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28/11/2013 | FRANCE | N°13NC00968

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 28 novembre 2013, 13NC00968


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2013, complétée par un mémoire en date du 15 juillet 2013, présentée pour Mme B...A...demeurant..., par MeD... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200439 en date du 12 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2012 par laquelle le maire de la commune de Chaussin a refusé de l'autoriser à raccorder son habitation au réseau électrique ;

2°) d'annuler la décision du 28 février 2012 ;

Elle soutient

que :

- la décision de refus constitue une ingérence dans son droit au respect de sa vie pr...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2013, complétée par un mémoire en date du 15 juillet 2013, présentée pour Mme B...A...demeurant..., par MeD... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200439 en date du 12 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2012 par laquelle le maire de la commune de Chaussin a refusé de l'autoriser à raccorder son habitation au réseau électrique ;

2°) d'annuler la décision du 28 février 2012 ;

Elle soutient que :

- la décision de refus constitue une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car l'immeuble existe depuis 1979, qu'elle y vit depuis 2006 avec son mari âgé de 76 ans ;

- la décision litigieuse constitue une rupture du principe d'égalité des usagers devant le service public et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le motif de refus au raccordement électrique est erroné car il n'y a jamais eu d'inondation, et leur chalet ne porte pas atteinte au paysage ; il existe de nombreuses constructions dans la zone ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2013, complété par un mémoire de productions du 3 juillet 2013 et un mémoire en date du 31 juillet 2013, présenté pour la commune de Chaussin, représentée par son maire, élisant domicile... ;

Elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'impératif de sécurité publique doit primer sur le droit au respect de la vie privée et familiale ;

- la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de prétendues décisions illégales de raccordement au réseau d'électricité, et certaines des constructions en cause ont été édifiées avant l'adoption du plan de prévention des risques d'inondation ;

- l'ingérence de la commune dans le droit à la vie privée et familiale de la requérante est proportionnée au but légitime poursuivi, à savoir l'impératif de sécurité publique ;

- la décision litigieuse ne crée pas de rupture d'égalité devant les charges publiques, car l'autorisation accordée à Mme C...est sans incidence sur la légalité du refus, et l'autorisation en cause concerne la réhabilitation d'un bâtiment agricole et non une construction à usage d'habitation édifiée irrégulièrement en zone inondable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Dravigny, avocat de la commune de Chaussin ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

2. Considérant que la décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, un raccordement d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 21 décembre 2005, M. et Mme A...ont fait l'acquisition d'un chalet au lieu-dit " au gravier " à Chaussin, l'acte de vente précisant que la construction avait été édifiée sans autorisation d'urbanisme et était dépourvue de tout raccordement au réseau public d'assainissement et au réseau public d'électricité ; que le 19 septembre 2008, le maire de Chaussin s'est opposé à une déclaration préalable de travaux des époux A...consistant à réaliser deux chalets de 19 m² sur leur parcelle, au motif que " le terrain d'assiette du projet est situé en zone inondable du Doubs (secteur d'aléas très fort car situé en zone d'inter digues) telle que définie par le plan de prévention des risques d'inondations, que le projet est situé en zone rouge, et enfin que le terrain est situé en zone ND du plan d'occupation des sols, à savoir une zone naturelle équipée qu'il convient de protéger de l'urbanisation pour des raisons de site et de paysage " ; qu'enfin, par courrier du 15 février 2012, l'adjoint délégué à la voirie confirmait à ERDF que la commune refusait de donner son autorisation pour le branchement électrique de l'habitation des épouxA..., car " ces habitations ne possèdent pas de permis de construire et se trouvent en zone Natura 2000 et PPRI zone violette aléa très fort " et précisait par ailleurs que " en cas d'inondations, la commune ne veut pas prendre le risque éventuel d'un décès par noyade d'un des occupants " ; que si la requérante soutient que la décision litigieuse préjudicie à son droit à mener une vie décente dès lors que son mari est âgé de 76 ans et qu'ils doivent recourir à des voisins pour bénéficier des commodités, il ressort des pièces du dossier qu'elle a toujours été informée de l'implantation irrégulière de son habitation qu'elle a acquise, le 21 décembre 2005, en pleine connaissance de cause, et qu'elle a vécu près de six ans dans ces conditions avant de demander son raccordement au réseau électrique ; que, dans ces conditions, compte tenu du but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité, la décision de refus de raccordement au réseau électrique ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de MmeA... ; que la circonstance que la requérante paye la taxe d'habitation et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères est sans incidence sur cette appréciation ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante soutient que la décision litigieuse est constitutive d'une rupture manifeste d'égalité entre les administrés de la commune car un autre habitant, également situé en zone inondable, a obtenu un permis de construire pour une construction qu'il utilise comme habitation ; que toutefois une telle circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse, qui repose sur la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme et du règlement du plan d'occupation des sols et la dangerosité de la zone dans laquelle est implanté illégalement le chalet de MmeA... ; que, par suite le moyen tiré de la rupture d'égalité doit être écarté ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme de 1 000 € à verser à la commune de Chaussin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Mme A...est condamnée à verser à la commune de Chaussin une somme de 1 000€ (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et à la commune de Chaussin.

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13NC00968


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00968
Date de la décision : 28/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation des installations et travaux divers. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DSC AVOCATS - SCP DUFAY SUISSA CORNELOUP WERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-11-28;13nc00968 ?
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