gestion des carrières portant : sur les positions statutaires des agents ", à l'exception des décisions " de contrat à durée indéterminée, de mise en stage, de titularisation, de mise en disponibilité " dont ne relève pas la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme D...pour signer la décision attaquée manque en fait.

11. En deuxième lieu, la décision du 6 mai 2014 mettant fin à la disponibilité d'office de Mme B...et la réintégrant dans le service ne figure pas au nombre des décisions qui doivent, en application de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur, être obligatoirement motivées. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

12. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le comité médical départemental s'est prononcé défavorablement, le 10 avril 2013, sur le congé de longue maladie sollicité par Mme B...au motif qu'elle était apte à reprendre le service à temps plein à compter du 16 avril 2013. Saisi à la demande de la requérante, le comité médical supérieur a confirmé, le 7 janvier 2014, cet avis. S'il est vrai qu'il ne s'est pas explicitement prononcé sur l'aptitude de l'intéressée, il doit néanmoins, par cette confirmation, être regardé comme ayant estimé qu'elle était apte à la reprise de ses fonctions à temps plein à compter du 16 avril 2013. Il s'ensuit que le CDRS de Colmar ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts en considérant que le comité médical supérieur avait statué sur son aptitude à reprendre ses fonctions, nonobstant les avis de prolongation d'arrêt de travail qu'elle a transmis.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2014 et à la condamnation du CDRS de Colmar à réparer le préjudice résultant de l'illégalité de cette décision.

En ce qui concerne la décision du 4 juillet 2014 portant radiation des cadres pour abandon de poste :

14. En premier lieu, les mises en demeure de reprendre le service adressées à Mme B... ont été signées par MmeD..., directrice des ressources humaines, laquelle bénéficiait d'une délégation de signature du directeur de l'établissement, régulièrement publiée, ainsi qu'il a été indiqué au point 10, à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions, tous les actes individuels de gestion des carrières à l'exception des décisions " de contrat à durée indéterminée, de mise en stage, de titularisation, de mise en disponibilité " dont ne relèvent pas les décisions mettant un agent en demeure de reprendre son poste. Ainsi, contrairement à ce que soutient en appel MmeB..., la directrice des ressources humaines était compétente pour signer les courriers des 20 mai et 2 juin 2014 la mettant en demeure de reprendre son poste.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur, désormais repris à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi, repris à l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

16. La décision attaquée, après avoir rappelé notamment la loi du 9 janvier 1986 et les mises en demeures adressées à MmeB..., énonce que les arrêts de travail que cette dernière a transmis depuis le 10 mai 2014 ne sont pas de nature à remettre en cause la décision de réintégration dans le service, prise à la suite de l'avis du comité médical supérieur, et qu'en s'abstenant de répondre aux mises en demeure de reprendre le service le 2 juin 2014, elle est considérée comme ayant rompu tout lien avec le service et en situation d'abandon de poste justifiant une radiation sans mise en oeuvre de la procédure disciplinaire. En outre, cette décision indique dans son en-tête qu'elle annule et remplace la précédente décision du 24 juin 2014. Ces éléments de fait étaient suffisants pour permettre à l'intéressée de connaître les motifs pour lesquels l'administration l'a radiée des cadres. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

17. En troisième lieu, il est constant que, par un courrier du 2 juin 2014, Mme B... a été mise en demeure de reprendre ses fonctions et, qu'à défaut, elle serait considérée comme ayant rompu tout lien avec le service à compter du 16 juin 2014. Ainsi, dans la mesure où la décision du 4 juillet 2014 s'est bornée à constater cette rupture des liens entre l'intéressée et le service, le directeur du CDRS de Colmar a pu faire rétroagir les effets de la radiation à la date de cette rupture. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs doit être écarté.

18. En cinquième lieu, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

19. D'une part, si la décision contestée est intervenue après le retrait d'une précédente décision de radiation des cadres du 24 juin 2014, son édiction n'impliquait pas, contrairement à ce que soutient MmeB..., la reprise intégrale de la procédure d'abandon de poste.

20. D'autre part, par une décision du 20 mai 2014, le CDRS de Colmar, se fondant sur l'avis du comité médical départemental du 10 avril 2013 selon lequel Mme B...était apte à exercer ses fonctions le 16 avril 2013, confirmé par un avis du comité médical supérieur du 7 janvier 2014, a mis la requérante en demeure de reprendre ses fonctions à compter du 2 juin 2014. L'intéressée, qui n'a pas obtempéré, a transmis un certificat médical de son médecin traitant prolongeant son arrêt de travail jusqu'au 20 mai 2014. Estimant que ce certificat médical n'apportait aucun élément nouveau relatif à son état de santé de nature à remettre en cause les appréciations du comité médical départemental et du comité médical supérieur sur son aptitude à l'exercice de ses fonctions à compter du 16 avril 2013, le CDRS de Colmar lui a adressé une seconde mise en demeure l'informant qu'à défaut de reprendre ses fonctions le 16 juin 2014, elle serait considérée comme ayant rompu tout lien avec le service à cette date. Le certificat médical du 24 juillet 2014, émanant du psychiatre de la requérante, qui se borne à mentionner qu'elle présente des troubles de la personnalité accompagnés par moments de décompensation anxio-dépressive n'est pas de nature à établir que les facultés de discernement de l'intéressée seraient atteintes. Certes, le certificat médical du 21 juillet 2014 indique que les traitements antalgiques, antidépresseurs et anxiolytiques qu'elle prend pour soigner ses pathologies sont " de nature à perturber sa capacité de jugement et à l'empêcher de prendre conscience de son intérêt dans les suites à donner aux demandes et directives transmises par son administration ", mais, outre qu'il a été établi postérieurement à la décision attaquée par son médecin traitant, ce certificat ne suffit pas davantage à établir que les facultés intellectuelles de Mme B...auraient été altérées, à la date des mises en demeure de reprendre le service, dans une mesure telle qu'elle aurait été dans l'incapacité de comprendre leur portée. D'ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, bien qu'atteinte depuis 2012 d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel, elle a toujours réagi, en les contestant, aux avis et décisions de l'administration concernant sa situation. Dans ces conditions, Mme B...n'établit pas qu'au cours de la période précédant la décision de radiation, elle était atteinte de troubles du comportement de nature à lui ôter toute capacité de discernement et à l'empêcher, par suite, de réagir à la mise en demeure de l'administration.

21. Enfin, Mme B...soutient que l'arrêt de travail dont elle bénéficiait ayant été prolongé à la date à laquelle elle a été mise en demeure de reprendre le service, elle ne peut être regardée comme ayant refusé de déférer aux demandes du CDRS de Colmar. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au point 12, le comité médical départemental et le comité médical supérieur ont constaté qu'elle était apte à reprendre ses fonctions à temps plein le 16 avril 2013. Si l'appelante se prévaut d'une attestation de son médecin traitant du 13 octobre 2016 selon laquelle il lui a prescrit un arrêt de travail du 3 juin au 20 juin 2014, il n'est pas établi que cet arrêt aurait été transmis à l'administration au plus tard le 16 juin 2014. Au surplus, en admettant même que ce fut le cas, il n'est pas soutenu que cet avis de prolongation de l'arrêt de travail aurait comporté des éléments nouveaux sur l'état de santé de Mme B...par rapport aux constatations sur la base desquelles les avis des comités médicaux ont été rendus. Par suite, en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, l'administration n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que la requérante a rompu le lien avec le service.

22. En sixième lieu, par une décision du 6 mai 2014, le CDRS de Colmar a mis fin à la disponibilité d'office de Mme B...et l'a réintégrée à compter du 10 mai 2014. Cette décision n'a pas le caractère d'une décision manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Il s'ensuit que MmeB..., qui était tenue de reprendre son poste, ne peut utilement exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision contestée.

23. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée, qui se borne à constater la situation d'abandon de poste de MmeB..., participerait à des agissements constitutifs d'un harcèlement moral, lequel, ainsi qu'il a été indiqué aux points 3 à 8, n'est pas établi. Il s'ensuit que le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2014 portant radiation des cadres pour abandon de poste. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressée ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre départemental de repos et de soins de Colmar, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...la somme que demande le centre départemental de repos et de soins de Colmar au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes nos17NC00796, 17NC00800 et 17NC00801 de Mme B...sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions du CDRS de Colmar présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au centre départemental de repos et de soins de Colmar.

2

Nos 17NC00796, 17NC00800, 17NC00801


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00796-17NC00800-17NC00801
Date de la décision : 05/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Disponibilité.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Radiation des cadres.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP LEBON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-05;17nc00796.17nc00800.17nc00801 ?
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