Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...D...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1406739 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2017, M. et Mme A...D..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés et de retenues à la source mis à la charge de la SARL DCP ne sont pas fondés ;
- M. D...n'a pas appréhendé les sommes qui ont été regardées comme des revenus distribués par l'administration et l'ensemble des sommes correspondent à des dépenses de nature professionnelle ;
- il a utilisé l'ensemble des sommes perçues pour le règlement des charges incombant à la société DCP et en particulier des dépenses de personnels.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme M. D...ne sont pas fondés.
Par lettre du 4 septembre 2018, la cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions présentées par M. et Mme D...tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés et de retenues à la source mis à la charge de la SARL DCP et non de ces derniers, sont irrecevables.
Par lettre du 4 septembre 2018, la cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'administration a, à tort, fait application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du CGI pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus considérés comme distribués (cf Conseil constitutionnel 10 février 2017 décision n° 2016-610 QPC et Conseil constitutionnel 7 juillet 2017 décision n° 2017-643/650 QPC).
Par un mémoire, enregistré le 11 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M. et MmeD....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D...ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2010 et 2011 à la suite de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) DCP dont M. D...est le gérant. Par proposition de rectification du 14 août 2013, l'administration leur a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 7 septembre 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé, au bénéfice de M. et Mme D..., un dégrèvement à concurrence de 6 519 euros au titre des années 2010 et 2011. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
3. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". Il résulte de l'instruction que M. et Mme D... n'ont pas présenté d'observations sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus au titre des années 2010 et 2011 en réponse à la proposition de rectification du 14 août 2013. Dès lors, les requérants supportent la charge d'établir le caractère exagéré des impositions en litige.
En ce qui concerne les prélèvements en numéraires :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années litigieuses : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.
5. A la suite de la vérification de la comptabilité de la SARL DCP, l'administration fiscale a réintégré dans le bénéfice imposable de la société, en application de l'article 39 du code général des impôts, la somme de 10 000 euros correspondant à un retrait en espèces effectué le 16 décembre 2011, au motif que cette dépense n'était pas justifiée. L'administration a ensuite considéré que les écritures comptables de la SARL DCP ont permis à M. D...de disposer de cette somme. M. et Mme D...soutiennent que cette dépense a permis de rémunérer le personnel intérimaire et contestent la qualification de revenus distribués.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 14 août 2013 notifiée à M. et MmeD..., que par un jugement du 26 juin 2012, le tribunal de grande instance de Strasbourg a établi le montant des charges d'intérim dues par la SARL DCP à la société d'intérim EBC à la somme de 95 827,70 euros. L'administration a constaté l'inscription en comptabilité au titre de l'exercice clos en 2011 de la somme de 90 688, 95 euros et a admis, au bénéfice de la SARL DCP, la déduction du résultat imposable de la différence à hauteur de 5 139 euros. La seule production des attestations de treize ouvriers intérimaires ne suffit pas à établir le caractère réel d'une dépense supplémentaire de 10 000 euros, qui au demeurant n'a pas été prise en compte par le tribunal de grande instance de Strasbourg ayant statué dans le cadre du litige opposant la SARL DCP à la société EBC. Dans ces conditions, cette somme n'a pas eu de contrepartie pour la SARL DCP et constitue une libéralité au bénéfice de M. et MmeD.... Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a regardé la somme en litige comme étant constitutive d'un avantage occulte, imposable sur le fondement des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, et l'a par suite réintégrée dans le revenu imposable des intéressés, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre de l'année 2011.
En ce qui concerne les encaissements de produits sociaux :
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés (...) et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
8. D'une part, il résulte de l'instruction que M. D...était le gérant de la SARL DCP au cours des années en litige et détenait l'intégralité du capital entre le 1er mars 2010 et le 1er mars 2011. A compter de cette date, il détenait 60 % des parts. Il n'est pas contesté qu'il représentait seul la société. Ces éléments démontrent que M. D... était en mesure de disposer sans contrôle des biens de la société comme de biens qui lui sont propres. Disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de l'entreprise, il doit être regardé comme le seul maître de l'affaire et doit par suite être présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. M. et Mme D...ne sont par suite pas fondés à soutenir que l'administration n'établit pas que le requérant aurait appréhendé les sommes en litiges.
9. D'autre part, l'administration a réintégré dans le revenu imposable de M. et Mme D... la somme de 51 850 euros correspondant à la revente de trois véhicules acquis initialement par la SARL DCP. L'administration a constaté que le produit des ventes a été encaissé en espèces par M. D...et qu'aucun reversement n'est intervenu au profit de la SARL DCP. En se bornant à alléguer avoir pris en charge des dépenses incombant à la société, sans toutefois l'établir, M. et Mme D...ne démontrent pas qu'ils n'ont pas eu la disposition de la somme de 51 850 euros. Compte tenu de la nature des rectifications, la somme en cause doit en conséquence être regardée comme ayant été désinvestie et comme ayant généré des revenus réputés distribués en application des dispositions précitées des articles 109-1-1° et 2° du code général des impôts.
En ce qui concerne le produit des locations immobilières :
10. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ". Les avantages consentis à une société de personnes doivent être regardés comme appréhendés par les associés de celle-ci. Lorsqu'un avantage a été versé par une société commerciale à une société de personnes dont les associés sont par ailleurs actionnaires de la société commerciale, cet avantage doit être regardé comme appréhendé par ces associés et donc comme des revenus distribués.
11. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL DCP, l'administration a refusé d'admettre en déduction les charges afférentes aux loyers versés aux SCI William I et SCI William II destinés à l'hébergement de ses salariés, des intérimaires et des prestataires travaillant sur ses chantiers. L'administration a constaté que les sociétés civiles immobilières, dont M. D... est également le gérant, a établi des baux avec les ouvriers hébergés et que les loyers ont été directement versés par ces derniers aux SCI William I et SCI William II.
12. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D...se bornent à produire un courriel du 18 juillet 2011 de la société EBC mettant à sa disposition du personnel intérimaire où il est fait référence à des charges de logement et de transport sur place. Les requérants, qui supportent la charge de la preuve, ne produisent pas de document justifiant que les salariés hébergés bénéficiaient ainsi d'avantages en nature de la part de la SARL DCP. Ils ne produisent pas non plus les quittances de loyer ou baux relatifs à ces locations entre la SARL DPC et les SCI William I et SCI William II permettant d'établir la réalité des dépenses en cause. Par suite, l'administration établit que la SARL DCP a engagé une dépense contraire à l'intérêt de l'entreprise et a ainsi consenti un avantage appréhendé par M.D..., associé et gérant des sociétés civiles immobilières et imposable au titre de revenus distribués en application de l'article 109-1-2° du code général des impôts.
13. D'autre part, l'administration a constaté que les sommes de 1 000 euros en 2010 et de 5 000 euros en 2011 n'avaient pas été comptabilisées dans les écritures de la SARL DCP en tant que des charges de loyers. Il résulte de ce qui précède que la prise en charge de cette dépense par la SARL DCP ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité. C'est dès lors à bon droit que l'administration a imposé ces sommes entre les mains de M. D...sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.
En ce qui concerne les charges de personnels extérieurs, frais de restauration, d'entretien et de réparation des véhicules et des dépenses de rémunérations supportées par la SARL DCP :
14. M. et Mme D...contestent la qualification de revenus distribués des charges de personnels extérieurs, frais de restauration, d'entretien et de réparation des véhicules et des dépenses de rémunérations supportées par la SARL DCP et l'imposition entre leurs mains qui en aurait, selon eux, découlé. Il ne ressort cependant pas de la proposition de rectification du 14 août 2013 que des rehaussements du revenu imposable de M. et Mme D...aient été notifiés pour ces motifs. Par suite, les requérants ne sauraient utilement contester ces chefs de redressement qui n'ont donné lieu qu'à des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajouté notifiés à la SARL DCP.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande de décharge des impositions et majorations restant en litige.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge de la requête de M. et Mme D...à concurrence du dégrèvement susmentionné prononcé à hauteur de 6 519 euros au titre des années 2010 et 2011.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC02237