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20/11/2018 | FRANCE | N°18NC01581

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 18NC01581


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1705130 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
>Par une requête, enregistrée le 28 mai 2018, Mme A...B..., représentée par Me Boukara, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1705130 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2018, Mme A...B..., représentée par Me Boukara, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 janvier 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Boukara en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le nom du médecin instructeur ne figure pas sur l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée en droit ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- le préfet a entaché la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 17 juillet 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B..., ressortissante congolaise née en 1976, est entrée en France en 2010 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 août 2011 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 mars 2013. Elle a par ailleurs présenté plusieurs demandes tendant à la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Elle s'est finalement vu délivrer une autorisation provisoire de séjour de six mois puis une carte de séjour temporaire valable du 13 février 2016 au 12 février 2017. Par un arrêté du 6 juillet 2017, le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B... relève appel du jugement du 9 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Enfin, aux termes de l'article R. 313-23 dudit code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 313-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège des médecins de l'OFII et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

4. Par un avis du 14 juin 2017, le collège des médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de Mme B...nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

5. Pour contester la décision portant refus de titre de séjour, la requérante ne soutient pas uniquement que l'avis du collège des médecins de l'OFII ne comporte pas le nom du médecin qui a rédigé le rapport médical. Elle soutient également que, compte tenu de l'absence de cette mention, il ne peut être regardé comme établi que ce médecin n'a pas siégé au sein du collège qui a rendu l'avis du 14 juin 2017. Le préfet n'apporte aucun élément permettant d'identifier ledit médecin et par suite d'établir que celui-ci n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que l'avis du 14 juin 2017 du collège des médecins, au vu duquel le préfet a statué, a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière l'ayant privée d'une garantie et que la décision de refus de titre de séjour litigieuse, prise elle-même au terme d'une procédure irrégulière, doit être annulée. Elle est également fondée à soutenir que doivent être annulées par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet du Haut-Rhin délivre à Mme B...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu en revanche d'enjoindre au préfet de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Boukara, avocate de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Boukara de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1705130 du 9 janvier 2018 et l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 juillet 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Boukara une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Boukara renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 18NC01581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01581
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-20;18nc01581 ?
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