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11/12/2018 | FRANCE | N°18NC01562

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 18NC01562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé le bénéfice d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement no 1705244 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2018, Mme B...A..., représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé le bénéfice d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement no 1705244 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2018, Mme B...A..., représentée par Me Dollé, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1705244 du 11 janvier 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour pour une durée d'un an et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé et au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'absence de nom du médecin qui a établi le rapport soumis au collège des médecins ne permet pas de s'assurer qu'il n'a pas siégé au sein de ce collège en violation des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle devait être annulée par les premiers juges en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en mentionnant l'obligation de quitter le territoire français sans délai sans motiver son choix ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 5 novembre 2018, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., de nationalité bosnienne, née en 1996, est entrée irrégulièrement en France, accompagnée de son époux, selon ses déclarations, en 2014, pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 mai 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 15 décembre 2014. Par jugement du 11 mars 2015, confirmé par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Nancy du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2014, par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. L'intéressée a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour qui a été rejetée par une décision du 26 février 2015. Le 1er octobre suivant, elle a demandé un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 5 avril 2016, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer le titre sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français. Le recours en annulation contre cet arrêté a été rejeté par le tribunal administratif de Strasbourg, confirmé par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Nancy du 28 décembre 2016. Le 6 octobre 2016, Mme A...a réitéré sa demande de titre de séjour en raison de son état de santé. Après avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par un arrêté du 10 octobre 2017, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 11 janvier 2018, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Enfin, aux termes de l'article R. 313-23 dudit code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 313-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'OFII, doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège des médecins de l'OFII et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

4. Par un avis du 28 août 2017, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué que l'état de santé de Mme A...ne nécessite pas une prise en charge médicale.

5. A l'appui de sa contestation, la requérante se prévaut de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle est intervenue la décision portant refus de titre de séjour dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin, qui a établi le rapport prévu par les dispositions précitées, n'a pas siégé au sein de ce collège en violation des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il est exact que le nom de ce médecin rapporteur n'a pas nécessairement à être mentionné dans l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, il n'en demeure pas moins qu'en cas de contestation, le préfet doit fournir tout élément permettant au juge de s'assurer de la régularité de la procédure. En l'espèce, le préfet n'apporte aucun élément permettant d'identifier ce médecin et, par suite, d'établir que celui-ci n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que l'avis du 28 août 2017, au vu duquel le préfet a statué, a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière qui l'a privée d'une garantie. Il s'ensuit que la décision de refus de titre de séjour litigieuse, prise elle-même au terme d'une procédure irrégulière, doit être annulée.

6. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doivent, par voie de conséquence, être annulées.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de la Moselle délivre à Mme A...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu en revanche d'enjoindre au préfet de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

9. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dollé, avocat de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dollé de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg no 1705244 du 11 janvier 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Moselle du 10 octobre 2017 portant refus d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de Mme A... au regard de son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Dolle une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dolle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Marino, président de chambre,

- Mme Haudier, premier conseiller,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUXLe président,

Signé : Y. MARINOLe greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

No 18NC01562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01562
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-11;18nc01562 ?
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