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02/10/2018 | FRANCE | N°16NC01942

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2018, 16NC01942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier de Verdun à lui verser une somme de 110 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime et des manquements de son employeur à ses obligations de protection fonctionnelle et de sécurité.

Par un jugement n° 1501259 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 29 août 2016, et des mémoires, enregistrés le 21 et l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier de Verdun à lui verser une somme de 110 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime et des manquements de son employeur à ses obligations de protection fonctionnelle et de sécurité.

Par un jugement n° 1501259 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 août 2016, et des mémoires, enregistrés le 21 et le 22 juin 2018, Mme A...B..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 juin 2016 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Verdun à lui verser une somme de 140 000 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Verdun la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur jugement, dès lors qu'ils n'ont pas indiqué les motifs pour lesquels ils ne retenaient pas le fondement de responsabilité tiré de l'illégalité fautive dont était entachée la décision d'affectation au service des archives de l'établissement ;

- elle est fondée à solliciter une indemnisation du fait du harcèlement moral dont elle a été victime et de l'illégalité de la décision l'affectant au service des archives ;

- à la suite de cette décision, elle a présenté un état de stress post-traumatique qui a été reconnu comme imputable au service ;

- elle est fondée à obtenir réparation des préjudices qu'elle a subis à hauteur de 140 000 euros ; elle a subi un préjudice moral important ainsi qu'un préjudice matériel qui peut être évalué à la somme de 18 062,70 euros.

Par un mémoire, enregistré le 1er août 2018, le centre hospitalier de Verdun Saint-Mihiel, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé ;

- l'action engagée par la requérante, fondée sur l'illégalité fautive de la décision prononçant son changement d'affectation, est prescrite ;

- la requérante n'a pas présenté de demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité fautive de la décision prononçant son changement d'affectation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour Mme B...et de Me D...pour le centre hospitalier de Verdun.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., permanencière auxiliaire de régulation médicale affectée au centre 15 du SAMU dépendant du centre hospitalier de Verdun, a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner cet établissement à réparer les préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison de faits de harcèlement moral et de manquements de l'établissement hospitalier à ses obligations de protection fonctionnelle et de sécurité. Elle relève appel du jugement du 21 juin 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Compte tenu des termes de la demande de première instance de MmeB..., celle-ci ne peut être regardée comme ayant explicitement recherché la responsabilité du centre hospitalier de Verdun en se prévalant de l'illégalité fautive de la décision l'affectant au service des archives de l'établissement. La requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que, faute pour les premiers juges d'avoir expressément écarté ce fondement de responsabilité, le jugement est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier :

3. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, il ressort des termes mêmes du courrier daté du 3 mai 2016, que l'établissement ne conteste pas avoir reçu, que Mme B...a sollicité auprès de ce dernier une indemnisation au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'illégalité de la décision prononçant son changement d'affectation. Une telle demande figurait par ailleurs dans la demande préalable adressée le 3 décembre 2013 au centre hospitalier. Ce dernier n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la requérante n'a pas lié le contentieux s'agissant de ce fondement de responsabilité.

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

4. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier devant la cour, la requérante a recherché la responsabilité du centre hospitalier du fait de l'illégalité de la décision par laquelle elle a été affectée au service des archives dès l'introduction de sa requête et non pas uniquement dans son dernier mémoire. Par ailleurs, les demandes indemnitaires formées auprès du centre hospitalier en 2013 et 2016 ont été de nature à interrompre le cours de la prescription quadriennale invoquée par l'établissement. L'exception de prescription quadriennale soulevée par le centre hospitalier ne peut ainsi qu'être rejetée.

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Verdun :

5. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été saisi par le chef de service du SAMU/SMUR et des urgences du centre hospitalier de Verdun, le directeur de cet établissement a convoqué Mme B...à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 22 février 2013 et lui a indiqué, dans un courrier du 5 mars 2013, qu'elle serait affectée au service des archives en qualité d'adjoint administratif de 1ère classe. Le directeur du centre hospitalier lui a précisé dans cette décision qu'" au lieu de prononcer une sanction disciplinaire à [son] encontre (...), il a été décidé un changement d'affectation dans l'intérêt du service ". Par un jugement du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision, qui avait été formalisée par un arrêté du 7 mars 2013, au motif qu'elle constituait une sanction déguisée et qu'elle était entachée d'un détournement de pouvoir. Cette illégalité est fautive et est de nature à justifier l'engagement de la responsabilité de l'établissement hospitalier.

6. En revanche, si, par ce même jugement, le tribunal a retenu que le détachement de l'intéressée dans le grade d'adjoint administratif hospitalier de 1ère classe avait été prononcé alors même que Mme B...n'en a pas fait la demande, que ses nouvelles fonctions ne correspondaient pas à ses qualifications et que le centre hospitalier de Verdun ne justifiait pas de l'intérêt du service ayant suscité une telle mutation, il n'a pas considéré que cette mutation procédait à un déclassement de l'intéressée. Il ressort par ailleurs des pièces produites en appel qu'il était reproché à Mme B...de contester le bien-fondé des décisions prises par son chef de service, notamment en apposant des annotations " déplacées " sur des notes de services et d'avoir tenu des propos insultants à l'égard de ce chef de service en présence de collègues. Ces faits, non contestés, étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire. Par suite et même s'il est constant que Mme B...a présenté un état de stress post-traumatique à la suite à l'entretien qu'elle a eu avec le directeur de l'établissement le 22 février 2013 et à l'édiction de la décision la mutant au service des archives, cette circonstance n'est pas de nature à faire présumer qu'elle aurait été victime de harcèlement moral. Le centre hospitalier a, au demeurant, reconnu l'imputabilité au service de cette pathologie. Dans ces conditions, Mme B...ne peut être regardée comme apportant des éléments de nature à faire présumer qu'elle a été victime de harcèlement moral.

7. Mme B...est ainsi uniquement fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Verdun du fait de l'illégalité fautive dont est entachée la décision prise le 5 mars 2013 et formalisée par un arrêté du 7 mars 2013.

En ce qui concerne les préjudices :

8. Un agent public a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait d'une sanction illégalement prise à son encontre, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction ou une sanction emportant les mêmes effets aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge doit enfin prendre en compte, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.

9. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les faits reprochés à Mme B...étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire. Dans ces conditions et compte tenu de l'état de stress post-traumatique qu'elle a développé, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l'intéressée du fait de la faute commise en lui allouant à ce titre une somme de 3 000 euros.

10. Il ne résulte, en revanche, pas de l'instruction que Mme B...aurait subi un préjudice matériel en lien avec la faute commise. Ainsi, la requérante n'établit notamment pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle aurait subi, du fait de la faute commise, des pertes de revenus autres que celles liées à la suspension du versement des primes qu'elle percevait et qui était destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif de ses fonctions.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Verdun demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Verdun une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 juin 2016 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Verdun est condamné à verser à Mme B...la somme de 3 000 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier de Verdun versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier de Verdun présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au centre hospitalier de Verdun.

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N° 16NC01942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01942
Date de la décision : 02/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : AF AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-10-02;16nc01942 ?
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