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17/01/2019 | FRANCE | N°17NC03000

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 17 janvier 2019, 17NC03000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...et Mme E...F...épouse D...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 8 décembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Chaussin s'est opposé au raccordement définitif de leur habitation principale au réseau public d'électricité, et de condamner la commune à leur verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement no 1600160 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif d

e Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...et Mme E...F...épouse D...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 8 décembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Chaussin s'est opposé au raccordement définitif de leur habitation principale au réseau public d'électricité, et de condamner la commune à leur verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement no 1600160 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2017 et régularisée le 15 janvier 2018, M. C...D...et Mme E...D..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1600160 du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de leur demande ;

2°) d'annuler la décision du 8 décembre 2015 ;

3°) d'autoriser le raccordement définitif de leur habitation au réseau d'électricité et de mettre à la charge de la commune de Chaussin les frais de raccordement ;

4°) de condamner la commune de Chaussin à leur verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme D...soutiennent que :

- le tribunal n'a pas répondu à leur moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus ;

- la décision de refus n'est pas motivée ;

- la commune ne leur a pas notifié la lettre adressée préalablement à ERDF pour s'opposer au raccordement définitif au réseau d'électricité ;

- le refus de raccordement est injustifié et disproportionné par rapport aux buts de police administrative poursuivis ;

- pour les mêmes raisons, et compte tenu de leurs conditions de vie et de leur âge, il porte une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, ainsi qu'à leur dignité, et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2018, la commune de Chaussin, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme D...une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Chaussin soutient que :

- la requête, déposée le 15 janvier 2018, plus de deux mois après la notification du jugement le 12 octobre 2017, est tardive ;

- la requête est irrecevable dès lors que le litige a déjà été tranché par un précédent arrêt de la cour ;

- le tribunal n'a pas entaché d'irrégularité son jugement en ne répondant pas au moyen tiré du défaut de motivation de la décision, dès lors que ce moyen n'a pas été soulevé devant lui ;

- le moyen tiré du défaut de motivation de la décision est irrecevable dès lors qu'il a été soulevé après l'expiration du délai de recours et que les requérants n'ont soulevé aucun moyen de légalité externe auparavant ;

- aucun des autres moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 8 décembre 2015, le maire de la commune de Chaussin s'est opposé à la demande de M. C...D...et de Mme E...F...épouse D...tendant au raccordement définitif au réseau public de distribution d'électricité de leur chalet à usage d'habitation principale.

2. M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité de l'appel :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à M. et Mme D... le 13 octobre 2017. La présente requête a été enregistrée à la cour le 14 décembre 2017, avant l'expiration du délai d'appel à minuit ce même jour, et a été ultérieurement régularisée par une transmission électronique le 15 janvier 2018. Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par la commune, tirée de la tardiveté de l'appel, ne peut qu'être écartée.

5. En second lieu, la commune ne peut pas utilement soutenir que la requête est irrecevable au motif que le litige a déjà été tranché par la juridiction administrative, dès lors que l'exception de chose jugée n'est pas une fin de non-recevoir, mais concerne le fond du droit.

Sur la régularité du jugement :

6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D...ont, dans leurs écritures de première instance, indiqué à plusieurs reprises que la décision contestée n'était pas motivée. Bien qu'elles n'aient pas été développées, ces affirmations suffisent à caractériser un moyen soulevé à l'encontre de la décision attaquée. Il ressort des énonciations du jugement que le tribunal n'a pas visé ce moyen et n'y a pas davantage répondu, alors que, la décision contestée ayant le caractère d'une mesure individuelle de police, ledit moyen n'était pas inopérant. Quant à l'irrecevabilité du moyen, invoquée par la commune, elle ne dispensait pas le tribunal d'y répondre expressément après l'avoir visé.

7. Dès lors, M. et Mme D...sont fondés à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et que, dans la mesure de leur appel, qui ne porte pas sur le jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires distinctes, il doit être annulé.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de Besançon, tendant à l'annulation de la décision attaquée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

9. L'article R. 421-5 du code de justice administrative prévoit que les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. Cependant, la formation d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative établit que l'auteur du recours a eu connaissance de cette décision au plus tard à la date à laquelle il a formé le recours. Dans ce cas, les moyens qui ne sont pas d'ordre public soulevés plus de deux mois après la date de saisine du tribunal et ressortissant d'une cause juridique différente de celle dont relevaient les moyens invoqués dans ce délai ont le caractère d'une prétention nouvelle tardivement présentée et, par suite, irrecevable.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D...n'ont, à l'appui de leur demande introduite auprès du tribunal administratif le 1er février 2016, soulevé à l'encontre de la décision contestée que des moyens de légalité interne. Ils n'ont soulevé le moyen tiré du défaut de motivation de la décision, qui procède de la légalité externe, que dans leur second mémoire. Ce mémoire a été déposé le 11 octobre 2016, postérieurement à l'expiration du délai de recours de deux mois qui, en l'absence de mention des voies et délais de recours sur la décision attaquée, avait commencé à courir à compter de la date d'introduction de leur demande le 1er février 2016. Par suite, ce moyen était irrecevable et doit être écarté.

11. Pour la même raison, le moyen de légalité externe, soulevé pour la première fois en appel par M. et MmeD..., tiré de ce que la commune ne leur a pas notifié la lettre adressée préalablement à ERDF pour s'opposer au raccordement définitif de leur propriété au réseau d'électricité, doit être écarté comme irrecevable.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

12. Par une décision du 28 février 2012, le maire de la commune de Chaussin s'est opposé au raccordement définitif de l'habitation des requérants au réseau public de distribution d'électricité. Par un jugement n° 1200439 du 12 avril 2013, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt n° 13NC00968 du 28 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé contre ce jugement.

13. Il ressort des pièces du dossier que l'objet de la demande à laquelle le maire de Chaussin s'est opposé par la décision attaquée du 8 décembre 2015 est identique à celui de la demande à laquelle il s'était déjà opposé le 28 février 2012. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que seule Mme D...a contesté la décision du 28 février 2012 devant la juridiction administrative, et qu'elle a également saisi seule le tribunal administratif de Besançon de la demande tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2015, les requérants sont mariés et propriétaires indivis du chalet dans lequel ils résident ensemble : leurs intérêts respectifs au raccordement définitif de ce chalet au réseau électrique sont donc parfaitement concordants. Par suite, les parties figurant dans la présente instance doivent être regardées comme étant les mêmes que celles ayant figuré dans les précédentes instances. En outre, il ressort des pièces du dossier que les requérants avaient soulevé des moyens relatifs à la légalité interne de la décision du 28 février 2012. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les circonstances de droit et de fait propres à l'espèce aient évolué postérieurement à l'arrêt de la cour du 28 novembre 2013 et antérieurement à la décision contestée. En particulier, le rapport d'expertise du 15 mai 2015 dont se prévalent M. et Mme D... ne constitue pas en soi un élément nouveau, et il se borne à analyser la situation de fait et de droit déjà existante, sans y relever la moindre modification.

14. Compte tenu de cette identité d'objet, de parties et de cause juridique, la commune est fondée à soutenir que l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour du 28 novembre 2013 fait obstacle à ce que la cour statue sur les moyens relatifs à la légalité interne dirigés contre la décision du 8 décembre 2015 soulevés par les requérants dans le cadre de la présente instance. Ces moyens ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme D...ne peuvent qu'être rejetées. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce que la cour autorise le raccordement définitif de leur habitation au réseau d'électricité, ce qu'il ne lui appartient en tout état de cause pas de faire, et à ce que soient mis à la charge de la commune de Chaussin les frais de raccordement ainsi que les frais de l'expertise, doivent également être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Chaussin qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme D...demandent au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme D...une somme de 2 500 euros à verser à la commune de Chaussin au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement no 1600160 du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la demande présentée par M. et MmeD....

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal, ainsi que le surplus de leurs conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme D...verseront à la commune de Chaussin une somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Chaussin est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et Mme E...F...épouse D...et à la commune de Chaussin.

2

N° 17NC03000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC03000
Date de la décision : 17/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Police.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : MAUPOIL MYRIAM

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-01-17;17nc03000 ?
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