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27/12/2018 | FRANCE | N°18NC01109

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2018, 18NC01109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...veuve B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702186 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête, enregistrée le 8 avril 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...veuve B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702186 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 décembre 2018, Mme A...C...veuveB..., représentée par Me Dole, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 6 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de résident ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- la décision portant refus de séjour n'est pas suffisamment motivée dès lors notamment qu'elle ne vise pas la demande de titre de séjour qu'elle a présentée le 26 avril 2017, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et s'est estimé lié par les avis du médecin de l'agence régionale de santé (ARS) et du directeur de l'ARS ainsi que par l'arrêt de la cour administrative d'appel du 9 mars 2017 ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 en ne saisissant pas le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- c'est à tort que le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour en sa qualité d'ascendant à charge au motif qu'elle ne justifiait pas être titulaire d'un visa de long séjour, dès lors qu'elle a bien sollicité la délivrance d'un tel visa et que celui-ci lui a été refusé ; le refus de visa de long séjour qui lui a été opposé est illégal ;

- elle remplit les autres conditions pour pouvoir bénéficier d'un titre de séjour en sa qualité d'ascendant à charge ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation familiale et personnelle ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de convention internationale des droits de l'enfant ;

- en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation familiale et personnelle ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aurait dû saisir le collège de médecins de l'OFII avant de prendre une obligation de quitter le territoire à son encontre ;

- les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de renvoi ont été prises par une autorité incompétente ;

- les décisions fixant un délai de départ volontaire et le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier, premier conseiller,

- et les observations de Me Dole, pour MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante marocaine née en 1952, est entrée en France en octobre 2014, sous couvert d'un visa C de 90 jours " ascendant non à charge ". Elle a sollicité, par un courrier du 18 novembre 2014 la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa qualité d'ascendante à charge de sa fille de nationalité française et, subsidiairement, de sa vie privée et familiale et de son état de santé. Par un arrêté du 4 novembre 2015, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pouvait être renvoyée. Cet arrêté a été annulé partiellement par un arrêt la cour administrative d'appel de Nancy du 9 mars 2017. La cour a annulé les décisions par lesquelles le préfet du Doubs avait obligé Mme C...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et avait fixé le pays de destination mais a rejeté les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour dont elle avait fait l'objet. Par un nouvel arrêté du 6 juillet 2017, le préfet du Doubs a refusé une nouvelle fois de délivrer un titre de séjour à Mme C..., a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme C...relève appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...est entrée en France au mois de novembre 2014 et qu'elle souffre de plusieurs pathologies, dont une pathologie cardiaque qui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ainsi que l'a indiqué le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis du 18 septembre 2015. Il est par ailleurs constant, d'une part, que la fille unique de Mme C..., son gendre et ses petits-enfants, résident en France et sont tous de nationalité française, d'autre part, que sa fille et son gendre l'hébergent et la prennent en charge et, enfin, que son mari est décédé au Maroc en 1981. Par suite et alors même qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache personnelle dans son pays d'origine où résident ses frères et soeurs et où elle vécu seule jusqu'à l'âge de 62 ans, la décision refusant à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 juillet 2017 portant refus de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à l'annulation des décisions du 6 juillet 2017 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2017 n'implique pas la délivrance à Mme C... d'une carte de résident. Cette annulation implique, en revanche, nécessairement que le préfet du Doubs délivre à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, en l'espèce, d'enjoindre au préfet d'y procéder dans un délai de deux mois. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut, par suite, se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dole, avocate de MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dole de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 mars 2018 et l'arrêté du préfet du Doubs du 6 juillet 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dole une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dole renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...veuve B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.

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N° 18NC01109


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01109
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-27;18nc01109 ?
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