Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Monsieur C...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le préfet des Vosges, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Madame A...B...née D...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le préfet des Vosges, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1800498,1800499 du 22 mars 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018 sous le n° 18NC01295, M.B..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 mars 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le préfet des Vosges, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
4°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la fixation du pays de renvoi :
- la décision contestée est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
II.) Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018 sous le n° 18NC01296, Mme A...B...nééD..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 mars 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le préfet des Vosges, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
4°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la fixation du pays de renvoi :
- la décision contestée est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des ordonnances du 17 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée pour chaque dossier au 8 octobre 2018.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées n° 18NC01295 et 18NC01296 concernent la situation de M. et Mme B...au regard de leur droit au séjour en France et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et MmeB..., ressortissants albanais respectivement nés les 11 juin 1983 et 1er juillet 1986, sont entrés en France le 11 avril 2016 en compagnie de leurs deux filles nées les 16 juin 2004 et 16 septembre 2010. Ils ont déposé des demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 20 avril 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 25 janvier 2018. Par deux arrêtés du 5 février 2018, le préfet des Vosges leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. Les requérants relèvent appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant respectivement à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". Aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué " ;
4. M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy du 19 juin 2018. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions susvisées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Si M. et Mme B...ont entendu faire valoir que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions les obligeant à quitter le territoire français, il ressort des motifs du 5ème considérant du jugement attaqué qu'un tel moyen manque en fait et ne peut, par conséquent, qu'être écarté.
Sur les décisions obligeant M. et Mme B...à quitter le territoire français :
6. En premier lieu, les décisions contestées comportent les éléments de droit et de fait, notamment les motifs relatifs à la vie privée et familiale des requérants, qui en constituent le fondement. M. et Mme B...ne sont dès lors pas fondés à soutenir que ces décisions seraient entachées d'un défaut de motivation.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
8. M. et Mme B...soutiennent qu'ils sont intégrés dans la société française, que les résultats scolaires de leurs deux premières filles sont bons et que leur troisième fille est née en France le 24 août 2017. Cependant, les requérants n'étaient présents sur le territoire français que depuis vingt-et-un mois à la date des décisions attaquées et ils ne font état d'aucune circonstance s'opposant à ce que leur vie privée familiale se poursuive en Albanie et, en particulier, à ce que leurs filles y continuent leur scolarité. Ainsi, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France des requérants, les décisions contestées n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent être écartés. Pour ces mêmes motifs, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet des Vosges a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. et Mme B....
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que les décisions contestées seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et Mme B...doivent être écartés.
10. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de ces stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Si M. et Mme B...soutiennent qu'ils sont menacés dans leur pays d'origine, les documents produits par les requérants, constitués d'attestations délivrées par la police albanaise au sujet de plaintes déposées par M. F...B..., père du requérant, et par " M.B... ", ne sauraient à eux seuls établir la réalité de leurs allégations. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentées par M. et MmeB....
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Monsieur C...B..., à Madame A... B...née D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 18NC01295, 18NC01296