Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans les trente jours, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1800722 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 26 juillet et 5 septembre 2018, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans les trente jours, et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté du 19 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de cent euros par jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à lui verser en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
Sur la décision lui refusant le séjour :
- elle est entachée d'illégalité dès lors que le préfet a méconnu des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- le préfet a méconnu les articles 5 et 6 de l'accord franco-algérien, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision porte atteinte à son droit au respect d'une vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- l'absence de revenus lui permettant d'être soigné conduira à le soumettre à un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- l'illégalité des décisions de refus de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français étant illégales, la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les observations de Me C..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1937 de nationalité algérienne, est entré régulièrement en France le 21 avril 2016 sous couvert d'un visa de court séjour dont la validité a été prolongée jusqu'au 16 juin 2016. M. A...a ensuite sollicité la prolongation de son visa. Par arrêté du 27 juin 2016, sa demande de prolongation a été rejetée et une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Le 24 mars 2017, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par arrêté du 19 janvier 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans les trente jours, et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 28 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 janvier 2018.
Sur la légalité de la décision lui refusant le séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., âgé de 81 ans à la date de la décision attaquée, a un diabète insulino dépendant de type 2, une hypertension artérielle, un angor d'effort avec une fibrillation auriculaire et souffre de fausses routes à répétition et de hernie inguinale. Il est également atteint d'une cardiopathie ischémique depuis 2004 qui a donné lieu à des infarctus du myocarde en 2004 et 2016. Il est par ailleurs porteur de la maladie de Parkinson, maladie neurodégénérative qui ne présage pas d'évolution favorable de son état de santé. Il ressort en outre des certificats médicaux produits par le requérant que son état de santé nécessite une surveillance régulière et que sa fille l'accompagne à chacun de ses rendez-vous médicaux. Si M. A...n'est présent en France que depuis deux ans à la date de la décision attaquée, ses deux filles sont en situation régulière en France et il est hébergé depuis son arrivée sur le territoire français chez l'une d'elles. Il n'est pas contesté par le préfet que M. A...n'a plus d'attache familiale en Algérie. Dans les conditions très particulières de l'espèce, eu égard à l'âge avancé de M. A... et aux pathologies dont il est atteint nécessitant une prise en charge quotidienne, le requérant est fondé à soutenir, pour la première fois en appel, que la décision lui refusant le séjour méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
4. Eu égard à ce qui a été dit au point précédent, M. A...est fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
5. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté en litige, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Doubs délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à l'intéressé. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer au requérant un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement des circonstances de fait ou de droit. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de M. A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 28 juin 2018 et l'arrêté du préfet du Doubs du 19 janvier 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement des circonstances de fait ou de droit.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC02119