Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Golbey Distribution-Goldis a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités et intérêts de retard, mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et, à titre subsidiaire, la réduction de ces rappels.
Par un jugement n° 1502053 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, respectivement enregistrés les 30 janvier 2017 et 20 octobre 2017, la SAS Golbey-Distribution-Goldis, représentée par Mes Gerardin et Keller, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1502053 du tribunal administratif de Nancy du 1er décembre 2016 ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011 ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces rappels ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- pour répondre au moyen tiré du défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le tribunal administratif n'a pas tenu compte des éléments qu'elle a produits dans ses mémoires des 5 février 2016 et 20 octobre 2016 qui permettaient de conclure à la compétence de cette commission ; par suite, le jugement attaqué est irrégulier ;
- elle a demandé que le différend l'opposant à l'administration fiscale soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; ce différend porte sur la valeur des stocks d'aliments qu'elle a donnés à la Banque alimentaire des Vosges ; cette valeur participe à la détermination du résultat imposable ; par conséquent, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était compétente et, faute pour l'administration d'avoir soumis le litige à cette commission, les rappels ont été mis en recouvrement à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- l'administration se réfère au " guide des bonnes pratiques alimentaires " pour lui reprocher de ne pas avoir fourni une liste de produits permettant de s'assurer des dates limite de consommation et des dates limite d'utilisation optimale ; ce guide ne lui impose pas une telle obligation ; au demeurant, elle a correctement appliqué les " bonnes pratiques " prévues par ce guide, par l'article 49 septies X de l'annexe III au code général des impôts et par le rescrit n° 2009-44 (FE) du 21 juillet 2009, comme cela ressort notamment de la convention conclue avec la Banque alimentaires des Vosges le 28 janvier 2009, aucune règle n'imposant de faire une liste des produits donnés avec leur date limite de consommation ou leur date limite d'utilisation optimale ; ces biens pouvaient être valorisés sur la base de leur valeur en stocks, conformément à l'article 38 nonies de l'annexe III au code général des impôts, dès lors que leurs date limite de consommation et date limite d'utilisation optimale étaient suffisamment éloignées et qu'ils étaient en bon état ; par ailleurs, certains produits, tels que les biscuits et les conserves, étaient donnés avant la date limite d'utilisation optimale ; de ce fait, la valeur marchande de ces produits était égale à leur valeur dans les comptes de stocks ; par ailleurs, l'administration, qui supporte au demeurant la charge de la preuve, n'établit pas que les produits alimentaires qu'elle a donnés n'avaient aucune valeur ;
- à titre subsidiaire, elle peut prétendre à des décharges d'impôt sur les sociétés correspondant à la déduction de 145 337 euros au titre du résultat imposable de 2010 et de 209 214 euros au titre de celui de 2011.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le jugement est régulier ;
- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente pour connaître du différend l'opposant à la société requérante ;
- la SAS Golbey Distribution-Goldis n'a fourni aucune liste des produits qu'elle a donnés, pour permettre au vérificateur de s'assurer de leur date limite de consommation ou de leur date limite d'utilisation optimale et par conséquent de l'existence ou non d'une valeur servant de base de calcul à la réduction d'impôt ; par ailleurs, durant les opérations de contrôle, le logiciel qui gère les stocks du magasin de la SAS Golbey Distribution-Goldis ne permet pas d'assurer la traçabilité des produits qu'elle commercialise ; par conséquent, elle ne justifie pas que les produits donnés sont éligibles à la réduction d'impôt ; les dons de produits alimentaires peuvent être estimés à la valeur pour laquelle les produits sont ou devraient être inscrits en stock en application des dispositions du 3 de l'article 38 du code général des impôts ; ainsi, lorsque la valeur nette comptable est nulle, du fait par exemple de la proximité de la date de péremption du produit, aucune réduction d'impôt ne peut être pratiquée ; la SAS Golbey Distribution-Goldis ne pouvait prétendre au bénéfice de la réduction d'impôt en cause compte tenu notamment des stipulations de la convention conclue entre elle et la Banque alimentaires des Vosges, du choix marketing opéré par elle dans l'élaboration des règles de retrait, ôtant toute valeur commerciale à des produits qui, n'ayant pas atteint la date limite de consommation ou la date limite d'utilisation optimale, n'en sont pas moins considérés comme n'ayant aucune valeur puisque destinés à être détruits et de l'absence de justificatif pour démontrer que les produits donnés étaient éligibles au dispositif prévu par l'article 238 bis du code général des impôts ;
- s'agissant des conclusions subsidiaires, la société requérante ne démontre pas l'existence d'une surtaxe ou une double imposition.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la consommation,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Golbey-Distribution-Goldis, qui exploite un hypermarché, a notamment donné des produits alimentaires à la Banque alimentaire des Vosges au cours des exercices clos le 31 janvier des années 2010 et 2011. Cette société, qui a estimé ces dons à 145 337 euros pour l'exercice clos en 2010 et à 209 214 euros pour l'exercice suivant, a bénéficié de la réduction d'impôt sur les sociétés de 60 % prévue par les dispositions de l'article 238 bis du code général des impôts. A l'issue d'une vérification de comptabilité, effectuée du 21 septembre 2011 au 23 janvier 2012, l'administration a, dans le cadre de la procédure contradictoire, remis en cause le bénéfice de la réduction d'impôt précitée et a, en conséquence, procédé à des rappels d'impôts sur les sociétés de 87 202 euros au titre de 2010 et de 125 528 euros au titre de 2011 qui ont été mis en recouvrement le 15 janvier 2013. La SAS Golbey-Distribution-Goldis a demandé au tribunal administratif de Nancy, à titre principal, la décharge de ces rappels et, à titre subsidiaire, leur réduction. Par un jugement rendu le 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes. La société requérante relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) ". Aux termes de l'article 238 bis du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit : a) D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique (...) social, humanitaire (...) Lorsque la limite fixée au premier alinéa est dépassée au cours d'un exercice, l'excédent de versement peut donner lieu à réduction d'impôt au titre des cinq exercices suivants, après prise en compte des versements effectués au titre de chacun de ces exercices, sans qu'il puisse en résulter un dépassement du plafond défini au premier alinéa. La limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires s'applique à l'ensemble des versements effectués au titre du présent article. Les versements ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice imposable (...) ". Aux termes de l'article 49 septies X de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux rappels litigieux : " Pour l'application des dispositions de l'article 238 bis du code général des impôts, les entreprises doivent annexer une déclaration spéciale à la déclaration de résultat de l'exercice ou de la période d'imposition en cours lors de la réalisation des dépenses ouvrant droit à réduction d'impôt et mentionnées à l'article précité (...) ". Aux termes de l'article R. 112-25 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux rappels litigieux : " Sont interdites la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise en vente, la vente ou la distribution à titre gratuit des denrées alimentaires comportant une date limite de consommation dès lors que cette date est dépassée (...) ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction que, par une convention conclue le 28 janvier 2009, la SAS Golbey-Distribution-Goldis s'est engagée à donner à la Banque alimentaire des Vosges des produits alimentaires avant leur date limite de consommation, cette dernière se chargeant de vérifier le caractère consommable de ces produits avant de les redistribuer à des associations caritatives. La société requérante produit en ce sens un document émanant du président de la Banque alimentaire, daté du 1er février 2009, attestant que les produits lui sont donnés deux jours au minimum avant la date limite de consommation. L'administration fiscale ne produit aucun élément pour établir que la SAS Golbey-Distribution-Goldis ne respectait pas les prescriptions de l'article R. 112-25 du code de la consommation, en ce qu'elles interdisaient notamment la détention en vue de la distribution à titre gratuit de denrées alimentaires comportant une date limite de consommation dépassée, et, contrairement à ce qu'elle soutient, aucune disposition, notamment celles du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, n'impose un suivi des dates limite de consommation des produits alimentaires dans la comptabilité des stocks de denrées alimentaires. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que la date limite de consommation des denrées qu'elle a données à la Banque alimentaire des Vosges n'était pas atteinte à la date des versements au sens de l'article 238 bis précité effectués sous forme de dons de denrées alimentaires.
4. D'autre part, dès lors que la date limite de consommation des produits donnés par la SAS Golbey-Distribution-Goldis à la Banque alimentaire des Vosges n'était pas atteinte à la date à laquelle étaient effectués les dons, ces produits demeuraient commercialisables et ne sauraient, par conséquent, avoir une valeur nulle, comme le prétend l'administration qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 3 de l'article 38 du code général des impôts, lesquelles ne portent que sur l'évaluation des stocks au jour de la clôture de l'exercice afin d'arrêter le bénéfice net et non sur celle des denrées données tout au long de l'année concourant au calcul de la réduction d'impôt en cause. Enfin, l'administration ne conteste pas que la société requérante a respecté les obligations déclaratives prévues par l'article 49 septies X de l'annexe III au code général des impôts. Par suite, la SAS Golbey-Distribution-Goldis est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a estimé qu'elle ne pouvait prétendre à la réduction d'impôt prévue par l'article 238 bis du code général des impôts au titre des années 2010 et 2011.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS Golbey-Distribution-Goldis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels en litige.
Sur les conclusions présentées par la SAS Golbey-Distribution-Goldis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Golbey-Distribution-Goldis et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1502053 du tribunal administratif de Nancy du 1er décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La SAS Golbey-Distribution-Goldis est déchargée en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Golbey-Distribution-Goldis une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Golbey-Distribution-Goldis et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC000196