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06/12/2018 | FRANCE | N°17NC01580

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2018, 17NC01580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1404384 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2017 et le 17 octobre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'an

nuler le jugement n° 1404384 du tribunal administratif de Strasbourg en date du 2 mai 2017 ;

2°) de pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1404384 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2017 et le 17 octobre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1404384 du tribunal administratif de Strasbourg en date du 2 mai 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 7 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a cédé des actions qu'il détenait dans le capital de la société par actions simplifiée (SAS) BernardB..., dont il était le dirigeant, le 14 novembre 2008 et a placé à juste titre la plus-value réalisée à cette occasion sous le régime de l'exonération d'impôt prévue par l'article 150-0 D ter du code général des impôts ; l'administration a estimé à tort que la condition de rémunération posée par le 1° de l'article 885 O bis du même code, auquel renvoie l'article 150-0 D ter, n'était pas remplie ; en jugeant qu'il ne pouvait se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI 7-S-7-05 du 3 octobre 2005, en ce qu'elle énonce une tolérance qui concerne les sociétés en difficulté, au motif qu'elle se rapporte à l'impôt de solidarité sur la fortune et ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale relative à l'impôt sur le revenu, le tribunal lui a opposé un moyen qui n'était pas soulevé par l'administration fiscale et qui n'était pas d'ordre public, étant précisé que les parties s'accordaient sur le principe de l'application de cette instruction ; par ailleurs, le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la situation financière dégradée de la SAS Bernard B...lui permettait de bénéficier de la tolérance prévue par l'instruction précitée ;

- l'absence de rémunération perçue par lui de 2006 à 2008 constituait une rémunération normale au sens du 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts, compte tenu des difficultés financières rencontrées par la SAS BernardB... ; la réalisation d'une plus-value de cession des parts de la SAS Bernard B...ne signifie pas qu'elle était en bonne santé financière ;

- l'instruction précitée du 3 octobre 2005 est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Une note en délibéré présentée par Me C...pour M. B...a été enregistrée le 16 novembre 2018.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B...a cédé, le 14 novembre 2008, 76 129 actions de la société par actions simplifiée (SAS) BernardB..., dont il était le dirigeant, au prix de 4 960 065,97 euros et l'usufruit de 6 187 actions de cette société au prix de 201 552,16 euros. Il a placé la plus-value réalisée à cette occasion, d'un montant de 3 396 036 euros, sous le régime de l'abattement des plus-values prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts, conduisant à exonérer d'impôt sur le revenu ladite plus-value. A la suite d'un contrôle sur pièces, effectué en 2010 dans le cadre de la procédure contradictoire, l'administration a remis en cause le bénéfice de cet abattement et a, en conséquence, assujetti le requérant à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008. M. B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge de ce rappel d'impôt. Par un jugement rendu le 2 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En première instance, M. B...s'était prévalu, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI 7-S-7-05 du 3 octobre 2005, qui prévoient une tolérance s'agissant du critère de rémunération au profit des dirigeants dont l'entreprise est en difficulté. Le tribunal a jugé que le requérant ne pouvait se prévaloir de cette instruction au motif qu'elle se rapportait à l'impôt de solidarité sur la fortune et ne comportait aucune interprétation formelle de la loi fiscale relative à l'impôt sur le revenu. M. B...soutient que le tribunal lui a opposé un moyen qui n'était pas exposé par l'administration fiscale et qui n'était pas d'ordre public et alors que les parties s'accordaient sur le principe de l'application de cette instruction au litige qui les opposait. Le requérant fait également valoir que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la situation financière dégradée de la SAS Bernard B...lui permettait de bénéficier de la tolérance prévue par l'instruction précitée.

3. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, l'application d'une norme ou l'application d'énonciations de la doctrine administrative. Ainsi, en écartant le moyen de M. B...au seul motif que l'instruction invoquée par lui ne s'appliquait pas au litige qui lui était soumis, le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'a pas ce faisant soulevé un moyen d'ordre public qu'il aurait été tenu de communiquer aux parties en application de l'article R 611-7 du code de justice administrative, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition contestée :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année litigieuse : " I.-1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code, dans sa rédaction applicable aux rappels en litige : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D bis du même code, dans sa version alors applicable : " I. - 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D ter du même code, dans sa version applicable au présent litige : " I. - L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : 1° La cession porte sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits de vote ou, en cas de la seule détention de l'usufruit, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société ; 2° Le cédant doit : a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° (...) ". Aux termes de l'article 885 O bis de ce code, dans sa rédaction applicable au rappel litigieux : " Les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : 1° Etre, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions. Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62. (...) ".

5. L'article 150-0 D ter du code général des impôts, dont les dispositions doivent être interprétées strictement compte tenu de leur caractère dérogatoire, a prévu que les gains nets que les dirigeants de petites et moyennes entreprises retirent de la cession à titre onéreux des titres de leur société lors de leur départ en retraite peuvent bénéficier, sous réserve du respect d'un ensemble de conditions relatives au cédant et à la société dont les titres sont cédés, de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D bis du même code. Figure au nombre des conditions relatives à la personne du cédant l'exercice effectif de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés.

6. Il résulte de l'instruction que M. B...n'a perçu aucune rémunération au cours des années 2003, 2006 et 2007 en tant que dirigeant de la SAS Bernard B...et l'administration soutient, sans être contestée, que sa rémunération en cette qualité représentait moins de la moitié des revenus à raison desquels il a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2004. Dès lors, le requérant ne remplissait pas les conditions légales posées par le 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts, auquel renvoie l'article 150-0 D ter du même code, et ne saurait utilement soutenir que cette absence de rémunération découlait des difficultés financières rencontrées par la SAS BernardB..., essentiellement caractérisées par un résultat toujours déficitaire, un endettement très fort, notamment auprès des établissements bancaires et de ses fournisseurs, et une capacité d'autofinancement devenue au fil du temps négative. En tout état de cause, il ressort des documents comptables de la SAS Bernard B...produits dans le cadre de l'instance, qui portent sur les exercices clos les 31 juillet des années 2004 à 2008, que la masse salariale de la SAS Bernard B...a connu une augmentation constante depuis 2004 sans que le requérant n'apporte aucune explication convaincante sur le fait qu'il n'a perçu aucun salaire notamment au cours de l'année 2006 malgré cette évolution. Par ailleurs, l'activité courante de la SAS Bernard B...au cours de l'exercice clos le 31 juillet 2008 s'est soldée par un résultat d'exploitation positif de 25 426 euros. Si le compte de résultat de cet exercice enregistre une perte de 188 474 euros, cette situation est notamment la conséquence de la comptabilisation de charges exceptionnelles sur opérations de gestion d'un montant de 111 069 euros, pour lesquelles M. B...n'apporte aucune explication . Ainsi, M. B...n'établit pas que la situation financière de la société dont il était le dirigeant s'opposait au versement de salaires à son profit, même partiellement, au cours des années 2003, 2006 et 2007. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 150-0 D ter du code général des impôts doit être écarté.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Aux termes des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI 7-S-7-05 du 3 octobre 2005 : " 9. Afin de permettre, lors de l'appréciation du caractère normal de la rémunération, la prise en compte de la situation économique et financière de l'entreprise et les modalités de fonctionnement de celle-ci, les assouplissements suivants sont apportés. 10. Dirigeant d'une entreprise en début d'activité ou d'une entreprise en difficulté. Dans le cas d'une entreprise nouvellement créée l'exonération des biens professionnels n'est pas remise en cause à raison du niveau de rémunération du dirigeant pendant deux ans. Il en est de même s'agissant d'une entreprise rencontrant des difficultés économiques, commerciales ou financières (diminution du chiffre d'affaires, réduction des marges, charges financières excessives...), lorsque le contribuable en fait état dans sa déclaration. Cette période de deux ans, décomptée depuis la première année au titre de laquelle les difficultés rencontrées ont été mentionnées dans la déclaration d'I.S.F., pourra être, le cas échéant, prorogée par voie de prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L 80-B-1° du L.P.F (...) " ;

8. Une interprétation formelle de la loi fiscale par l'administration est susceptible d'être invoquée sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, quand bien même cette interprétation relative à un impôt serait exprimée dans un document concernant au premier chef un autre impôt. Si les dispositions précitées de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, qui subordonnent le bénéfice de l'abattement à l'exercice, par le cédant des parts sociales, de certaines fonctions au sein de la société, renvoient, pour la définition de ces fonctions et les conditions dans lesquelles elles doivent être exercées, au 1° de l'article 885 O bis du même code, ce renvoi ne saurait permettre à M. B..., qui sollicite le bénéfice de l'abattement prévu par les articles 150-0 D bis et 150-0 D ter pour le calcul de son impôt sur le revenu, de se prévaloir utilement de l'instruction 7 S-7-05 du 3 octobre 2005, qui se rapporte à l'impôt de solidarité sur la fortune et ne comporte expressément aucune interprétation formelle de la loi fiscale relative à l'impôt sur le revenu.

9. Par ailleurs, et en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit plus haut que la situation économique et financière de la SAS Bernard B...ne justifiait pas l'absence de toute rémunération de M. B...au cours des années 2003, 2006 et 2007. Dès lors, le requérant ne remplissait pas les conditions prévues par l'instruction dont il entend se prévaloir.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de décharge du rappel d'impôt litigieux.

Sur les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC01580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01580
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-03-04-05 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Questions relatives au plafonnement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-06;17nc01580 ?
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