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27/12/2018 | FRANCE | N°18NC01120

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2018, 18NC01120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 1801284 du 2 mars 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 avril 2018, M. B..., représenté par MeC..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 1801284 du 2 mars 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 avril 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 mars 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 23 février 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est fondée sur une décision de refus d'un délai de départ volontaire elle-même illégale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est fondée sur des décisions elles-mêmes illégales ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Wallerich, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant du Kosovo, né en 1985, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations en mai 2013 avec sa compagne, MmeA.... Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée le 16 août 2013 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 7 mai 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. En dépit du rejet, par jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 décembre 2013, de sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans les trente jours, M. B... s'est maintenu sur le territoire français et a demandé le réexamen de sa demande d'asile. Celle-ci a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 avril 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile le 19 octobre 2015. Le tribunal administratif de Strasbourg avait entretemps, de nouveau, par jugement du 6 octobre 2015, rejeté sa demande d'annulation dirigée contre un second arrêté du 1er juin 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français sous trente jours mais il n'y a pas davantage déféré. Enfin, par un nouvel arrêté du 23 février 2018, le préfet du Haut-Rhin a obligé M. B... à quitter le territoire français, cette fois sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a interdit de pénétrer à nouveau sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de son interdiction de retour. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du 22 février 2018 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des motifs de l'arrêté attaqué, que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... ou qu'il se serait mépris sur l'étendue de sa compétence.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit du rejet de sa demande d'asile et de sa demande de réexamen ainsi que des mesures d'éloignements dont il a fait l'objet en 2013 et 2015 et qui ont été confirmées par deux jugements du tribunal administratif de Strasbourg. Dans ces conditions, les circonstances qu'il vive en France en concubinage avec MmeA..., qui a également fait l'objet aux mêmes dates de deux mesures d'éloignements confirmées par deux jugements de ce tribunal et qu'elle n'a pas non plus exécutées, que le couple a donné naissance à deux enfants nés en France, qu'ils y disposent d'un logement et qu'ils ont des activités associatives, ne sont pas de nature à établir qu'en décidant une nouvelle fois d'éloigner M. B..., le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation, alors qu'il n'existe aucun obstacle à ce que le requérant poursuive sa vie familiale au Kosovo avec sa compagne et ses enfants.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Si M. B... fait valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait pour effet de le séparer durablement de ses deux enfants, il n'établit pas de manière probante les risques allégués qu'encourrait sa compagne en cas de retour au Kosovo et ne justifie d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que les deux parents repartent ensemble avec leurs filles dans ce pays. Par suite, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme ayant porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de M. B....

En ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".

7. En premier lieu, la décision contestée, qui comporte les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

8. En second lieu, si M. B...justifie d'une adresse stable au 31 rue Louise à Mulhouse, il est constant qu'il s'est soustrait à l'exécution des deux mesures d'éloignements prononcées à son encontre les 16 septembre 2013 et 1er juin 2015. Par suite, le préfet du Haut-Rhin a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, lui refuser de lui accorder, une troisième fois, un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus d'un délai de départ volontaire n'ayant pas été accueillis, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.

11. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le préfet du Haut-Rhin n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant à l'encontre du requérant une mesure d'interdiction de retour sur le territoire national d'une durée d'un an.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant pas été accueillis, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.

13. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Si M. B... soutient encourir des risques en cas de retour au Kosovo, les témoignages dépourvus de valeur probante qu'il apporte à l'instance ne sauraient suffire à établir la réalité des menaces pour sa vie ou son intégrité physique auxquelles le requérant serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine alors d'ailleurs que sa demande d'asile a été rejetée à deux reprises successivement par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 18NC01120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01120
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-27;18nc01120 ?
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