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27/12/2018 | FRANCE | N°17NC00558

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2018, 17NC00558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 février 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 2 août 2013 et a autorisé son licenciement.

Par un jugement no 1402008 du 11 janvier 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2017, M. C..

.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 février 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 2 août 2013 et a autorisé son licenciement.

Par un jugement no 1402008 du 11 janvier 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2017, M. C...A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 13 février 2014 annulant la décision de l'inspectrice du travail du 2 août 2013 et autorisant son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas pu exercer normalement ses mandats sur la période de 2006 à 2014 ;

- les griefs qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- les trois dernières sanctions dont il a fait l'objet ne pouvaient pas être retenues comme circonstances aggravantes ;

- les griefs qui lui sont reprochés ne peuvent justifier un licenciement ;

- il existe un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de ses mandats.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mai 2017 et le 3 juillet 2018, la sociétéE..., représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M.A..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête, qui ne respecte pas les exigences de l'article R. 414-3 du code de justice administrative, n'est pas recevable ;

- les annexes 85 et 100 produites par M. A...doivent être écartées ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Le ministre du travail n'a pas produit de mémoire en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me F...pour la sociétéE....

Considérant ce qui suit :

1. M. A...a été embauché, par contrat à durée indéterminée le 30 juillet 2001, par la société E...en qualité de chauffeur sur le site de Colmar. Il exerçait un mandat de délégué syndical de la CFDT et était membre de la délégation unique du personnel. Le 3 juin 2013, la société E...a engagé à son encontre une procédure disciplinaire. Le 18 juillet 2013, elle a demandé l'autorisation de le licencier. Par une décision du 2 août 2013, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder cette autorisation au motif qu'en l'absence de qualification juridique des motifs reprochés à M.A..., la demande était irrecevable. Sur recours hiérarchique de la sociétéE..., le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, par une décision du 13 février 2014, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé ce licenciement. Par un jugement du 11 janvier 2017, dont M. A...fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours en annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Lorsque le licenciement d'un salarié légalement investi de fonctions représentatives est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.

3. En premier lieu, les pièces du dossier établissent que M. A...a refusé, au cours de l'année 2013, de mentionner sur les " programmes chauffeurs " le nombre de kilomètres de début et de fin de service figurant au compteur du camion, en dépit de demandes réitérées de sa direction et de son engagement, dans le cadre d'une précédente demande de licenciement en 2012, de respecter cette consigne. Si l'intéressé se prévaut de notes de service du 12 décembre 2012 et du 3 septembre 2013 précisant que l'utilisation du logiciel " pilote " dispense de remplir la version papier du " programme chauffeur ", sauf en cas de panne, il ressort des pièces du dossier que ce logiciel ne fonctionnait pas correctement, justifiant ainsi la consigne de la direction de continuer à renseigner les programmes en version papier. L'ensemble des salariés du site de Colmar renseignait d'ailleurs ce document, à l'exception de M. A...qui ne mentionnait aucun kilométrage ou se bornait à n'en renseigner qu'un seul ou à griffonner, de manière illisible, les kilomètres de début et de fin de service. Si les salariés d'autres sites n'y sont pas astreints, cette circonstance n'est pas de nature à justifier le refus d'obéissance de l'intéressé. De même, M. A...n'établit pas que la personne responsable du transport aurait accepté qu'il se limite à indiquer les kilomètres parcourus à la fin du service. Ces faits, contrairement à ce que soutient le requérant, sont donc établis.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A...a procédé, sur le panneau destiné aux communications syndicales, à l'affichage d'un avertissement prononcé à son encontre le 10 mai 2013 en raison d'actes d'insubordination et d'irrespect dont il avait fait preuve à l'égard de sa hiérarchie. Il a ainsi donné une publicité à son comportement irrespectueux. Ce fait, qu'il ne conteste pas, ne saurait être regardé comme participant de l'exercice normal de ses mandats dès lors qu'il concerne un conflit qui l'oppose personnellement à son employeur. Ce fait est, par conséquent, établi. Si le ministre a également retenu, à titre surabondant, l'affichage d'un tract syndical de la CFDT, cette circonstance, comme l'a relevé le tribunal, est sans incidence sur la matérialité de l'autre grief qui est reproché à M.A....

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A...a affiché un courrier du 15 mai 2013 contestant sa sanction du 10 mai 2013 dans lequel il a dénigré son supérieur hiérarchique et, plus globalement, mis en cause sa direction en lui prêtant des propos désobligeants, repris en dehors de leur contexte, à l'égard des salariés. Ces faits, qui ne se rattachent pas à l'exercice normal de ses mandats et à la liberté d'expression dont jouit un délégué syndical, sont établis, contrairement à ce que soutient l'intéressé. Il a également fait preuve d'insubordination en refusant, en dépit d'une note de service du 29 avril 2013 et de rappels antérieurs, de garer sa moto sur le parking dédié aux deux roues. Le non respect de cette consigne ne saurait être justifié ni par la proximité immédiate de l'espace " fumeurs ", ni par sa méconnaissance, à la supposer établie, par d'autres salariés.

6. En quatrième lieu, si M. A...conteste le grief tiré de l'enregistrement de l'entretien préalable à une sanction disciplinaire du 30 avril 2013, il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier de l'intéressé libellé " correction de la note de (des)information pour la réunion extraordinaire du 8 juillet 2013 " que M. D...E...et un autre membre de l'encadrement se sont expressément opposés à l'enregistrement de cet entretien. Certes, ils n'ignoraient pas que M. A...a poursuivi, malgré leur désaccord, cet enregistrement mais cette circonstance ne saurait, comme le sous-entend celui-ci, être regardé comme un accord. Le grief est donc établi.

7. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'antérieurement à l'autorisation de licenciement contestée, M. A...a été sanctionné par des avertissements, notamment le 19 avril 2011 pour une négligence ayant causé des dégâts matériels, le 10 octobre 2011 pour avoir tenu des propos irrespectueux à l'égard de son supérieur et, enfin, le 27 février 2013 pour des faits d'insubordination, dont le ministre a tenu compte pour apprécier la gravité de son comportement. Il est vrai que l'intéressé a contesté ces sanctions auprès de son employeur puis, pour deux d'entre elles, devant la juridiction prud'homale. Cependant, par un jugement du 20 janvier 2014, le conseil des prud'hommes de Colmar a rejeté sa demande d'annulation de la sanction du 27 février 2013 qu'il a considérée comme justifiée, tout comme d'ailleurs une autre sanction du 10 mai 2013 prise pour des faits d'insubordination, d'insulte et de non respect de la hiérarchie. Quant à la sanction du 10 octobre 2011, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, elle a été prise à la suite de propos irrespectueux qu'il a tenus à l'égard de son supérieur et de mentions manuscrites vulgaires qu'il a portées les 20 et 21 septembre 2011 sur des " programmes d'enlèvement ". M. A..., qui ne conteste pas avoir tenu ces propos, s'est borné à tenter de les justifier dans un courrier du 3 novembre 2011. Seule la sanction du 10 octobre 2011, qui concerne des faits différents de ceux qui sont reprochés dans le cadre de l'autorisation de licenciement en litige, ne peut être prise en considération, comme l'a relevé le tribunal, pour apprécier la gravité du comportement de M.A....

8. Les faits indiqués aux points 3 à 6, dont la matérialité est établie, pris dans leur ensemble et compte tenu de l'existence de précédentes sanctions, sont suffisamment graves pour justifier le licenciement de M.A....

9. Le fait que le ministre se soit également fondé sur des faits de dénonciation calomnieuse, pour lesquels M. A...a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Colmar du 7 avril 2017, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 9 mai 2018 et l'envoi par M. A...de deux mails de menaces et d'insultes adressés à l'un des dirigeants de la sociétéE..., alors que le premier de ces griefs ne constitue pas une méconnaissance des obligations découlant du contrat de travail justifiant un licenciement disciplinaire et que le second n'avait pas été invoqué par la société E...dans sa demande d'autorisation de licenciement, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lorsqu'il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il avait pris en compte les seuls griefs établis et constitutifs de fautes.

10. En dernier lieu, si M. A...fait valoir qu'il a fait objet de deux précédentes demandes d'autorisation de licenciement, dont l'une a été rejetée par l'inspecteur du travail au motif que la demande ne serait pas dépourvue de lien avec ses mandats, cette circonstance n'est pas de nature à établir l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement en litige et ses mandats alors que les griefs mentionnés aux points 3 à 7 sont établis et de nature à justifier le licenciement. La circonstance qu'il n'aurait jamais été sanctionné avant sa désignation comme délégué syndical en 2005 n'est pas davantage de nature à démontrer un tel lien avec l'exercice de ses mandats.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la sociétéE..., que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la sociétéE..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à M. A...la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...une somme euros au titre des frais exposés par la société E...et non compris dans les dépens

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La demande présentée par la société E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à la société E...et à la ministre du travail.

2

N° 17NC00558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00558
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : GENTIT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-27;17nc00558 ?
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