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27/12/2018 | FRANCE | N°18NC01776

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2018, 18NC01776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et son épouse Mme D...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, la décision du 16 février 2017 par laquelle le préfet de Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...et, d'autre part, les arrêtés du 15 janvier 2018, par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloig

nés à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702124-1801030-1801031 du 31 mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et son épouse Mme D...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, la décision du 16 février 2017 par laquelle le préfet de Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...et, d'autre part, les arrêtés du 15 janvier 2018, par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702124-1801030-1801031 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 16 février 2017, a enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de Mme A...dans le délai de deux mois et a rejeté le surplus des demandes de M. et MmeA....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2018, le préfet de la Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2018 en tant qu'il a annulé la décision du 16 février 2017 et qu'il lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... dans le délai de deux mois ;

2°) de rejeter la demande présentée Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé a été transmis au tribunal avant l'audience ;

- le moyen retenu par le tribunal administratif n'était pas fondé, dès lors qu'il justifie que le médecin de l'agence régionale de santé a bien été saisi du cas de MmeA... ;

- les autres moyens invoqués par Mme A...en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2018, Mme D...épouseA..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeA..., ressortissants albanais nés respectivement en 1989 et 1990, ont déclaré être entrés en France au mois de novembre 2013 pour y demander l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 août 2014, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 22 avril 2015. Par deux arrêtés du 13 février 2015, le préfet de la Meuse a refusé de les admettre au séjour, a pris à leur encontre des obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés à l'expiration de ce délai. Ils indiquent avoir quitté le territoire français et y être revenus irrégulièrement le 4 février 2016. Leurs nouvelles demandes d'asile ont également été rejetées par des décisions de l'OFPRA du 22 mars 2016, confirmées par la CNDA le 29 juillet 2016. Mme A...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par une décision du 16 février 2017, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à cette demande. Leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'OFPRA du 12 mai 2017, confirmées par la CNDA le 13 juillet 2017. Le 16 août 2017, Mme A...a par ailleurs présenté une nouvelle demande d'admission au séjour en raison de son état de santé. Par deux arrêtés du 15 janvier 2018, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits. M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 16 février 2017 et les arrêtés du 15 janvier 2018. Le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif, statuant sur ces demandes, a annulé la décision du 16 février 2017 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois.

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article

R. 313-22 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

3. Pour annuler la décision litigieuse, les premiers juges ont considéré que le préfet ne justifiait pas avoir recueilli l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et qu'un tel vice sur le déroulement de la procédure avait privé Mme A...d'une garantie et était susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise. Toutefois, le préfet de la Moselle produit l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 6 février 2017, qu'il avait produit en première instance après la clôture de l'instruction, attestant que le médecin de l'agence régionale de santé a bien été saisi à la suite de la demande de titre de séjour formée par Mme A...et qu'il s'est prononcé sur le cas de l'intéressée. Le moyen tiré du vice de procédure invoqué par Mme A...doit ainsi être écarté. Le préfet de la Moselle est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a accueilli ce moyen.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg.

5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée avant de prendre à la décision litigieuse et qu'il serait estimé lié par les termes de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé.

6. En second lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Dans son avis du 6 février 2017, le médecin de l'agence régionale de santé a considéré que si l'état de santé de Mme A...nécessitait une prise en charge médicale, d'une part, un défaut de prise en charge ne devrait pas avoir pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. Les deux certificats médicaux produits par Mme A...établis par un médecin psychiatre se bornent à décrire son état et ne se prononcent pas sur les conséquences que pourrait avoir pour elle un défaut de prise en charge médicale. Ils ne se prononcent pas davantage sur la disponibilité d'un traitement approprié à la pathologie dont souffre Mme A...dans son pays d'origine. Par ailleurs, le rapport de synthèse de la littérature scientifique réalisé par le service de santé mentale Ulysse, relatif à la relation thérapeute-patient dans le cadre d'une psychothérapie et à la thérapie du syndrome post-traumatique dont se prévaut Mme A...n'est de nature à établir, par sa généralité, ni que le défaut de prise en charge de son état de santé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie en Albanie. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 16 février 2017 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A...dans le délai de deux mois.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1702124-1801030-1801031 du 31 mai 2018 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du préfet de la Moselle du 16 février 2017 et a enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de Mme A...dans le délai de deux mois.

Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 février 2017 et les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...épouse B...épouse A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.

5

N° 18NC01776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01776
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : OLSZAKOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-27;18nc01776 ?
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