La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2018 | FRANCE | N°16NC02731

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 16NC02731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...H..., Mme F...D...et l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 15 juillet 2015 par laquelle le maire d'Erstein a refusé d'inscrire le jeuneB... H... en classe maternelle bilingue et d'enjoindre au maire de la commune d'Erstein de procéder à l'inscription de B...H...en classe maternelle bilingue.

Par un jugement n° 1504738 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté

leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...H..., Mme F...D...et l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 15 juillet 2015 par laquelle le maire d'Erstein a refusé d'inscrire le jeuneB... H... en classe maternelle bilingue et d'enjoindre au maire de la commune d'Erstein de procéder à l'inscription de B...H...en classe maternelle bilingue.

Par un jugement n° 1504738 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er octobre 2017, M. E...H..., Mme F...D...et l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace, représentés par MeG..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 octobre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du maire d'Erstein du 15 juillet 2015 ;

3°) d'enjoindre au maire d'Erstein de procéder à l'inscription de B...H...en classe maternelle bilingue ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Erstein la somme de 1 500 euros, à verser à M. H...et MmeD..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace est intervenante dans l'instance ; son intervention est recevable ;

- la commune était tenue d'inscrire le jeune B...en classe maternelle bilingue conformément à l'annexe de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 et à une réponse de l'ancienne ministre de l'éducation nationale publiée dans le Journal officiel du Sénat du 7 mai 2015, dès lors que sa commune de résidence ne proposait pas d'enseignement bilingue ; contrairement à ce qu'indique la commune en défense, l'allemand doit être regardé comme une langue régionale et non comme une langue étrangère ;

- la commune ne pouvait pas refuser d'inscrire le jeune B...en classe de maternelle bilingue dès lors qu'il restait des places libres ; le maire de la commune n'était pas compétent pour fixer le nombre maximal d'enfants par classe en maternelle ; une telle décision relevait de l'inspection académique ;

- le maire de la commune a méconnu la carte scolaire ;

- la décision litigieuse est contraire à l'article L. 310-12 du code de l'éducation et méconnaît l'article 26 de la loi du 6 août 2015 ;

- la commune a méconnu le principe d'égalité en acceptant des demandes d'inscription pour des enfants résidant dans une autre commune ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit dès lors que la commune ne pouvait pas lui opposer les critères fixés à l'article L. 212-8 du code de l'éducation ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision litigieuse est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire, enregistré le 27 avril 2017, la commune d'Erstein, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. H..., de Mme D...et de l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace n'a pas intérêt à agir pour demander l'annulation de la décision litigieuse ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 ;

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la commune d'Erstein.

Considérant ce qui suit :

1. M. H...et MmeD..., qui résident à Nordhouse, ont sollicité l'inscription de leur fils, B...H...né le 21 août 2011, dans une classe de maternelle bilingue de la commune d'Erstein. Par une décision du 9 juin 2015 confirmée, sur recours gracieux, par une décision du 15 juillet 2015, le maire d'Erstein a refusé de faire droit à cette demande. M. H... et Mme D...relèvent appel du jugement du 20 octobre 2016, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions. L'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace indique, dans le dernier état de ses écritures, intervenir dans la présente instance.

Sur l'intervention de l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace :

2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct (...)".

3. L'intervention de l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace n'a pas été formée par mémoire distinct. Elle est, par suite, irrecevable.

Sur la requête de M. H...et de MmeD... :

4. Pour justifier son refus de faire droit à la demande d'inscription du jeuneB..., le maire de la commune d'Erstein a indiqué, dans sa décision du 15 juillet 2015, les critères retenus par la commune pour faire droit aux demandes de dérogations présentées par des parents d'enfants ne résidant pas dans la commune et a ainsi précisé que : " A l'issue de la campagne d'inscription, l'ensemble des demandes de dérogation sont examinées. Sont ainsi traitées, dans un premier temps, les demandes de dérogation intra-muros puis, dans un second temps, les demandes de dérogation extra-muros au regard des critères communs définis ci-après : / - Mode de garde chez une assistante maternelle de la commune ; / - Fratrie ; / - Raison médicale ".

5. En premier lieu, si l'article L. 113-1 du code de l'éducation prévoit que : " Les classes enfantines ou les écoles maternelles sont ouvertes, en milieu rural comme en milieu urbain, aux enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire. / Tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande. ", aucun principe général du droit ni aucune disposition de loi ou de règlement n'a reconnu aux parents des enfants d'âge scolaire et, a fortiori, d'enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire, le droit de choisir librement l'établissement devant être fréquenté par leurs enfants.

6. Les requérants font valoir que, dès lors que leur commune de résidence ne proposait pas d'enseignement bilingue, la commune d'Erstein était tenue d'inscrire leur fils en classe maternelle bilingue. Toutefois, ils ne peuvent se prévaloir à cet égard de l'alinéa 96 de l'annexe de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République qui prévoit que " (...) Pour favoriser l'accès aux écoles dispensant un enseignement de langue régionale, les élèves résidant dans une commune dont les écoles ne proposent pas un tel enseignement auront la possibilité d'être inscrits dans une école d'une autre commune dispensant cet enseignement, sous réserve de l'existence de places disponibles (...) ". En effet, à supposer même que l'enseignement de l'allemand puisse être regardé comme l'enseignement d'une langue régionale au sens de ce texte, les orientations et les objectifs présentés par le rapport accompagnant la loi du 8 juillet 2013 ne sont pas revêtus de la portée normative qui s'attache aux dispositions de celle-ci. Les intéressés ne peuvent pas non plus se prévaloir d'une réponse de l'ancienne ministre de l'éducation nationale publiée dans le Journal officiel du Sénat du 7 mai 2015, commentant ces dispositions et dépourvue de caractère normatif.

7. Une telle obligation ne ressort pas davantage des dispositions de l'article L. 312-10 du code de l'éducation qui se bornent à prévoir que " Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage. / Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage ".

8. Enfin, si les requérants se prévalent des dispositions de l'article 26 de la loi du 6 août 2015 qui ont modifié l'article L. 212-8 du code de l'éducation, cet article se borne à fixer la répartition des dépenses de fonctionnement lorsqu'une commune scolarise des enfants domiciliés dans une autre commune. Au surplus, la modification qu'ils invoquent est entrée en vigueur postérieurement aux décisions litigieuses.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les deux classes bilingues créées dans la commune d'Erstein comptaient 26 et 28 élèves pour l'année scolaire 2015-2016. Il est constant que ces effectifs étaient inférieurs aux effectifs maximums que les deux classes pouvaient compter. Toutefois, contrairement à ce que semblent soutenir les requérants, le maire ne leur a pas opposé l'absence de places vacantes pour leur refuser la dérogation sollicitée et n'a pas entendu se substituer au recteur pour fixer l'effectif maximal de ces deux classes. En outre, la seule circonstance que des places étaient encore disponibles n'imposait pas au maire de la commune d'Erstein de faire droit à la demande des requérants.

10. En troisième lieu, si les critères opposés par la commune sont inspirés des dispositions de l'article L. 212-8 du code de l'éducation qui fixent, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les cas dans lesquels une commune est tenue de participer financièrement à la scolarisation d'enfants résidant sur son territoire et scolarisés dans une autre commune, le maire ne s'est pas fondé sur ces dispositions pour refuser la dérogation sollicitée par les requérants. M. H...et de Mme D...ne sont ainsi pas fondés à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit.

11. En quatrième lieu, la commune a fixé des critères objectifs pour déterminer les cas dans lesquels il est fait droit aux demandes de dérogations présentées par des parents ne résidant pas dans la commune. Elle justifie, par ailleurs, en défense, de la nécessité de ne pas surcharger les deux classes bilingues qui comptaient respectivement 26 et 28 élèves, en se prévalant de leur spécificité. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. En cinquième lieu, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que le maire aurait méconnu la carte scolaire ou aurait accepté des demandes de dérogations présentées par des parents se trouvant dans une situation identique à la leur.

13. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. H...et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. H... et Mme D...n'appelle aucune mesure d'exécution. Leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Erstein, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. H... et Mme D...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a, en outre, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. H...et Mme D...la somme demandée par la commune d'Erstein au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace n'est pas admise.

Article 2 : La requête de M. H...et de Mme D...est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune d'Erstein sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...H..., à Mme F...D..., à l'association des parents d'élèves de l'enseignement public en Alsace et à la commune d'Erstein.

2

N° 16NC02731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02731
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-01-01 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Enseignement du premier degré. Admissions en classe maternelle et classe primaire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : BRANCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-20;16nc02731 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award