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13/11/2018 | FRANCE | N°17NC02503

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2018, 17NC02503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 9 mai 2017 par lequel le préfet du Doubs a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1701053 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

20 octobre 2017 et un mémoire complémentaire, enregistré le 6 juin 2018, M.A..., représenté par MeC....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 9 mai 2017 par lequel le préfet du Doubs a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1701053 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 octobre 2017 et un mémoire complémentaire, enregistré le 6 juin 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 septembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 9 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à son profit sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet était tenu, en vertu des articles L. 312-1 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il lui est indispensable de se faire soigner en France ;

- la même décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., né le 8 janvier 1968, de nationalité pakistanaise, est entré en France le 26 avril 2002 sous couvert d'un visa C. Après s'être maintenu irrégulièrement en France, il a bénéficié à compter du 27 mai 2010 d'une autorisation provisoire de séjour puis, à compter du 30 mai 2011, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade qui lui a été renouvelé à quatre reprises. Par un arrêté du 9 mai 2017, le préfet du Doubs lui en a refusé le renouvellement, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. A...interjette appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la demande de l'intéressé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

4. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est porteur d'une cardiopathie ischémique ayant fait l'objet de plusieurs dilatations avec mise en place de stents et pontage. A raison de cette pathologie, il doit suivre un traitement médical à vie et faire l'objet d'une surveillance régulière avec examens ergométriques, échographiques et scintigraphiques réguliers. Dans son avis du 1er décembre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale de douze mois dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de cet avis, le préfet du Doubs, qui ne conteste pas la gravité de l'état de santé du requérant, se prévaut d'un courriel du conseiller santé auprès du ministre de l'intérieur daté du 30 juin 2017 qui se fonde sur les éléments contenus dans les fiches Medical Country of Origine Information établies par le service de l'immigration des Pays-Bas selon lesquelles les médicaments qui y sont énoncés seraient présents au Pakistan.

7. Toutefois, il ressort de la lecture de ces fiches que certains médicaments qui y sont mentionnés ne portent pas la même dénomination que ceux figurant sur les prescriptions médicales produites par le requérant et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils en seraient l'équivalent et pourraient s'y substituer. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le suivi des patients évoqués dans ces fiches soit strictement identique à celui que requiert l'état de santé de M.A.... Dans ces conditions, le préfet du Doubs n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la disponibilité effective de tous les traitements que requiert l'état de santé du requérant au Pakistan. Par suite, M. A...est fondé à soutenir que le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant un titre de séjour sur ce fondement. Ce faisant, il a entaché d'illégalité cette décision ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 9 mai 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

10. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A...d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté du préfet du Doubs du 9 mai 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 17NC02503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02503
Date de la décision : 13/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : WOLDANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-13;17nc02503 ?
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