La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2018 | FRANCE | N°17NC00637

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 17NC00637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 21 mars 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Haut-Rhin a autorisé son licenciement pour inaptitude physique ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre en charge du travail sur son recours hiérarchique introduit le 12 mai 2014 à l'encontre de cette décision.

Par un jugement no 1405395 du 11 janvier 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a ann

ulé ces deux décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 21 mars 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Haut-Rhin a autorisé son licenciement pour inaptitude physique ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre en charge du travail sur son recours hiérarchique introduit le 12 mai 2014 à l'encontre de cette décision.

Par un jugement no 1405395 du 11 janvier 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2017, la société Leitz, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1405395 du 11 janvier 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre en charge du travail sur son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail du 21 mars 2014.

3°) de mettre à la charge de M. B...les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le reclassement du salarié doit être recherché à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

- c'est à tort que le tribunal a pris en compte la recherche de reclassement d'autres salariés au niveau du groupe alors que leurs situations relevaient d'un licenciement économique ;

- M.B..., qui a refusé notamment un poste à Troyes, ne saurait faire croire qu'il aurait accepté un poste à l'étranger ;

- elle n'était pas tenue de rechercher un reclassement dans des filiales à l'étranger ;

- elle a cherché à lui proposer un poste compatible avec son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2017, M.B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Leitz en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La ministre du travail n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Leitz.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., qui occupait un emploi d'affuteur au sein de la société Leitz et détenait un mandat représentatif en qualité de membre suppléant de la délégation unique du personnel, a été déclaré, par deux avis du médecin du travail des 27 juin 2013 et 16 juillet 2013, inapte à son poste à temps plein avec une préconisation de poste aménagé à temps partiel. L'intéressé a formé un recours contre cet avis devant l'inspecteur du travail qui, par une décision du 12 novembre 2013, a émis un avis d'inaptitude à son poste, même à temps partiel. La société Leitz a demandé l'autorisation de licencier M. B...pour inaptitude physique. Par une décision du 21 mars 2014, l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation. Saisi d'un recours hiérarchique réceptionné le 15 mai 2014, complété le 27 juin suivant, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social l'a implicitement rejeté. Par un jugement du 11 janvier 2017, dont la société Leitz relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 21 mars 2014 et la décision implicite née du silence gardé par le ministre sur le recours hiérarchique de M.B....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ". Aux termes de l'article L. 4624-1 du même code : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail ".

3. D'autre part, en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. Il ressort des pièces du dossier que pour autoriser la société Leitz à licencier M. B... pour inaptitude physique, l'inspecteur du travail, après avoir constaté que l'intéressé était inapte à son poste, même à temps partiel, a considéré que son reclassement était impossible en l'absence de poste compatible avec son état de santé au sein de l'entreprise. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la société Leitz, qui appartient à un groupe comportant des établissements dans 74 pays, employant plus de 6 000 salariés, s'est bornée à rechercher le reclassement de M. B...auprès des entreprises implantées en France. Si elle soutient que le reclassement ne devait pas être effectué auprès des autres entreprises du groupe situées à l'étranger en l'absence de possibilité de permutation des salariés, elle ne l'établit pas par la seule production d'une attestation du directeur du groupe qui avance des arguments essentiellement liés à la langue et à la culture pour justifier de cette impossibilité. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier qu'en 2014, la société Leitz a demandé à d'autres salariés faisant l'objet soit d'une procédure de licenciement pour motif économique, soit, pour l'un d'entre eux, d'une procédure de licenciement pour inaptitude physique, s'ils accepteraient une proposition de reclassement dans une entreprise du groupe située à l'étranger, plus particulièrement dans des filiales installées en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne, en Suisse et aux Pays-Bas, susceptibles, selon elle, de répondre au critère de permutabilité des salariés. Ainsi, la société Leitz ne justifie pas que, compte tenu des activités, de l'organisation et du fonctionnement des sociétés du groupe, l'obligation de reclassement de M. B...ne devait pas être élargie aux sociétés du groupe situées à l'étranger. Elle ne peut, en outre, utilement se prévaloir de ce que M. B...a refusé trois postes situés en France pour justifier, qu'a fortiori, il aurait refusé tout poste à l'étranger, dès lors que l'intéressé a légitimement refusé ces propositions en raison de leur incompatibilité avec son état de santé, ainsi que cela ressort des avis du médecin du travail, et non pas de leur situation géographique. Il s'ensuit que la société Leitz ne saurait être regardée comme ayant procédé à une recherche sérieuse de reclassement.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Leitz n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 21 mars 2014 et la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

Sur les dépens :

6. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées à ce titre par la société Leitz doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Leitz demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Leitz une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Leitz est rejetée.

Article 2 : La société Leitz versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Leitz, à M. C...B...et à la ministre du travail.

2

N° 17NC00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00637
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : HAGER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-11;17nc00637 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award